Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Justice - Nader Succar et Robert Abi Saab entendus comme témoins dans l'affaire Karamé De spectateur détaché, Geagea devient un acteur déchaîné

Est-ce l’élection du général Lahoud ? Samir Geagea aujourd’hui est totalement différent de l’homme qui comparaissait devant la cour de justice en mai dernier. Il participe activement aux audiences non seulement en plaidant sa cause, mais aussi en répondant aux questions des magistrats et des avocats de la partie civile. Le chef des FL dissoutes a visiblement modifié sa stratégie devant le tribunal : de spectateur détaché, il devient un acteur déchaîné, répondant à chaque remarque le visant. Au point qu’hier, ce n’était pas Nader Succar, entendu comme témoin du parquet, qui était la vedette de l’audience du procès Karamé, mais Samir Geagea lui-même, un peu tendu, mais toujours aussi à l’aise devant le micro. Lorsque Nader Succar, ancien compagnon de Geagea, en charge aujourd’hui de la LBCI (la télévision qui appartenait aux FL) entre dans la salle, le chef des FL dissoutes ne daigne pas le regarder. Pourtant Succar est particulièrement réservé, sa réponse la plus fréquente étant : «Je ne me souviens plus. Cela se passait il y a plus de 10 ans». S’il reconnaît s’être rendu le jour de l’assassinat du Premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987, au chevet du Dr Abdallah Racy, à l’hôpital Notre-Dame Maritime à Jbeil (ce dernier se trouvait à bord de l’hélicoptère qui a explosé), il affirme l’avoir fait de sa propre initiative. Il nie aussi avoir dit au rescapé : »Nous n’avons rien contre vous. L ‘homme à qui nous en voulions n’est plus». Ces propos avaient été rapportés par le témoin José Bakhos (ancien responsable de l’escorte de Ghassan Touma) qui avait affirmé devant la cour que c’est le frère de Ghassan, Gaby, qui les lui avait rapportés. Succar révèle toutefois que les Forces libanaises ne voulaient pas que des personnalités politiques des régions est participent à la cérémonie du quarantième de l’assassinat de Karamé, car elles craignaient qu’elle ne soit une occasion pour lancer des accusations contre elles et contre l’est en général. En disant cela, il rappelle étrangement les propos tenus par l’inculpé Keitel Hayeck. Ce dernier avait déclaré à la cour avoir demandé à son beau-frère, Camille Rami (lui aussi inculpé), de lancer une charge explosive désamorcée sur la tombe de Karamé, à la veille de la cérémonie du quarantième, «afin d’empêcher de trop s’en prendre à l’Est». En entendant Nader Succar, Keitel Hayeck, désormais sans moustaches (il explique avec force gestes qu’il les a arrachées), ne bronche pas. Et la cour passe à un autre sujet. Interrogé sur la détermination de Karamé à enlever le barrage de Berbara, installé par les FL depuis le début de la guerre pour contrôler la route du Nord, Succar déclare que cette affaire faisait partie d’un contentieux global. Il ajoute que Bachir Gemayel avait voulu placer ses hommes à ce barrage et les «Nordistes FL» avaient refusé. Interrogé sur la tentative d’assassinat du président Hraoui en 1991, planifiée par Ghassan Touma, il affirme ignorer le blâme que Geagea aurait adressé à Touma pour ce projet. Il ajoute qu’il y avait des relations personnelles entre Geagea et Hraoui, mais il n’y en avait pas entre Geagea et Karamé. Ce qui ravit Me Edmond Naïm de la défense, pour qui l’assassinat de Karamé est un crime politique. À une question du procureur Addoum, il répond ne pas savoir que Geagea souhaitait devenir ministre dans le Cabinet Karamé en 1987. Selon l’acte d’accusation, il en aurait parlé avec le président Amine Gemayel, mais ce dernier aurait invoqué l’opposition de Karamé lui-même. Geagea se lève alors et déclare : «Quand on m’a nommé ministre, à deux reprises, j’ai refusé». Le procureur lui demande si les circonstances étaient les mêmes en 1987 et en 1991. «Elles étaient pires en 87, répond Geagea. Je ne pouvais pas alors circuler et me rendre au Conseil des ministres à l’Ouest». «Il se tenait pourtant à Baabda, à l’époque», objecte un avocat de la partie civile. Geagea se reprend : «À cette époque, nous contrôlions tout, dans nos régions. Pourquoi aurais-je voulu être ministre ?». «Pour avoir la légalité», réplique Addoum. Toutefois, c’est avec le second témoin de l’audience que les choses se corsent. Ancien responsable de la section d’information au service de renseignements des FL dirigé par Pierre Rizk (Akram), Robert Abi Saab connaît beaucoup de secrets. Il a d’ailleurs fait des témoignages accablants pour Geagea dans le procès Chamoun. C’est pourquoi Me Edmond Naïm commence par demander à la cour de ne pas l’entendre, car, selon lui, «n’étant mû que par la haine contre les FL et leur chef, son témoignage n’a aucune crédibilité». Il dresse au passage un portrait détestable du témoin. La polémique s’engage avec le procureur et les avocats de la partie civile. Finalement, la cour décide de rejeter la demande de Me Naïm, estimant que la loi doit être interprétée de manière restrictive dans ce domaine et que, de toute façon, c’est à la cour d’évaluer les propos des témoins. Assez troublé, Abi Saab commence par cafouiller, se reprenant sans cesse. Geagea accuse même le procureur d’influencer ses réponses, tout en rendant hommage «à son humanité, puisqu’il fait de son mieux pour alléger mes conditions de détention». Finalement, il apparaît que le témoin a vu Pierre Rizk au cours de l’été 1996 à Paris et ce dernier lui aurait révélé que Geagea lui avait demandé d’assassiner Karamé, mais il avait refusé «parce que cela risquait d’envenimer ses relations avec l’Irak» (Pierre Rizk est connu pour avoir été l’un des artisans des relations entre l’Irak et les FL). C’est alors qu’il aurait demandé à Ghassan Touma de le faire. Pierre Rizk aurait aussi déclaré au témoin en 1988 : Touma a réussi deux coups : l’assassinat de Karamé et l’explosion de l’évêché grec-catholique à Zahlé. Demain vendredi, la cour entendra de nouveau Robert Abi Saab et la défense se prépare à détruire son témoignage.
Est-ce l’élection du général Lahoud ? Samir Geagea aujourd’hui est totalement différent de l’homme qui comparaissait devant la cour de justice en mai dernier. Il participe activement aux audiences non seulement en plaidant sa cause, mais aussi en répondant aux questions des magistrats et des avocats de la partie civile. Le chef des FL dissoutes a visiblement modifié sa...