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Actualités - ANALYSE

Une inconnue, la position finale de Berry

Dans cette féroce empoignade, cette lutte titanesque entre les deux têtes de l’Exécutif, c’est avec curiosité qu’on attend de voir la position que le chef du Législatif, jusque-là favorable à Baabda, va adopter. Suivant le cours naturel de ses penchants idéologiques, M. Nabih Berry, qui a longtemps milité pour un Etat laïc avant de se laisser charmer par les avantages d’un partage confessionnel du pouvoir, devrait se battre aux côtés de M. Elias Hraoui. Mais il doit tenir compte de trois éléments essentiels: la croisade antimariage civil, plutôt frénétique, des instances spirituelles; le risque d’une crise de pouvoir doublée d’une grave tension de rue; et, surtout, les desiderata des décideurs qui n’ont pas encore donné leur avis… Et cette intervention de l’éternel arbitre syrien, on la voit se rapprocher à grands pas parce que le déchaînement, les coups de patte réciproques entre hraouistes et haririens atteignent déjà des sommets, les chefs de file eux-mêmes ne manquant pas en privé d’échanger, par amis communs interposés, moult amabilités… «On n’arrive tout simplement pas à leur faire entendre raison», soupire un conciliateur qui ne cesse de faire la navette entre un palais présidentiel et l’autre. Et d’indiquer que «M. Hariri s’efforce pour sa part de minimiser la portée de ce conflit, mais n’entend pas se laisser marcher sur les pieds comme on dit familièrement. Il souligne que de tels conflits de nature politique arrivent et qu’il ne faut pas en faire une montagne. Mais, en même temps, il n’en démord pas: le projet de loi de M. Hraoui devra de nouveau être débattu point par point en Conseil des ministres, seule voie à suivre selon lui pour mettre un terme à la crise…». Laquelle porte justement sur ce point dit de l’approbation: a-t-elle déjà eu lieu comme l’affirment les hraouistes ou non comme le soutiennent les minoritaires? Toujours est-il que, pour en revenir à M. Berry, après avoir incité «ses» ministres à voter pour le projet, il a adopté un profil nettement plus discret en s’abstenant de toute initiative, de tout commentaire comme ci ou comme ça, se privant même du plaisir traditionnel de jouer les arbitres ou les médiateurs entre les deux autres membres de la troïka en conflit. Pour le moment, M. Berry semble se contenter d’un rôle d’observateur, en avouant tout de même à ses proches qu’il est assez surpris par la rapidité des développements, et en se demandant perplexe si tout cela en vaut vraiment la peine… Son entourage pour sa part a plutôt tendance à accabler M. Hariri, vu sans doute que dans la perspective des présidentielles, la lutte d’influence se situe plutôt avec ce dernier qu’avec un chef de l’Etat qui se trouve en partance. Ainsi un amaliste reprend le vieux refrain «de l’autoritarisme, du pouvoir personnel que M. Hariri exerce dans le traitement des dossiers». Oubliant que le chef du gouvernement vient à peine de sortir d’un cycle de concertations élargies, cette personnalité lui reproche «de n’admettre aucune objection, aucune remarque et de prendre des décisions de son propre chef sans consulter les autres dirigeants. Il déploie un one man show en dehors des institutions et parfois des lois ou règlements en vigueur. C’est pourquoi, affirme cette source, M. Berry répugne à engager dans l’affaire du mariage une médiation qui l’obligerait à relancer le président du Conseil, préférant éviter d’avoir à se frotter à ce dernier». On voit que, du côté des berriyistes, les violentes prises de bec place de l’Etoile sont loin d’être oubliées, malgré le sommet «de la réconciliation» à Damas… Ils enfoncent plus loin le clou en soulignant que «le refus du chef du gouvernement de signer le projet de loi du mariage civil pour sa transmission à la Chambre démontre la nécessité absolue d’une clarification des textes constitutionnels organisationnels. En effet, la Constitution interdit un tel refus quand il y a eu résolution du Conseil des ministres, mais en même temps elle ne précise pas ce qu’il convient de faire s’il se produit une telle infraction. Il faut donc apporter les précisions requises, par le biais d’un règlement intérieur du Conseil qui ferait l’objet non plus d’un simple décret mais d’une loi votée à la Chambre, pour qu’il y ait moyen de contrôle». On voit donc qu’à la faveur de la crise actuelle, censée affaiblir l’Exécutif, le Législatif tente de rogner à son profit quelques nouvelles prérogatives. Les partisans de M. Berry ajoutent que «si on avait eu un règlement intérieur clair et cohérent, il n’y aurait eu différend ni sur le fait que le mariage civil n’était pas à l’ordre du jour du Conseil ni sur les effets pratiques du vote intervenu en faveur du projet. On aurait su si la question pouvait être examinée par le Cabinet et si ensuite il fallait engager un nouveau débat ou transmettre directement le texte à la Chambre». Un point de vue que partagent du reste les hraouistes pour qui il faut en outre, vieille revendication, que l’on unifie la question des délais. On sait en effet que M. Hraoui se plaint depuis des années d’être tenu de signer décrets ou lois dans des délais déterminés alors que le premier ministre et les ministres n’y sont pas astreints, ce dont ils profitent parfois pour geler ou torpiller les dispositions qui ne leur conviennent pas. Sur ce point précis, cependant, alors que les hraouistes réclament une retouche constitutionnelle, les amalistes estiment que cela n’est pas nécessaire et qu’on peut se contenter de simples décrets d’application. En effet, et c’est dire combien les rapports entre les trois restent simples, tout comme M. Hariri, M. Berry est hostile à une quelconque révision de la Constitution qui serait inspirée par Baabda…
Dans cette féroce empoignade, cette lutte titanesque entre les deux têtes de l’Exécutif, c’est avec curiosité qu’on attend de voir la position que le chef du Législatif, jusque-là favorable à Baabda, va adopter. Suivant le cours naturel de ses penchants idéologiques, M. Nabih Berry, qui a longtemps milité pour un Etat laïc avant de se laisser charmer par les avantages...