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Actualités - ANALYSE

Gouvernement - Equipe de géants, panachée ou extraparlementaire ? Le choix divise la caste politique

Tout le monde veut dire son mot. Aussi, bien avant les consultations parlementaires dites contraignantes, la bataille pour la formation du premier gouvernement de l’ère nouvelle met-elle en présence trois camps opposés. Les uns plaident pour un Cabinet de géants, les autres pour une formation panachée mêlant seconds rangs et technocrates et les derniers pour un gouvernement restreint d’extraparlementaires. Les argumentaires respectifs de ces trois camps se développent comme suit : – Ceux qui appellent de leurs vœux un Cabinet de géants, c’est-à-dire où les différents courants politiques du pays seraient représentés par leurs leaders, font valoir que seule une équipe de ce calibre aurait le crédit, l’autorité, le prestige nécessaire pour traiter efficacement les gros problèmes qui se posent au pays. L’union fait la force, disent-ils. En ajoutant que l’opinion suivrait les chefs, mais pas d’autres gouvernants, dans les cas fréquents où les solutions adoptées ne seraient pas plaisantes. Surtout dans le domaine socio-économique où l’on devrait peut-être recourir à de nouveaux impôts. Et de souligner que, dans l’ordre pratique des choses, il paraît évident que la réforme administrative, l’éradication de la corruption sont des responsabilités que tout le monde doit assumer aux côtés du chef de l’État et du président du Conseil. Qui auront besoin, «pour dégraisser le mammouth» selon l’expression imagée du ministre français de l’Éducation Claude Allègre, du soutien d’un Cabinet fort, disposant d’une large assiette parlementaire. Pourquoi au juste ? «Parce que, répondent les tenants de cette thèse, on ne doit pas oublier que l’État est le premier employeur du pays. Ces dernières années, les clientélistes ont surchargé la barque, en faisant recruter des dizaines de milliers de faux fonctionnaires. Il faudra élaguer à tour de bras et ces charrettes d’expulsés ne seraient évidemment pas très populaires. Les leaders ont seuls assez de charisme pour neutraliser le mécontentement de la base…». De plus, et peut-être d’une manière plus fondamentale, «il est tout aussi évident qu’aucune épuration n’aurait de sens ou d’effet réel si on ne réforme pas en même temps les mentalités politiques. Et c’est là un objectif irréalisable sans la participation directe des leaders au pouvoir. Car cette refonte devra se concrétiser par une nouvelle loi électorale, un redécoupage des circonscriptions et toute une série de mesures assurant une démocratie aussi saine qu’équilibrée», affirment ces personnalités. – Les partisans d’un gouvernement de second rang panaché font valoir de leur côté que «si l’on recourt aux leaders, on risque de les voir s’entredéchirer très vite car aucun d’eux ne voudra céder devant l’autre, en cas – inévitable – de contradiction. L’on irait de crise en crise et le gouvernement finirait soit par sauter soit par être paralysé de l’intérieur. On retomberait alors fatalement dans le système de la troïka et du partage, puisqu’il faut bien que des décisions soient prises. Et l’on aurait perdu l’espoir d’édifier un État des institutions où le pouvoir serait effectivement détenu par le Conseil des ministres et non par les trois présidents conjugués. Pour les Libanais, qui voient dans le nouveau régime une dernière chance de redressement sur tous les plans, ce serait catastrophique». «Par contre, soulignent ces sources, une représentation à un niveau inférieur permettrait d’atténuer les conflits et de rechercher des compromis sans qu’aucun des grands ne risque de perdre la face». «D’autant, concluent ces partisans de la prudence, que les portefeuilles des services, c’est-à-dire techniques, seraient confiés non pas à des politiciens mais à des spécialistes extraparlementaires…». – Des professionnels, que le troisième camp souhaite pour sa part recruter en exclusivité, en laissant de côté les politiciens. «Cela, disent-ils, pour les bonnes raisons suivantes : – Un Cabinet de géants ou de leurs représentants se justifierait uniquement comme plate-forme pour la concrétisation d’une véritable entente nationale. Or celle-ci reste hors de portée. D’une part, parce que diverses forces n’y sont pas favorables. D’autre part, parce qu’au seul énoncé de cette hypothèse, on voit déjà nombre de courants se disputer à l’intérieur pour savoir qui va représenter qui, et poser des veto sur des personnes déterminées. – De fait, on peut se demander sur quelles bases se déterminent les taux de représentativité des courants politiques et, partant, de leurs membres. Et si on ne veut exclure personne, soixante portefeuilles n’y suffiraient pas. – Que faire, si on opte pour une formule politisée des ministres sortants? Si on en garde quelques-uns, au titre qu’ils sont inamovibles parce que les décideurs les protègent, on aurait l’air de condamner les autres pour des raisons morales, car c’est ainsi que l’opinion voit les choses et on paraîtrait les traiter de pourris, ce qui dans la plupart des cas serait profondément injuste. Il vaut donc mieux ne pas faire de jaloux et exclure tous les politiciens. – Enfin et surtout, le peuple veut du travail, du vrai, du sérieux. Et sur ce plan, il est certain que les technocrates peuvent être d’un bien meilleur rendement que les politiciens…».
Tout le monde veut dire son mot. Aussi, bien avant les consultations parlementaires dites contraignantes, la bataille pour la formation du premier gouvernement de l’ère nouvelle met-elle en présence trois camps opposés. Les uns plaident pour un Cabinet de géants, les autres pour une formation panachée mêlant seconds rangs et technocrates et les derniers pour un gouvernement...