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Actualités - REPORTAGE

Court-métrage May Kassem joue son premier Joker à 22 ans (photos)

May Kassem, 22 ans, présente son premier court-métrage, «Joker», au C.C.F. de la rue de Damas. Un reportage — avec une petite partie de fiction — sur les ouvriers syriens travaillant à Beyrouth. Arrivée, recherche d’emploi, conditions de travail, impressions. Plaidoyer, à contre-courant, en 30 minutes. Fraîchement débarqué à Beyrouth, Ahmed se présente sur un chantier. Au responsable qui lui demande: «Qu’est-ce que tu sais faire ?», il répond, «Tout. Je suis prêt à faire n’importe quoi». «Tu es un joker alors ?», ironise l’employeur. D’où le titre du film de May Kassem, qui, pour la partie fictive de son court-métrage, suivra Ahmed en filigrane jusqu’au bout. Pour le reste, munie de sa caméra-vidéo 8 mm, elle va de chantier en chantier et interviewe des ouvriers. Ces derniers parlent, évoquent leur quotidien, se plaignent, disent leurs espoirs, racontent leur pays... En gros, se plaignent-ils, ils sont mal acceptés et subissent nombre d’humiliations. Dans leurs propos, les mêmes phrases reviennent comme une litanie: «Etre ouvrier sur un chantier est un boulot comme les autres». «Il n’y a pas de honte à exercer ce métier, ni aucun autre, tant qu’on est honnête». «Je ne saurais pas faire le travail d’un architecte mais lui non plus ne saurait sûrement pas faire le mien». «Nous ne venons pas mendier mais travailler»... Ce qu’ils revendiquent? Un peu de respect, un minimum de politesse et d’humanité. Documents May Kassem suit des cours de cinéma et voudrait travailler dans ce domaine. «Si j’ai choisi ce thème, c’est parce que je trouve qu’il est important d’en parler», indique May Kassem. «D’abord, cela fait très longtemps que les ouvriers syriens travaillent au Liban, depuis bien avant la guerre. Par ailleurs, j’ai l’impression que bientôt Beyrouth va devenir comme toutes les grandes villes du monde. C’est-à-dire que les gens les plus pauvres vivront en dehors de la capitale qui elle, toute belle toute nouvelle, sera très «fermée». Voilà pourquoi je pense que du point de vue historique, il est important de garder des documents sur sa construction»... Elle explique qu’elle a utilisé la fiction pour pouvoir dire ce qu’elle avait envie de dire, sa vision des choses. «Toutefois, j’ai essayé de rester le plus près possible de la réalité», souligne-t-elle. Dernière image: Ahmed tombe du haut d’un immeuble. «Car je pense que pour un ouvrier, qui est idéaliste, qui s’attache à son travail, qui a envie de rester à Beyrouth, les choses sont effectivement sans issue». Et de préciser: «Je préfère ne pas penser qu’Ahmed est mort ou qu’il s’est suicidé, mais qu’il est tombé»... Boucs émissaires «J’ai eu envie de regarder ces ouvriers syriens qu’on croise tous les jours en marchant dans la rue, mais qu’on ne voit même pas. J’ai voulu fixer la caméra sur eux — je ne montre presque pas les architectes — et leur donner la parole», poursuit May Kassem. «Il y a beaucoup de haine, de la part du peuple libanais, pour ces ouvriers et je pense que c’est injuste, mal placé. Ils sont en quelque sorte des boucs émissaires. Personnellement, je les ai toujours considérés comme tous les ouvriers du monde, sans amour ni haine». Côté technique, la partie fictive est filmée en Betacam, grâce à la collaboration de la Future Television. Pour le reste, May Kassem a utilisé une caméra vidéo 8mm. L’image tremble par moments, les cadres ne sont pas toujours parfaits et le son, de netteté inégale. «Je ne voulais pas garder la caméra à l’œil car le contact est très important», explique-t-elle. «Pour que les ouvriers ne soient pas intimidés, pour qu’ils soient à l’aise, je tenais donc souvent l’appareil à la main, près de l’épaule. Pour le son, il ne faut pas oublier que j’étais sur des chantiers...», ajoute-t-elle dans un sourire. Cela fait un an et demi que l’idée de «Joker» trotte dans la tête de May Kassem. Et le Festival d’Ayloul lui a enfin donné la possibilité de le réaliser. «Je ne peux pas changer les choses mais c’est déjà bien d’en parler», dit-elle. «De montrer les conditions de travail de ces hommes qui sont souvent très dures». Plus qu’ailleurs? «A mon avis oui», affirme-t-elle. «Ici, le danger est énorme. Chaque jour, un ouvrier syrien tombe et se tue». Et de conclure par un regard éloquent, de révolte...
May Kassem, 22 ans, présente son premier court-métrage, «Joker», au C.C.F. de la rue de Damas. Un reportage — avec une petite partie de fiction — sur les ouvriers syriens travaillant à Beyrouth. Arrivée, recherche d’emploi, conditions de travail, impressions. Plaidoyer, à contre-courant, en 30 minutes. Fraîchement débarqué à Beyrouth, Ahmed se présente sur un...