Tchernomyrdine rencontre Camdessus en Crimée pour examiner les mesures à prendre Débâcle financière en Russie Le président de la Douma demande à Eltsine de démissionner

Les appels à la démission du président Boris Eltsine ont repris de plus belle hier alors que la Russie s’est enfoncée dans la crise avec une ruée sur le dollar et le mark dont les cours ont flambé face au rouble Signe de l’ampleur de la débâcle, le premier ministre Viktor Tchernomyrdine a quitté Moscou de façon imprévue mercredi soir pour la Crimée (Ukraine), où il a rencontré le directeur général du FMI, Michel Camdessus. Au cours de cette réunion, les mesures prises par la Russie pour lutter contre la crise financière ont été examinées, ont rapporté les agences russes. M. Tchernomyrdine, le président ukrainien Leonid Koutchma et son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko ont également eu des entretiens en marge de cette rencontre. MM. Tchernomyrdine et Camdessus ont examiné la situation sur les marchés financiers mondiaux et celle en Russie, indique un communiqué du service de presse du gouvernement publié à Moscou. Les mesures prises par la Russie pour stabiliser la situation dans le pays ont également été étudiées, selon la même source. Une aide exceptionnelle de 22,6 milliards de dollars, pilotée par le FMI, a été promise en juillet à la Russie pour 1998-1999 mais reste conditionnée à une politique de rigueur. Boris Eltsine est pour sa part resté cloîtré dans sa résidence de Rous, à 100 km de Moscou, officiellement pour préparer son prochain sommet avec Bill Clinton alors que la classe politique est toujours plus nombreuse à le tenir pour responsable du crash financier. Le président de la Douma (chambre basse du Parlement), Guennadi Seleznev, un communiste modéré qui a toujours entretenu de bonnes relations avec le Kremlin, a demandé au président russe de démissionner «volontairement». La Constitution très favorable à l’Exécutif rend la destitution du chef de l’Etat quasiment impossible. Le chef du parti communiste, Guennadi Ziouganov, a pour sa part estimé que Boris Eltsine n’est plus en phase «depuis longtemps avec la vie du pays et ne s’occupe plus que d’assurer sa propre survie et celle de son clan». Le chef des communistes, première force à la Douma, a accusé le président et son premier ministre d’être les «principaux coupables de la crise». Et il a de nouveau réclamé avec ses alliés de gauche un départ du président. Une résolution demandant la démission de M. Eltsine a déjà été votée vendredi dernier par la Douma. «Je pense que l’idée d’un départ d’Eltsine est de plus en plus répandue dans la classe politique et la société russe. La nomination de Tchernomyrdine dimanche et sa désignation lundi comme successeur pour l’an 2000 est le début d’une abdication du pouvoir», a commenté le politologue Andreï Piontkovski. Avant de quitter Moscou, le premier ministre a poursuivi ses consultations avec les leaders parlementaires en vue de la formation d’un gouvernement de coalition par une rencontre avec l’ultra-nationaliste Vladimir Jirinovski. En revanche, son entrevue avec le général Alexandre Lebed, qui est comme M. Tchernomyrdine un prétendant au trône du Kremlin, a été reportée à jeudi. Le général, qui a le vent en poupe dans les sondages, a noté un «certain désarroi» du pouvoir à son arrivée à Moscou en provenance de son fief de Krasnoïarsk, dont il est gouverneur depuis mai dernier. Une éventuelle alliance entre MM. Lebed et Tchernomyrdine a par avance été dénoncée comme «extrêmement dangereuse» par les communistes. Alexandre Lebed est l’un des rares hommes politiques à avoir salué le retour de Viktor Tchernomyrdine, dont la nomination doit encore être approuvée par la Douma. Alors que les Russes doivent faire plusieurs heures de queue pour retirer leur argent au guichet des banques en raison d’une grave pénurie de liquidités, M. Tchernomyrdine a semblé préparer le terrain à un prochain limogeage du président de la Banque centrale (BCR) Sergueï Doubinine. Il s’est déclaré «extrêmement mécontent» du travail de la BCR, précisant qu’il allait s’entretenir «sérieusement» avec son président. La tête de M. Doubinine a été réclamée par plusieurs partis à la suite de la dévaluation de facto du rouble le 17 août. La monnaie russe a connu une nouvelle journée noire: le cours du mark a grimpé de 68,9% face au rouble, se fixant à 7,6 roubles pour un mark. Face au dollar, la chute était telle que le cours interbancaire n’a pu être fixé. Bien qu’ils soient dépourvus de billets verts, les bureaux de change affichaient le dollar jusqu’à 9,40 roubles pour un dollar, presque le niveau de son cours-plancher révisé il y a seulement dix jours. Les valeurs russes ont clôturé en forte baisse, perdant 13,83%, réagissant négativement aux conditions de restructuration de la dette intérieure annoncées mardi. (AFP, Reuters)