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Actualités - CHRONOLOGIE

Mariage civil : le conflit risque de se transposer dans la rue Hraoui demande à Berry de former le comité national pour l'abolition du confessionnalisme politique (photo)

Le conflit sur l’institution du mariage civil facultatif au Liban va-t-il se transposer dans la rue? C’est ce que laissent craindre les réactions passionnées soulevées par le projet du président Elias Hraoui approuvé mercredi en Conseil des ministres, et les appels à des manifestations de protestation, aujourd’hui, à la sortie des mosquées. Six groupes sunnites ont appelé à des rassemblements pour aujourd’hui et dimanche. Parmi ces groupes, la «Jamaa islamiya» et le Mouvement d’unification islamique (MUI).Les objections les plus farouches à ce projet viennent des milieux sunnites, et du mufti de la République Mohammed Rachid Kabbani en premier (PAGE 2, LE PANORAMA DES RÉACTIONS). Ce refus catégorique a été exprimé de nouveau par le dignitaire sunnite, hier, à son arrivée d’Arabie Séoudite. Une altercation a même opposé certaines des personnes venues accueillir le mufti, au ministre d’Etat Elias Hanna, officiellement délégué pour le recevoir. Traité de «voyou», comme tous les ministres qui ont voté pour le projet, ce dernier a eu droit à des excuses quelques heures plus tard. L’incident n’en reflète pas moins l’état de surexcitation des esprits que le projet de M. Hraoui provoque. Dans les milieux musulmans, on voit dans le projet une espèce de complot contre les tribunaux religieux, et un premier pas vers leur abolition, ainsi qu’une atteinte aux spécificités musulmanes garanties par la Constitution. Sommet spirituel Sur un ton moins passionné, cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine n’en pense pas moins que le projet du président Hraoui ne vient pas à son heure. Un sommet spirituelSUITE DE LA PAGE 1 musulman, auquel pourrait se joindre cheikh Bahjat Ghaïth, cheikh Akl druze, se tiendra aujourd’hui à Dar el-Fatwa, aux fins de coordination. Ce pas pourrait être suivi d’un sommet islamo-chrétien consacré à cette question. Il n’y avait pas de réactions unifiées à ce sujet, hier, dans les milieux cléricaux chrétiens. Rapportant les propos du patriarche, le député de Jbeil Emile Naufal a affirmé que la personne qui contracte un mariage civil se place en dehors des structures ecclésiastiques. Propos allant de soi qui ne constituent pas une prise de position à proprement dire. Celle-ci fera sans doute l’objet d’une déclaration officielle, dans les jours qui viennent. Œuvre nationale Pour sa part, le président Hraoui continue de considérer qu’en proposant le mariage civil facultatif, il fait œuvre nationale. Le chef de l’Etat a lié son projet au processus de déconfessionnalisation de la vie politique approuvé à Taëf et prévu dans la Constitution. Il pense même que son projet ouvrira une ère nouvelle pour le Liban et mettra fin à une situation historique qui date de 1920. Conformément aux prérogatives que lui confère la Constitution, M. Hraoui a transmis au président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, une lettre lui demandant de former le Comité national pour la suppression du confessionnalisme politique. Dans sa lettre, le chef de l’Etat affirme vouloir «édifier l’Etat laïc, l’Etat de la citoyenneté et du droit, l’Etat de tous, pour tous». «J’aspire à voir le confessionnalisme complètement éradiqué, afin de supprimer les causes des frictions confessionnelles successives dans notre société, tout comme je souhaite que la liberté religieuse soit garantie et protégée, la religion appartenant à la sphère de la vie privée, et la citoyenneté à celle de la vie publique», a également affirmé le président. Dans son combat pour imposer son projet, à sept mois de la fin de son mandat, le chef de l’Etat sait pouvoir compter sur l’appui de Damas, assurent des sources informées. Il peut aussi compter sur M. Nabih Berry, comme le prouve le vote de mercredi en Conseil des ministres. Le président de l’Assemblée est favorable au projet dans la mesure où il constitue «un premier pas» en direction de l’abolition du confessionnalisme politique, et entend s’atteler à la tâche de former le Comité national prévu par la Constitution. D’autant que, selon ces milieux, «la gangrène du confessionnalisme politique a même gagné les stades sportifs». Vote de principe? Le président du Conseil, pour sa part, est d’un tout autre avis. Dans les cercles proches de M. Hariri, on s’évertuait à faire accroire hier que le vote du projet de mariage civil, de mercredi, en Conseil des ministres, était «un vote de principe», et que le «véritable vote» du projet interviendra une fois que les ministres auront pris connaissance du projet, et que ce dernier aura été discuté et approuvé point par point. Pour sa part, M. Bassem el-Sabeh, ministre de l’Information, a critiqué la manière dont le projet, qui n’était pas inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres, a été soumis par le président Hraoui à l’insu du chef du Cabinet, qui n’en avait pas été informé au préalable, comme il est de coutume «en des matières bien moins graves». Pour leur part, les milieux du palais présidentiel assurent que le projet a été voté dans les règles, et qu’il doit donc être contresigné par le président du Conseil, faute de quoi ce dernier serait en train de se dresser contre la majorité de son propre Cabinet. Ne pas signer le projet, qui doit normalement être transmis à la Chambre, conduirait donc, selon la présidence de la République, à une crise sans précédent qui devrait logiquement déboucher sur la démission du chef du gouvernement. En proposant le mariage civil, le chef de l’Etat semble donc avoir pris un grand risque; celui de mettre ses rapports avec M. Hariri à l’épreuve, et de faire apparaître un nouveau rapport de forces au sein de la «troïka». Cela ne pouvait se faire, souligne-t-on, qu’à quelques mois de l’expiration du mandat présidentiel, à l’heure où M. Hraoui n’a plus rien à perdre, et souhaite partir en beauté, en laissant de lui l’image d’un président courageux qui n’a pas craint de se rendre impopulaire, y compris au sein de sa propre communauté, au nom d’une grande cause nationale. Mauvais timing L’habileté du président Hraoui, assurent les observateurs, c’est d’avoir lié son projet au processus de déconfessionnalisation politique, que nul dignitaire musulman ne saurait refuser. Du reste, dans les milieux politiques sunnites, et c’est le cas notamment pour le chef du gouvernement, c’est moins le principe du mariage civil qui est refusé que le «timing» de la proposition, à l’heure où l’unité interne semble essentielle pour faire face à ce que l’on considère comme de «grandes manœuvres» israéliennes pour isoler la Syrie. Toutefois, certains, comme le Hezbollah, soutiennent une thèse opposée à celle du chef de l’Etat, et assurent qu’il n’y a pas de liens entre le mariage civil et la déconfessionnalisation politique, ou encore que le mariage civil devrait intervenir bien plus en aval du processus de déconfessionnalisation. En proposant le mariage civil et la déconfessionnalisation politique, le président Hraoui hypothèque la volonté politique de tous les candidats maronites à la présidence de la République, en les forçant à suivre le chemin qu’il a tracé et à prendre position au sujet de la déconfessionnalisation politique, notent aussi les observateurs. Mais les objections les plus sérieuses, et les plus rationnelles, au projet du chef de l’Etat proviennent jusqu’à présent de la Ligue maronite. A l’issue d’une réunion des anciens députés et ministres maronites, sous la présidence de M. Pierre Hélou, un communiqué a été publié rappelant que la déconfessionnalisation politique exige la formation préalable d’un véritable gouvernement d’unité nationale. A partir de Bkerké, M. Toufic Hindi, ancien conseiller politique de M. Samir Geagea, n’a pas manqué de relever, pour sa part, que l’Exhortation apostolique parle d’une sorte de démocratie consensuelle, ou encore d’une démocratie de sociétés. Nous voilà revenus à la case départ.
Le conflit sur l’institution du mariage civil facultatif au Liban va-t-il se transposer dans la rue? C’est ce que laissent craindre les réactions passionnées soulevées par le projet du président Elias Hraoui approuvé mercredi en Conseil des ministres, et les appels à des manifestations de protestation, aujourd’hui, à la sortie des mosquées. Six groupes sunnites ont...