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Actualités - CHRONOLOGIE

Un plan plus brouillon que sensationnel

Le plan de sortie de crise présenté par le premier ministre Viktor Tchernomyrdine devait être «sensationnel» et «radical», mais il semble surtout peu cohérent et préparé à la hâte, estiment les analystes. M. Tchernomyrdine a exposé vendredi devant les sénateurs ses propositions pour enrayer la chute du rouble, qui s’effondre désormais d’heure en heure, et pour résoudre la plus grave crise financière qu’ait connue la Russie. Il envisage d’abord d’utiliser la planche à billets pour payer les salaires et les retraites avant le 1er janvier. Puis sera instauré un mécanisme d’extrême rigueur monétaire, où chaque émission de rouble sera garantie par les réserves en devises et en or de la Banque centrale. La monnaie nationale sera rattachée à une devise ou à l’or. C’est sans en avoir prononcé le nom et de façon embrouillée que M. Tchernomyrdine a décrit le mécanisme du «conseil monétaire» (currency board), décrit par le vice-premier ministre libéral Boris Fiodorov (chargé de proposer des mesures d’urgence pour sortir de la crise) comme «la variante argentine». Or, le programme de M. Tchernomyrdine ne précise pas combien de temps doit durer la première étape (inflationniste), aux antipodes de la rigueur défendue dans la seconde. Il n’explique pas non plus comment assurer le fonctionnement de la seconde étape. «Ces deux politiques semblent totalement incompatibles», note Peter Westin, du centre russo-européen pour la politique économique. «Peu de monde au sein du gouvernement russe a compris ce qu’est un conseil monétaire et comment cela fonctionne», relève un analyste à propos des déclarations de M. Tchernomyrdine. Le rouble a encore perdu plus de 20% de sa valeur en une journée: le dollar valait vendredi 16,99 roubles contre 6,31 roubles il y a trois semaines. «Vu le risque d’hyperinflation qui se dessine, l’instauration d’un «currency board» est la meilleure solution», relève un économiste. Mais le plan de M. Tchernomyrdine «a été très mal préparé». «Pour mettre en place ce mécanisme, il faut d’abord assainir le système bancaire et augmenter les réserves de change de façon à pouvoir assurer un taux de change socialement admissible», ajoute-t-il. L’avenir du rouble Les réserves de la BCR sont à 12,7 milliards de dollars. Il faudrait au moins le double pour que le dollar ne se fixe pas à un taux qui ruinerait les Russes et les banques. Le financier américain George Soros a estimé sur la chaîne russe NTV que la mise en place d’un conseil monétaire impliquait «pour le G7 de débourser de nouveau 15 milliards de dollars, voire plus». Et la Russie ne peut espérer une aide internationale que si elle est gouvernée par une équipe «dévouée aux réformes». Pour Andreï Illarionov, directeur de l’Institut d’analyse économique (libéral), les réserves actuelles de la BCR placent déjà la monnaie nationale à un cours de 27 pour un dollar. Or «l’avenir du rouble est sombre, car la Banque centrale va recommencer à imprimer de la monnaie comme l’a annoncé M. Tchernomyrdine». «Le modèle de plan argentin n’est pas une baguette magique, ajoute M. Illarionov. Il implique un budget non déficitaire, des coupes sèches dans les dépenses du gouvernement» et une réduction du train de vie de l’Etat. Consensus politique Les conditions politiques sont également loin d’être réunies pour instaurer un conseil monétaire. «Il faut un consensus politique pour cela. Chaque niveau de l’économie doit soutenir le mécanisme: la Banque centrale, le premier ministre, le président, le gouvernement, la Douma (qui doit l’entériner dans la loi) et les banques» (aux mains en Russie de barons très influents), relève Peter Westin. Or pour l’instant, la Russie n’a même pas de gouvernement et toutes les branches du pouvoir se déchirent. Domingo Cavallo (sauveteur de l’économie argentine et du peso en 1991-1995 et qui conseille M. Fiodorov) a souligné vendredi que le redressement de la Russie prendrait «plus de temps» qu’en Argentine «en raison de la crise du système bancaire». Mais, a-t-il assuré, le gouvernement russe trouvera une solution, «tôt ou tard». (AFP)
Le plan de sortie de crise présenté par le premier ministre Viktor Tchernomyrdine devait être «sensationnel» et «radical», mais il semble surtout peu cohérent et préparé à la hâte, estiment les analystes. M. Tchernomyrdine a exposé vendredi devant les sénateurs ses propositions pour enrayer la chute du rouble, qui s’effondre désormais d’heure en heure, et pour...