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Actualités - REPORTAGE

Société - Une adolescente a été violée jeudi Chasse aux ouvriers syriens à Chehim (photo)

Chehim est toujours en colère, vingt-quatre heures après les incidents consécutifs au viol, jeudi, d’une adolescente par un ouvrier syrien. En colère contre un establishment qui «traque la victime et pas le bourreau», contre «la passivité» d’un État qu’elle tient pour «responsable» du malheur qui vient de la frapper et contre les centaines d’ouvriers syriens à qui elle avait offert un gîte et qui l’ont aujourd’hui «déshonorée». «Ils ont pris notre argent et maintenant, ils foulent aux pieds notre honneur». Jusqu’à jeudi matin, cette bourgade de l’Iqlim el-Kharroub coulait des jours paisibles. Dans les quartiers populaires, aux dédales interminables, les gens ont perdu depuis longtemps l’habitude de fermer leurs portes. Tout le monde se connaît et un voisin est le bienvenu à toute heure pour une pause-café. Personne n’imaginait que cette confiance pouvait un jour leur coûter cher: une jeune fille du village, Fatmé C. (17 ans), a été est violée pendant qu’elle faisait le ménage chez sa grand-mère, une septuagénaire opérée du cœur. Un laxisme révoltant Ce jour-là, le quartier est pratiquement désert. Les hommes travaillent, les enfants sont à l’école et les femmes vaquent à leurs occupations domestiques. Fatmé nettoie la chambre de sa grand-mère. Cette dernière se trouve dans la pièce contiguë; toutes deux ont des portes qui donnent sur la même ruelle. Fatmé travaille sur fond de musique; elle remarque qu’un inconnu passe deux fois devant sa fenêtre. Le temps de réaliser qu’il est là, c’est déjà trop tard. Elle se débat comme une forcenée. En vain. Elle ne peut pas crier parce que son agresseur a plaqué sa main sur sa bouche et sa grand-mère ne peut l’entendre à cause de la musique. La jeune fille sera sauvée par une passante qui se met à hurler en voyant la scène à travers la fenêtre donnant sur la rue. L’inconnu, que Fatmé reconnaît comme étant un Syrien à cause de son accent, prend la fuite sans demander son reste, poursuivi par la grand-mère, alertée par les cris de la passante. Mais le violeur disparaît dans les dédales du quartier en compagnie d’un jeune homme qui l’attendait apparemment à quelques mètres de la modeste chambre. La voix brisée, la vieille dame relate les faits, entourés de ses voisins. Chacun d’eux veut ensuite raconter la suite des événements. Tous nourrissent la même rancœur à l’égard des gendarmes du village qui ont été aussitôt alertés mais qui ne sont venus recueillir la déposition de la jeune fille que deux heures plus tard, à 13h. Ils l’ont emmenée au commissariat en compagnie de sa grand-mère. Celle-ci en veut terriblement aux enquêteurs qui ont «tenté de démontrer que Fatmé mentait». Les villageois en veulent, eux, aux gendarmes, accusés d’avoir été trop lents à réagir. «Ils auraient pu au moins alerter le procureur général Chawki Hajjar. C’est moi qui l’ai appelé pour lui dire ce qui s’est passé», fulmine l’oncle de la jeune fille. La grand-mère avait verrouillé la porte de la chambre parce quelqu’un lui avait dit que la police devait relever des empreintes. Elle la rouvre le soir, après avoir réalisé que personne ne venait. La tension monte entre-temps. Le village, révolté par «le laxisme des autorités», est en ébullition et lorsque, vers 20h, les habitants désespèrent de voir la police s’intéresser à eux, ils lancent une chasse à l’homme, déclenchée par un appel lancé à partir du haut-parleur de la mosquée. Près d’un millier de villageois criant vengeance saccagent les locaux abritant les ouvriers syriens qui sont ensuite jetés dans la rue. Une cinquantaine d’entre eux sont blessés. Les forces de l’ordre, cette fois, réagissent rapidement, selon les habitants du village; c’est à ce moment que l’armée est appelée à la rescousse. Les militaires se déploient dans toutes les rues du village et impose un couvre-feu. Hier, la troupe était toujours déployée à Chehim, évacuée par la majorité des ouvriers syriens. Les autres, racontent les villageois avec rancœur, «bénéficient de la protection des forces de l’ordre». La colère est incontrôlable, non seulement parce que la police protège les ouvriers qui sont restés mais parce qu’une vingtaine d’entre eux sont aujourd’hui recherchés pour agression. «C’est le laisser-aller des autorités qui nous a conduit jusqu’ici. Maintenant, oubliant que la victime c’est nous, «ils» protègent l’agresseur»: cette phrase est sur toutes les lèvres. Les femmes sont les plus véhémentes. Les hommes, eux, reconnaissent que la chasse aux Syriens établis dans le village aurait pu les aider à démasquer le violeur, rien que pour mériter de rester à Chéhim. Ils ne désespèrent pas pour autant et pensent que ces derniers pourraient toujours les aider s’ils veulent reprendre leur travail au village. Les femmes sont catégoriques: elles ne veulent pas d’ouvriers syriens dans les parages et racontent qu’il y a deux semaines, un enfant de cinq ans avait été molesté par deux d’entre eux au village de Dalhoune. Il y a six mois, un homme, Syrien lui aussi, avait blessé avec un couteau, à Daria, une épicière enceinte avant de s’emparer du contenu de la caisse. Jusqu’à jeudi, les habitants de Chehim pensaient que des histoires de ce genre n’arrivaient qu’aux autres. Aujourd’hui, comme beaucoup de Libanais, ils ont le sentiment d’être abandonnés et sans défense...
Chehim est toujours en colère, vingt-quatre heures après les incidents consécutifs au viol, jeudi, d’une adolescente par un ouvrier syrien. En colère contre un establishment qui «traque la victime et pas le bourreau», contre «la passivité» d’un État qu’elle tient pour «responsable» du malheur qui vient de la frapper et contre les centaines d’ouvriers syriens à qui...