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Actualités - ANALYSE

Quelles relations d'avenir entre Lahoud et Hariri ? Deux hommes, deux styles ... mais une entente inévitable

Le président élu n’a pas encore prêté serment et le président du Conseil présumé n’a pas encore été désigné, mais entre les deux hommes, les réunions se multiplient. Il y a certes de nombreux dossiers en suspens à mettre au point, à l’aube du nouveau mandat placé sous le signe du changement. Mais au-delà de cette coordination, Émile Lahoud et Rafic Hariri, visiblement condamnés à faire équipe, doivent aussi apprendre à cohabiter harmonieusement. Car, entre eux, les relations n’ont pas toujours été au beau fixe. Au départ, il y a une différence dans les mentalités. D’un côté, Émile Lahoud, issu d’une famille aisée et militaire de carrière, habitué à un devoir de réserve, respectueux de la hiérarchie et de la loi. De l’autre, Rafic Hariri d’origine modeste, self made man à la réussite spectaculaire qui a concrétisé le rêve de nombreux Libanais, dont le retour au pays, auréolé de toute sa fortune, a été au départ perçu comme un miracle et qui s’est comporté comme si tout lui était dû. Entre le commandant en chef de l’armée, strict et à la limite un peu austère, et le président du Conseil, heureux d’user de son pouvoir, les relations ne pouvaient être faciles. Le premier heurt a commencé lorsque, à l’instar de la majorité de la classe politique, M. Hariri a voulu intervenir dans les nominations au sein de l’armée. Il s’est rapidement heurté au général, qui avait pour objectif de reconstruire une institution, là où il n’y avait que des groupes aux allégeances aussi multiples que les courants politiques et confessionnels. Pour Hariri, au contraire, il s’agissait de contrôler l’armée comme il le faisait avec la plupart des institutions publiques et privées, pour ne citer que quelques : Solidere, Ogero, Elissar, le Parlement, les FSI… En juillet 1993, le conflit est encore allé un peu plus loin. Alors qu’Israël bombardait massivement le Sud, le président du conseil a contacté personnellement le chef de l’État américain, pour tenter de mettre un terme à cette terrible agression. Ce dernier lui aurait alors demandé d’envoyer la troupe au Sud. Hariri a aussitôt entrepris les démarches nécessaires avec les officiers concernés, passant outre le commandement de l’armée mais aussi le conseil des ministres. Il a fallu, on s’en souvient, un rappel à l’ordre syrien pour qu’il renonce à son projet. C’est alors qu’ont commencé les problèmes avec la CGTL. Incapable de faire entendre raison à la centrale syndicale déterminée à violer la décision d’interdiction des manifestations, le conseil des ministres a chargé l’armée de la sécurité dans la capitale, à la veille d’un appel à la grève sur l’ensemble du territoire. Cela avait été interprété à l’époque comme une tentative du pouvoir exécutif de se décharger d’un problème épineux, tout en entraînant l’armée dans une confrontation avec les citoyens. Toutefois, le commandement de l’armée a aussitôt demandé que toutes les forces de sécurité soient placées sous son autorité et il a décrété un couvre-feu, le jour prévu pour la grande manifestation, évitant ainsi la confrontation. À quelques détails près, le même scénario s’est répété lors de l’affaire Toufayli. Ne pouvant plus contrôler les appels aux manifestations du «cheikh des affamés» et ne pouvant pas répondre aux revendications d’une population écrasée par la misère, le conseil des ministres a, une fois de plus, chargé la troupe de la sécurité dans la Békaa. Mais là aussi, l’armée a évité la confrontation, tout en permettant à la population de s’exprimer sans troubler l’ordre public. Le service du drapeau Vint ensuite la polémique sur le service du drapeau. Pour l’armée, il s’agissait d’une entreprise nationale, visant à habituer les jeunes nés pendant la guerre à se retrouver, à réapprendre la coexistence et à faire connaissance avec l’institution militaire. Le premier décret instituant le service du drapeau s’est éloigné de cet objectif car il a admis la possibilité de payer une somme déterminée pour éviter ce service. Le décret a été amendé, mais la campagne contre le service du drapeau a alors commencé, l’entreprise étant jugée très coûteuse pour le Trésor. Pour expliquer les modalités du service du drapeau et son coût réel, le commandement de l’armée a même préparé un livret montrant que non seulement ce service est une nécessité nationale, mais qu’il fait faire des économies à l’État. L’affaire en est restée là. Mais c’est aussi dans le cadre de la restriction budgétaire que l’on peut placer l’incident du ministère des Finances. L’adjudication pour l’achat d’une série de voitures destinées à l’armée avait échu à la compagnie Cherokee. L’officier en charge du dossier s’était rendu au ministère des Finances pour les virements. Il avait été éconduit à plusieurs reprises par la secrétaire. Au point qu’à la fin, il s’était vu dans l’obligation de réagir. La secrétaire avait été donc convoquée pour «un entretien». Ce n’était donc qu’un incident isolé, mais qui, à l’époque, vu la tension entre le président du Conseil et le commandement de l’armée, avait été interprété comme un conflit entre les deux hommes. Toujours dans le cadre des coupes budgétaires, le Conseil des ministres a décidé en 1996, de suspendre le admissions à l’école des officiers de Fayadieh. Officiellement, l’État n’accepterait plus de nouveaux engagements dans toutes ses institutions et ses administrations. Résultat, la dernière promotion d’officiers date de 1996. Depuis, l’école est vide, alors que dans certains ministères, il y a eu de nouvelles recrues… L’affaire des promotions On ne peut parler des relations entre Lahoud et Hariri sans évoquer l’affaire dite de la promotion des officiers. Chaque année, avant la fin de décembre, les divers départements de l’armée envoient au Conseil militaire une liste des officiers méritant une promotion. Le conseil étudie les listes, vérifie les noms et les envoie ensuite au ministre de la Défense qui promulgue un décret qui doit être aussi signé par le président de la République, le Premier ministre et le ministre des Finances. En général, la promotion se fait automatiquement au bout d’un certain nombre d’années. Mais les responsables doivent vérifier qu’il n’y a pas d’oubli ou que les officiers figurant sur les listes n’ont pas essuyé un blâme. C’est dire que les signatures officielles sur le décret sont formelles. Pourtant, le président du conseil a décidé, avant de signer le dernier décret, de biffer le nom du brigadier Jamil Sayed, sans justifier une telle décision. Le commandement de l’armée a jugé qu’il s’agissait là d’un abus de pouvoir et il a présenté un recours devant le Conseil d’État. Ce dernier a donné raison au commandement de l’armée et le brigadier a obtenu sa promotion. Mais médiatisée, l’affaire a pris une grande ampleur et est venue conforter l’impression générale de la mésentente entre les deux hommes, le président du conseil a émis des critiques publiques au cours d’un séminaire économique au Coral Beach, les 21 et 22 juillet. Selon lui, le budget accordé à l’armée est énorme, soulignant que s’il cherchait à le réduire, il serait aussitôt accusé de s’en prendre à l’armée. Un trait sur le passé On pourrait encore parler du projet du président du Conseil de renforcer les FSI, d’en faire une force puissante, dotée d’un service de renseignements autonome, rattachée à la présidence du conseil, tout en réduisant le nombre des effectifs de l’armée, dont le seul rôle doit être de protéger les frontières. Lancé à un moment où les relations entre Hariri et Lahoud étaient tendues, ce projet a été perçu comme une nouvelle attaque du président du conseil contre le commandement de l’institution militaire. Mais cette fois, l’armée n’a pas eu besoin de réagir. De nombreuses instances politiques s’y sont opposées et il est actuellement gelé, tout comme les nominations à la tête des FSI. Selon certaines sources, ce dossier épineux aurait figuré parmi les premières questions adressées par Hariri à Lahoud devenu président. Faut-il en conclure qu’entre le deux hommes, il existe une incompatibilité insurmontable ? Tant qu’il y a de la bonne volonté, tout est possible, dit-on et la bonne volonté, ce n’est visiblement pas ce qui manque aujourd’hui. Lahoud a déclaré que, comme il l’avait fait après le 13 octobre 1990, au sein de l’armée, il comptait tirer un trait sur le passé et ouvrir une nouvelle page. Hariri en a fait de même et il s’est déjà conformé à l’extrême réserve du président élu. Si l’entente est inévitable, les conflits eux, ont de fortes chances de rester entre quatre murs.
Le président élu n’a pas encore prêté serment et le président du Conseil présumé n’a pas encore été désigné, mais entre les deux hommes, les réunions se multiplient. Il y a certes de nombreux dossiers en suspens à mettre au point, à l’aube du nouveau mandat placé sous le signe du changement. Mais au-delà de cette coordination, Émile Lahoud et Rafic Hariri,...