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Actualités - REPORTAGE

Présidentielle - Du Bain militaire à Kaslik Un général dynamique mais toujours réservé (photos)

Qui a dit que militaires et journalistes ne font pas bon ménage ? En faisant sauter le bouchon d’une bouteille de champagne, dès que M. Nabih Berry annonce l’élection du général Lahoud à la télévision, l’officier en civil commence par arroser les journalistes, notamment ceux des médias du Hezbollah, qui en oublient d’être choqués. Soudain, dans le parking menant au chalet du général au Bain militaire (Ras-Beyrouth), on ne sait plus qui est dans l’armée et qui est dans la presse. Ce n’est plus que congratulations, accolades et sourires triomphants. Cette élection est pourtant loin d’être une surprise. Mais même chez les gradés disciplinés et chez les journalistes blasés, on a beau prévoir un événement, on ne peut s’empêcher de laisser éclater sa joie, lorsqu’il se produit. Il est 11h30. Pour les soldats et leurs officiers, c’est un moment d’éternité. Dans ce sous-sol sombre, l’air est chargé d’éclats de rire et les militaires, jusqu’alors guindés dans leurs complets gris, oublient toute retenue. Ils sont heureux tout simplement. Mais les directives restent ce qu’elles sont et …les journalistes sont les premiers à en faire les frais. Alors qu’ils espéraient voir le nouveau président avec les membres de sa famille, ils devront se contenter d’un regard furtif sur l’entrée de son chalet et d’un sourire éclatant de sa part. L’allure militaire, même en élégant costume bleu marine, il avance à pas rapides pour accueillir le président de la Chambre Nabih Berry. Il se donne quand même le temps d’apostropher amicalement le commandant Akiki (chargé des contacts avec la presse), les yeux dissimulés derrière d’épaisses lunettes sombres. «Mounir, pourquoi vous cachez-vous derrière ces lunettes ? Qui craignez-vous?», lui demande-t-il en souriant. Le commandant retire aussitôt les lunettes et le ton est donné. Pour son premier contact avec les journalistes, le «général président» apparaît comme un homme plein d’humour, proche de ses collaborateurs (qu’il appelle par leurs prénoms), mais visiblement ferme et strict. En dépit de tous leurs efforts, les journalistes présents ne parviendront pas à briser le mur de discrétion qu’il a érigé autour de lui. Timide, le nouveau président ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’avec lui, c’est à un style tout à fait inédit que les journalistes devront s’habituer. Les Libanais aussi en général – sans jeu de mots... Sitôt le président de la Chambre, parvenu au chalet du général Lahoud pour l’accompagner au palais de Baabda, son escorte se précipite pour investir les lieux et veut introduire le photographe personnel de M. Berry. Les militaires interviennent, poliment mais fermement et un des officiers lance : «Nous n’allons pas commencer avec les «wasta» (pistons)». Intraitables mais aimables, les hommes du nouveau président le sont donc avec tout le monde. Ils ont visiblement des instructions strictes pour éviter tout débordement, tout en restant proches des citoyens. Et pour l’instant, les premiers citoyens qu’ils approchent sont les journalistes, des journalistes curieusement calmes et peu râleurs, tant ils sont impressionnés par le nouveau président et son entourage. La plaisanterie toujours prête, Berry lance aux photographes:» Comment avez-vous su que le général est là ?C’est en principe un secret…». Les deux hommes prennent ensuite le chemin de Baabda, dans la grosse cylindrée du président de la Chambre. La sortie du Bain militaire est bloquée par les soldats et l’escorte officielle envoyée par le palais présidentiel. Aucun automobiliste ne manifeste son impatience pour ce stationnement forcé, tant les passants sont curieux de voir celui qui tiendra officiellement les rênes de la République pendant les six prochaines années. Ils en attendent tant d’ailleurs. Les journalistes sont priés de se rendre à Kaslik au domicile de l’ancien président, Charles Hélou. C’est une visite protocolaire, la seconde après celle du palais de Baabda. Il y en aura beaucoup d’autres, notamment aux chefs des communautés religieuses, et le chef du protocole du palais présidentiel, M. Maroun Haïmari, a été déjà sollicité sur la question. Le président Hélou insiste pour accueillir son hôte à la porte de sa demeure. Et alors qu’on attend un nouveau président avec une escorte assourdissante, c’est un homme seul qui descend d’une voiture blanche, tout à fait incognito. Ceux qui guettaient son passage sur l’autoroute, avec du riz, des chocolats et des dragées sont bien déçus. Le commandant Akiki est d’ailleurs harcelé de coups de fil de personnes qui demandent comment le président est passé sans qu’ils le voient. «Mais où étaient les motards?», hurlent-ils à travers le petit téléphone portable. Et le commandant se contente de répondre: «Ce n’est pas notre style». Hélou et Lahoud échangent une brève accolade avant de s’installer au salon pour une conversation protocolaire. Les journalistes attendent dehors et lorsque le général s’apprête à sortir, les responsables de sa sécurité veulent écarter les photographes. Mais le général s’insurge: «Laissez-les approcher, voyons, pourquoi les repoussez-vous ?», leur dit-il. Enhardis, les journalistes veulent poser des questions, mais égal à lui-même, le général sourit sans répondre. Les journalistes ont donc réussi à le frôler, sans parvenir à ébranler sa détermination à rester sur sa réserve C’est en quelque sorte un rendez-vous manqué. Et, pour les consoler, le président Hélou déclare que l’essentiel est d’agir, non de parler. Peu de paroles donc, refus total de jouer le jeu des politiciens traditionnels – discours pleins de promesses et exhibition de la famille à l’appui –, le mandat du président Lahoud semble réserver bien des surprises. Mais le plus important, demeure sa volonté de rester lui-même, cet homme discret et travailleur, dynamique et ferme. Et à le voir debout dans son costume strict, seul, malgré son entourage officieux et officiel, on a comme un serrement de cœur. Il y a tant à faire pour redonner confiance au peuple dans les institutions de l’État. C’est sans doute d’ailleurs parce qu’il est conscient de l’ampleur de la tâche que sa première démarche, une fois arrivé à Baabdate, son village natal, a été de se recueillir sur la tombe de son père…
Qui a dit que militaires et journalistes ne font pas bon ménage ? En faisant sauter le bouchon d’une bouteille de champagne, dès que M. Nabih Berry annonce l’élection du général Lahoud à la télévision, l’officier en civil commence par arroser les journalistes, notamment ceux des médias du Hezbollah, qui en oublient d’être choqués. Soudain, dans le parking menant au...