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Actualités - ANALYSE

Autorité politique suprême, le conseil des ministres reste sans secrétariat...

Les 56 millions de dollars dépensés pour ciseler au Grand Sérail un écrin digne de ce joyau incomparable qu’est la gloire haririenne se trouvent encore magnifiés par la générosité hospitalière du maître de céans. M. Rafic Hariri offre en effet en ce site réservé le gîte, le couvert, la table — et quelle table! — au Conseil des ministres. Décrétée par Taëf autorité politique suprême, cette instance reste en effet un piteux sans abri. Neuf ans après son avènement, l’article 65C ( Constitution) qui lui prévoit un siège permanent est toujours lettre morte. Par esprit d’économie? Que non bien sûr, cette république, comme on le voit au Grand Sérail, n’hésite pas à claquer joyeusement l’argent — qu’elle n’a plus depuis longtemps — pour le confort des camarades. Si le Conseil des ministres n’a pas encore (et n’aura jamais probablement) son chez-soi, c’est en partie parce qu’il n’y a pas accord sur le site. Et en partie, ce qui est plus grave, parce qu’on n’arrive pas à s’entendre sur la composition du cabinet (on dit ici secrétariat général), dont il faudra doter ce petit jeune homme quand il deviendra locatairement indépendant. On sait que, jusque-là, ce sont les services relevant du chef du gouvernement, toujours généreux comme on voit, qui gèrent la paperasserie du Conseil. Ce qui, soit dit en passant, offre un certain avantage de contrôle direct, le personnel de ces services étant tout dévoué à M. Hariri. Alors qu’un nouveau secrétariat général pourrait comprendre des éléments venant d’autres horizons, au titre de la règle troïkiste dite du partage… Dans le détail, rappelons qu’en date du 2 novembre 1990, le Conseil des ministres avait nommé M. Hicham Chaar directeur général de la présidence du Conseil et, à ce titre, secrétaire général du Conseil des ministres. M. Hussein Husseini, alors président de la Chambre, avait immédiatement protesté, en soulignant que cette mesure enfreignait les dispositions de Taëf qui font du Conseil une personne morale bien à part, détentrice du pouvoir exécutif et institution aussi distincte qu’autonome, devant obligatoirement disposer de son propre staff. M. Husseini avait adressé à ce sujet une note officielle circonstanciée à la présidence de la République, gardienne de la Constitution. Mais le chef du gouvernement de l’époque, M. Sélim Hoss, tenait à l’amalgame et, à cause de cette affaire, ses relations avec M. Husseini s’étaient détériorées. M. Hoss avait requis pour soutenir son point de vue nombre de juristes et de spécialistes en administration. Justification Après quoi, il avait rédigé une contre-note, également adressée à la présidence de la République et qui devait être par la suite approuvée par ses différents successeurs. Ce justificatif développe en substance les arguments suivants (qui dénotent pour commencer une certaine difficulté à distinguer une personne morale d’une personne physique): — On ne peut ni théoriquement ni pratiquement dissocier le Conseil des ministres et son président, qui n’existe pas en tant que tel séparément du Conseil. Il n’y a donc pas lieu de dissocier entre la direction générale de la présidence du Conseil et le secrétariat général du Conseil. — La Constitution ne distingue pas le président du Conseil des ministres du chef du gouvernement et réunit les deux fonctions en une même personne. Il faut donc une même ossature, comme on le voit dans tous les systèmes parlementaires. Du reste à la Chambre, il n’y a pas de distinguo entre le secrétaire général du Parlement et le directeur de cabinet du président. — Les prérogatives, les pouvoirs que la Constitution accorde au président du Conseil, ne peuvent de toute évidence être exercées si le secrétariat général ne dépend pas de lui. — Enfin, ce texte soutient, toujours en substance, qu’à partir du moment où la direction du gouvernement et la présidence du Conseil sont réunies en une même personne, il faut une infrastructure unifiée «et ceci n’est pas ordonnancé par les textes ou les principes constitutionnels, mais par les règles administratives générales». Comme quoi, bonjour la Constitution… l Pour en revenir au litige sur le site, un peu d’historique rapide: s’appuyant sur Taëf, le président Sélim Hoss qui présidait le Conseil avait vainement tenté de s’accorder avec le président Elias Hraoui pour qui rien ne pressait sur ce plan, le pays étant alors confronté à d’autres priorités. La question est restée gelée sous le gouvernement de M. Omar Karamé. Lorsque M. Hariri est arrivé au pouvoir, M. Hraoui s’est facilement entendu avec lui pour que le Conseil se tienne à Baabda ou au palais du gouvernement. En effet, M. Hariri ne tient pas à ce que le Conseil des ministres ait son propre siège. Et cela, à en croire ses proches, pour une raison de courtoise délicatesse: le respect dû à la présidence de la République rend difficile qu’on demande au chef de l’Etat de se déplacer pour aller diriger une réunion de simples ministres. Dès lors, quand il souhaite présider les séances du Conseil, ce qui est fréquent, ce dernier se tient à Baabda; et, autrement, au palais du gouvernement. La pratique préfère donc oublier Taëf, tirer un trait sur la Constitution — ce n’est évidemment pas le seul cas, ni le plus grave — et on doit continuer ainsi sous le prochain régime, sauf si le titulaire en jugeait autrement, ce qui serait assez étonnant.
Les 56 millions de dollars dépensés pour ciseler au Grand Sérail un écrin digne de ce joyau incomparable qu’est la gloire haririenne se trouvent encore magnifiés par la générosité hospitalière du maître de céans. M. Rafic Hariri offre en effet en ce site réservé le gîte, le couvert, la table — et quelle table! — au Conseil des ministres. Décrétée par Taëf...