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Actualités - ANALYSE

Le sud et les options palestiniennes de la Syrie

Ce qui n’était il y a quelques mois qu’une déclaration destinée à apaiser la colère de mères de soldats israéliens déployés au Liban-Sud, commence aujourd’hui à se concrétiser dans un projet bien détaillé. Il faudra sans doute plusieurs semaines encore avant que la proposition israélienne d’évacuer le Liban-Sud ne prenne sa forme définitive, mais les grandes lignes en sont déjà claires : retrait unilatéral sans accord de paix avec le Liban. Si les journaux damascains continuent de qualifier de «manoeuvre suspecte» la volonté affichée d’Israël de retirer ses troupes Sud, il y a un décalage entre les éditoriaux de cette presse et la réalité qu’affrontent actuellement les responsables syriens. Ceux-ci sont probablement en train de réfléchir sur les tactiques à mettre en place au lendemain d’un éventuel retrait, après avoir longuement analysé les conséquences d’une telle évacuation. Pour l’instant, Israël continue de réclamer à Beyrouth et à Damas des garanties de sécurité, et les deux capitales ne semblent pas prêtes à lui céder quoi que ce soit. L’Etat hébreu pourrait alors se contenter de garanties internationales sur lesquelles veilleraient des supers Casques bleus, dopés par un nouveau mandat international. Les grands perdants seront alors les miliciens libanais utilisés pendant des années par Israël comme sacs de sable... inefficaces il est vrai. Si le retrait israélien devait avoir lieu, ce scénario est le plus plausible. De petites phrases lancées ça et là laissent entendre que les forces des Nations Unies sont appelées à jouer un rôle de première importance aux côtés de l’armée libanaise. Lors de sa récente visite à Damas, le secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a déclaré que la modification de la nature de la mission des forces intérimaires et des modalités de leur déploiement est envisagée. La semaine dernière, M. Kurt Waldheim, qui était l’hôte du Palais de verre en 1978, a indiqué que M. Annan pourrait prochainement proposer l’amendement de la résolution 426, concernant le mécanisme de mise en œuvre de la 425. Une mini-carte dormante Un épais mystère entoure l’attitude que la Syrie adoptera après un retrait israélien. Damas, qui a investi dans le Hezbollah, a toujours considéré la résistance libanaise comme sa carte maîtresse dans le conflit qui l’oppose à l’Etat hébreu. Une éventuelle évacuation neutraliserait de facto la fonction principale du Hezbollah (qui est de mener une guerre d’usure contre l’armée d’occupation), et réduirait davantage la marge de manoeuvre syrienne. Partant, certains observateurs n’hésitent pas à parler d’un «affolement» et d’un vent de «panique» qui soufflerait à Damas à l’idée d’un retrait du Liban-Sud. Toutefois, la Syrie possède encore plusieurs cartes de formes et de couleurs variées et l’une d’elles se trouve au Liban: il s’agit de la mini-carte «dormante» palestinienne. Avec le recul, on comprend mieux l’attitude des autorités syriennes à l’égard de cette question. En 1991, elles ont appuyé le gouvernement dans ses efforts pour réduire l’influence militaire palestinienne à l’est de Saïda. Mais tout au long des sept années suivantes, elles se sont employées à calmer l’ardeur de Beyrouth qui voulait en finir définitivement avec ce dossier en désarmant entièrement les habitants des camps. C’est pourquoi le FPLP-CG possède toujours des bases à Jiyeh et qu’Abdel Karim el-Saadi (dit Abou Mahjane) court toujours dans le camp d’Aïn el-Héloué. C’est la raison pour laquelle un simple officier dissident du Fateh, le colonel Mounir Maqdah, a pris autant d’importance. Cela explique aussi pourquoi le colonel Sultan Abou el-Aïnayne, fidèle à M. Yasser Arafat, n’a jamais été inquiété dans le camp de Rachidiyé qu’il contrôle à Tyr. Une autre option Les Palestiniens du Liban, exclus des accords d’Oslo parce que originaires des territoires de 1948, constituent un potentiel inestimable pour l’émergence à l’avenir d’un mouvement radical prônant, comme dans les années soixante, la libération de la Palestine par la lutte armée. Mais c’est trop s’aventurer que de croire que la Syrie a déjà choisi d’investir dans ce domaine. Un ancien haut responsable de l’OLP à Beyrouth pense au contraire que les autorités syriennes pourraient adopter en cas de retrait israélien une tactique tout à fait différente, basée sur l’amélioration de ses relations avec l’autorité nationale palestinienne. Selon cette personnalité, une évacuation du Liban-Sud renforcerait la position de Damas dans le monde arabe, en montrant que la fermeté et la résistance face à Israël peuvent très bien aboutir à une récupération des droits spoliés. La Syrie pourrait œuvrer en faveur de la tenue d’un sommet (ou d’un mini-sommet) arabe comme le demande M. Arafat. Cela serait le prélude à une normalisation des relations entre les deux parties, en prévision d’une visite à Damas du leader palestinien. «Au lieu de miser sur les radicaux palestiniens, la Syrie pourrait encourager le rapprochement entre l’opposition et M. Arafat», ajoute l’ancien responsable de l’OLP: l’ultime objectif étant de transporter la bataille à l’intérieur des territoires palestiniens et peut-être même à l’intérieur d’Israël. L’ouverture remarquée des autorités syriennes en direction des Arabes israéliens s’inscrit aussi dans ce cadre. Lors de la visite du député arabe israélien Azmi Béchara à Damas en décembre, le vice-président Abdel Halim Khaddam lui a dit que la Syrie avait trop longtemps négligé les habitants des territoires de 1948. M. Béchara doit prochainement effectuer une autre visite en Syrie à la tête d’une importante délégation représentant un large éventail de forces politiques. Pour laquelle de ses deux orientations la Syrie va-t-elle opter? Il est difficile de répondre. Car en plus de leur capacité à exploiter à fond toutes les cartes dont ils disposent, les dirigeants syriens excellent dans un art, celui de la dissimulation.
Ce qui n’était il y a quelques mois qu’une déclaration destinée à apaiser la colère de mères de soldats israéliens déployés au Liban-Sud, commence aujourd’hui à se concrétiser dans un projet bien détaillé. Il faudra sans doute plusieurs semaines encore avant que la proposition israélienne d’évacuer le Liban-Sud ne prenne sa forme définitive, mais les grandes...