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Actualités - CHRONOLOGIE

Le message d'Annan : il faut être deux pour appliquer la 425 (photo)

Il faut être deux pour appliquer la résolution 425 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan est venu hier à Beyrouth dire cela aux responsables libanais, au cours d’une visite qualifiée d’«historique» par le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz. Mais cette petite phrase, presque abruptement lâchée hier lors d’une conférence de presse au palais Bustros par M. Annan, en dit long sur la distance qui sépare la conception officielle libanaise en la matière du point de vue qui semble être le sien. Niant avoir un plan en main pour mettre fin au problème du Liban-Sud, affichant son mépris pour «la diplomatie de télévision», le patron de l’ONU, encore auréolé de sa fraîche victoire irakienne, a habilement navigué entre les lignes pour exprimer à la fois son attachement à une «application littérale» de la 425 et la nécessité de prendre en compte les deux points de vue libanais et israélien sur cette question. Estimant que la 425 imposait des «devoirs» tant à Israël qu’au Liban, sans préciser lesquels, M. Annan est allé encore plus loin en soulignant implicitement l’ancienneté de ce texte, adopté en 1978. Depuis, a-t-il dit, beaucoup de «faits» sont apparus sur le terrain, dont il faudra tenir compte au moment de la solution. Pendant que le secrétaire général tenait ces propos à Beyrouth, en Israël les idées lancées par le ministre de la Défense Yitzhak Mordehaï au sujet d’un retrait du Liban-Sud se précisaient davantage, sans être pour autant définitivement adoptées. Lors d’un débat préliminaire, le gouvernement israélien a ainsi fait prévaloir la proposition de M. Mordehaï, en faveur d’un accord de sécurité entre Israël et le Liban, et impliquant la Syrie, sur celle du ministre des Infrastructures Ariel Sharon, qui préconise un retrait unilatéral par étapes (VOIR PAR AILLEURS). Au-delà du problème du Liban-Sud, M. Annan a lancé un appel en faveur de la relance du processus de paix entamé à Madrid. A ce sujet, il aexprimé son appui total au rôle de premier plan des Etats-Unis, se refusant à le concurrencer, et estimé que tous les protagonistes, c’est-à-dire Arabes et Israéliens, se devaient de «faire des concessions» pour faire avancer ce processus. Visite au «caractère exceptionnel» M. Annan était arrivé à Beyrouth à 11h30, en provenance du Caire, en compagnie de son épouse Nane (VOIR PAGE 5) et de plusieurs de ses proches collaborateurs, pour une visite de 48 heures. Il a été accueilli à l’AIB notamment par M. Boueiz et les principaux représentants de l’ONU et de ses agences au Liban. Dans le salon d’honneur de l’aéroport, M. Boueiz a souligné dans une allocution que la visite de M. Annan revêtait, «par son timing, son objet et la personnalité du secrétaire général, un caractère exceptionnel». «Nous aurons l’occasion de mettre M. Annan au courant des développements relatifs au processus de paix ainsi que de la situation au Liban-Sud, des thèses qui sont évoquées à ce sujet et de notre position à l’égard de ces thèses», a indiqué le chef de la diplomatie, ajoutant que «le secrétaire général pourra de son côté se rendre au Liban-Sud et visiter les Casques bleus de l’ONU». «D’autre part, nous allons examiner avec lui diverses questions, comme par exemple la situation des réfugiés palestiniens au Liban, les activités des organismes des Nations Unies au Liban, et d’autres encore», a-t-il poursuivi. «Cette visite, je la qualifierais d’historique», a-t-il dit, déclarant que le Liban était «confiant» dans la politique de M. Annan «visant à renforcer la crédibilité des Nations Unies à tous les niveaux». Pour sa part, le secrétaire général s’est dit «heureux d’avoir pu revenir au Liban», un pays qu’il a visité à plusieurs reprises avant d’occuper le poste de patron des Nations Unies. Il a indiqué que cette fois-ci, il est venu «pour évidemment discuter de la résolution 425 et des récentes indications en provenance d’Israël en vue d’une application de cette résolution». «En ma qualité de secrétaire général de l’ONU, je suis bien sûr soucieux de voir appliquées toutes les résolutions des Nations Unies», a-t-il dit. A sa sortie de l’AIB, M. Annan a été accueilli par des dizaines de parents de Libanais détenus par Israël ou l’Armée du Liban-Sud (ALS), qui lui ont remis un texte réclamant la libération de leurs enfants. Le texte, rédigé par le comité de soutien aux détenus libanais dans les prisons israéliennes, rappelle que ces Libanais «sont détenus sans inculpation et en violation de la Charte des Nations Unies, ainsi que des résolutions de l’ONU et de la Convention de Genève». Les parents réclament en premier lieu de pouvoir obtenir des informations sur l’état des prisonniers. Répondant en quelques mots aux manifestants, M. Annan leur a dit qu’il comprenait très bien le sens de la perte d’un être proche et leur a promis de faire tout son possible pour que le Comité international de la Croix-Rouge puisse pénétrer dans le camp de détention de Khiam, en ce cinquantenaire de la Charte des droits de l’homme. Le point de vue libanais La délégation onusienne s’est rendue aussitôt après au palais Bustros où MM. Boueiz et Annan ont eu un tête-à-tête d’une vingtaine de minutes, suivi d’un entretien élargi aux deux parties. De sources bien informées au ministère, on indique qu’au cours du tête-à-tête, le chef de la diplomatie a fait savoir au secrétaire général de l’ONU que le Liban considérait que les propositions en provenance d’Israël sur la résolution 425 aboutissaient à un «amendement» du texte de la résolution et lui a rappelé la ferme opposition de Beyrouth à tout arrangement de sécurité avec l’Etat hébreu. Le Liban accepterait uniquement des mesures d’application qui feraient l’objet de contacts entre Israël et l’ONU d’une part et de l’autre entre l’organisation internationale et le Liban. Pour sa part, le secrétaire général s’est contenté d’écouter le point de vue de son interlocuteur sans réagir, et a fait savoir qu’il n’était pas porteur d’un plan pour l’application de la 425, selon les mêmes sources. Au cours de la réunie élargie, qui a duré près d’une heure et demie, M. Boueiz, félicitant M. Annan pour le succès de sa diplomatie en Irak, a exprimé le souhait qu’il puisse s’acquiter d’une telle mission «historique» concernant la 425. Rappelant le point de vue libanais sur l’occupation israélienne du Liban-Sud et ses conséquences ainsi que sur le gel du processus de paix au Proche-Orient, M. Boueiz a en outre clarifié la position du Liban au sujet de la présence palestinienne sur son territoire, sujet sensible qui suscite de nombreuses frictions avec des responsables internationaux. Le Liban, a fait savoir le ministre, est en faveur de l’octroi de services et de facilités aux réfugiés palestiniens et c’est pour cela qu’il déplore la réduction du budget de l’Office des Nations Unies pour le secours aux réfugiés palestiniens (UNRWA). Ce à quoi il s’oppose uniquement, c’est leur implantation définitive sur le territoire libanais. La conférence de presse Au cours de la conférence de presse qui a suivi ces entretiens, M. Boueiz devait notamment revenir sur cette dernière question, en indiquant que le Liban «apprécie beaucoup le travail de l’UNRWA» et en insistant sur «la coexistence entre les impératifs des activités de l’UNRWA et le refus de l’implantation». Le ministre a également abordé la question des prisonniers libanais en Israël, dénonçant le «silence international» autour de la récente décision de la Cour suprême d’Israël de permettre la poursuite de leur détention sans procès pour en faire une monnaie d’échange en cas de tractations avec le Liban. Répondant à son tour aux questions des journalistes, le patron de l’ONU a indiqué que les entretiens ont été «utiles» et souligné que l’objectif de sa tournée était d’«écouter» les points de vue des responsables, de «les refléter» et d’«encourager» la relance du processus de paix. Evoquant sa visite aujourd’hui aux Casques bleus de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), il a déclaré qu’il comptait «les encourager» et discuter avec eux «de ce que l’avenir prépare». A la question de savoir s’il avait discuté avec M. Boueiz de la question de l’application de la résolution 425, M. Annan a répondu: «Nous avons examiné la possible application de la 425 sous tous ses aspects. Mais vous devez comprendre qu’il y a deux parties concernées par cela, et ce n’est pas M. Boueiz seul qui peut dire ce qu’on va faire en ce qui concerne les mesures concrètes. C’est une question qu’il faut envisager sur une échelle plus large. Au cours de ma visite en Israël, j’aurai l’opportunité d’entendre (des dirigeants israéliens) ce qu’ils ont en tête». A un journaliste qui lui a demandé pourquoi il ne jouerait pas le rôle de médiateur au Liban-Sud, notamment après son succès en Irak, M. Annan a dit: «Il y a déjà un médiateur (les Etats-Unis) dans le processus de paix. Je crois que nous devrions le soutenir et le laisser faire son travail. Comme on dit, trop de cuisiniers brûlent la soupe». «J’espère que les efforts entrepris par les Etats-Unis, par le secrétaire d’Etat Madeleine Albright et le président Bill Clinton lui-même réussiront et feront avancer le processus de paix». «Le gouvernement américain est en train de travailler très dur avec les parties concernées pour faire avancer le processus et j’insiste auprès de ces parties pour qu’elles travaillent sérieusement avec le gouvernement américain et fassent les compromis nécessaires. Nous ne pouvons rester dans l’impasse éternellement ou trop longtemps», a-t-il déclaré. Se refusant à donner des détails sur les modalités d’un éventuel retrait israélien du Liban-Sud, parce qu’il ne croit pas dans «la diplomatie de télévision», le secrétaire général a relevé que la résolution 425 précisait clairement «ce qu’Israël doit faire et ce que le Liban doit faire». Cependant, «nous devons prendre en compte les réalités d’aujourd’hui, les faits qui se sont créés sur le terrain depuis vingt ans (depuis l’adoption de la 425 en 1978), et leur impact sur l’application de la résolution. Quels pas doivent être accomplis? Par qui? Voilà des questions qui doivent être posées très sérieusement», a-t-il dit. M. Boueiz a offert par la suite à M. Annan et à sa délégation un déjeuner au restaurant Bourj al-Ghazal, en présence des ministres Bahige Tabbarah et Chahé Barsoumian ainsi que d’un certain nombre de députés parmi lesquels le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères Ali el-Khalil. Dans l’après-midi, le secrétaire général devait inaugurer le siège de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (ESCWA) au centre-ville de Beyrouth (VOIR PAGE 6). Chez Berry et Hariri En début de soirée, M. Annan et la délégation qui l’accompagne se sont rendus auprès des chefs du Parlement et du gouvernement, MM. Nabih Berry et Rafic Hariri, pour des entretiens axés sur le processus de paix et les perspectives d’un repli israélien. Pressé de questions à sa sortie de Aïn el-Tiné, M. Annan a expliqué les propos qu’il avait tenus au palais Bustros, précisant que la résolution 425 est claire et que l’ONU souhaite qu’elle soit appliquée à la lettre. «Mais, a-t-il ajouté, je ne pense pas que son exécution soit automatique. Elle doit s’opérer à travers certaines démarches. Je n’ai pas du tout l’intention de donner l’impression que la résolution 425 peut être amendée ou changée ou qu’on puisse y ajouter quelque chose. Je suis très clair dans ce que je dis». L’entretien avec M. Berry s’est déroulé en présence du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, M. Zafer el-Hassan. A Koraytem, M. Annan a conféré avec le chef du gouvernement en présence du ministre d’Etat aux Affaires financières, M. Fouad Siniora. Plus tard, M. Hariri a offert un dîner en l’honneur de son hôte et de son épouse. Plusieurs responsables et personnalités politiques étaient conviés aux agapes. Aujourd’hui, le secrétaire général doit être reçu par le chef de l’Etat Elias Hraoui après sa visite au Liban-Sud.
Il faut être deux pour appliquer la résolution 425 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan est venu hier à Beyrouth dire cela aux responsables libanais, au cours d’une visite qualifiée d’«historique» par le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz. Mais cette petite phrase, presque abruptement lâchée hier lors...