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Actualités - REPORTAGE

Elle a été ouverte hier au public par le ministre de l'environnement La réserve de l'Ile aux palmiers, refuge des oiseaux migrateurs et des tortues de mer (photos)

Les Libanais pourront désormais avoir accès à une nouvelle réserve naturelle, celle connue sous le nom «les îles aux Palmiers», qui a été inaugurée hier par le ministre de l’Environnement Akram Chehayeb. Située au large de Tripoli et formée d’un ensemble de trois îlots (Palmiers, Sanani et Ramkine), cette réserve, appartenant à la municipalité de Tripoli, est intégrée à un programme de protection des espaces naturels et de la biodiversité réalisé conjointement par diverses agences des Nations Unies et le ministère de l’Environnement. La réserve des îles aux Palmiers présente un exemple typique de l’écosystème marin de la Méditerranée orientale. Refuge des oiseaux migrateurs et des tortues de mer, elle abrite un certain nombre d’espèces en voie d’extinction. Une partie de la réserve, située sur l’îlot de Sanani, a été ouverte hier au public, de manière à encourager le tourisme écologique et sensibiliser le public à la protection de l’environnement. Les trois îlots des Palmiers, de Sanani et de Ramkine ont longtemps été accessibles d’une manière anarchique à la population, en dépit du fait que de nombreuses voix se sont élevées à maintes reprises, dès le début des années 70, afin de réclamer qu’ils soient transformés en réserve naturelle. Cet objectif n’a été atteint que par la promulgation d’une loi à cet effet en mars 1992. Les îlots en question bénéficient d’une grande richesse au niveau de la faune et de la flore. Ici, les oiseaux migrateurs auraient dû être rois, les tortues de mer auraient dû se reposer de leurs voyages... Ici, les hommes auraient dû tout mettre en œuvre pour préserver la nature. Mais ça aurait été trop beau pour être vrai. Car dans ces trois îlots, on distingue les traces de l’homme qui a gravement porté préjudice au site: ruines d’une église remontant au temps des Croisés, marais salants déserts, tranchées françaises, constructions libanaises délaissées, vestiges d’un phare, bombes israéliennes à fragmentation... sans compter des ordures drainées par les courants en provenance du fleuve tripolitain Abou Ali ou même du dépotoir de Bourj Hammoud. En mai 1997, dans le cadre d’un projet conjoint lancé par le ministère de l’Environnement, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (IUCN), et le Global Environment Facility (GEM), la réserve des îles aux Palmiers a bénéficié d’une partie d’une aide de 2,5 millions de dollars, échelonnée sur cinq ans, et destinée aux trois réserves naturelles du pays: la forêt d’Ehden, les cèdres du Chouf, et les îles aux Palmiers. Cette aide constitue la contribution des agences de l’ONU à la protection des espaces naturels et de la biodiversité au Liban. Au stade actuel, une équipe désignée par le ministère, et soutenue par les associations civiles de Tripoli (notamment le Comité de la protection de l’environnement), œuvre pour préserver la biodiversité de la faune et de la flore des trois îlots qui présentent un écosystème marin typique de la Méditerranée orientale. Cette équipe est formée de Ghassan Jaradi, chercheur en science des oiseaux (directeur de la réserve), Mohammed Ghalayini, diplômé en histoire (assistance et guide), Lina Kabbara, diplômée en santé et environnement (assistante et guide) et Issam Sidawi, marin (garde forestier). Les membres de l’équipe ont reçu pour mission, notamment, d’élaborer un plan de gestion échelonné sur 25 ans. Ce projet est supervisé par des experts de l’IUCN. «L’un d’eux habite l’Australie, l’autre le Canada. Nous communiquons par e-mail», explique Lina Kabbara. Jusqu’à présent plusieurs travaux ont été entamés afin de réaliser les objectifs suivants: nettoyer les îlots des ordures et des bombes israéliennes à fragmentation; élaborer un plan de zoning, prévoyant des espaces pour le tourisme écologique et la recherche scientifique; construire des jetées facilitant l’accès aux îles. D’autres projets sont prévus, notamment l’installation d’un phare fonctionnant à l’énergie solaire, la construction d’un musée marin, et l’aménagement d’un espace pour le traitement des personnes souffrant de rhumatisme. Espèces en voie de disparition Pour atteindre la réserve naturelle, il faut prendre une barque et passer à proximité de la dizaine d’îlots situés au large de Tripoli. Les îlots des Palmiers, de Sanani et de Ramkine — ceux qui forment la réserve — sont les plus éloignés de la côte. Ils sont situés à 5,5 km de l’ancien port de Tripoli. C’est pour cette raison qu’ils sont, depuis longtemps, le refuge des oiseaux migrateurs et aquatiques qui fuient les habitations et, surtout, les chasseurs. Ils ont une superficie totale de 5 km2. La réserve englobe une surface d’eau entourant les trois îlots sur un rayon de 500 mètres. Les îlots sont à majorité rocheux, tandis que leurs côtes présentent d’étroits espaces sablonneux formés de petites graines de coquillages effrités par les vagues. Le sol de la réserve est riche de 68 espèces de plantes, dont 8 médicinales. Près de 17% de la flore est formé d’espèces menacées de disparition sur le plan national. Parmi elles figurent l’euphorbia pithyusa, une algue particulière qui ne se trouve (dans toute la Méditerranée) qu’à l’île aux Palmiers, ainsi que le pancrantium maritinum, dont la fleur est semblable au lys sauvage, et qui ne pousse au Liban que sur le sol de la réserve de Tripoli. Beaucoup de plantes doivent encore être répertoriées. Depuis que le terrain a été classé réserve naturelle, des espèces qu’on croyait disparues ont refait surface. Les îlots sont aussi le refuge des oiseaux. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales pour laquelle ils ont été classés «réserve naturelle». Jusqu’à présent, 261 volatiles ont été répertoriés, dont 4% font partie des espèces en voie de disparition sur le plan international et 24% sur le plan national. Parmi les oiseaux migrateurs en voie de disparition, qui passent l’hiver sur l’île, figurent le pélican dalmatien (pelicanus crispus), le pygargue à queue blanche (haliaetus albicilla) et le goéland aux pattes jaunes (larus cachinnans), dont la population ne dépasse pas les 100 oiseaux. D’autres passent le printemps sur la réserve, notamment l’hirondelle des rochers (hirundu rupestris) et la sterne voyageuse (sterna bengalensis). Un bassin d’eau douce est en cours de construction afin de permettre aux créatures volantes de se désaltérer. Les poissons et les animaux marins qui vivent et se reproduisent dans les eaux entourant la réserve n’ont pas encore été répertoriés. L’on sait pourtant que les tortues de mer, notamment les tortues vertes (chelonia m. mydas) et les tortues Caretta caretta — deux espèces en voie de disparition — se rendent toujours sur les plages sablonneuses de l’île aux Palmiers pour pondre. Mais un problème se pose à ces gigantesques espèces en voie de disparition (les tortues pèsent plus de 250 kilos): les sacs en plastique jetés à la mer. Les tortues, qui se nourrissent de méduses, prennent les sacs flottants pour leur aliment préféré. Elles sont étranglées sur le champ. Avant l’ouverture, hier, de la réserve au public, la municipalité de Tripoli avait interdit l’accès aux îlots et à la surface maritime les entourant. Pêche et chasse sont prohibées. Mahmoud Hallab, président du Comité pour la protection de l’environnement à Tripoli, souligne que «depuis que la pêche a été interdite à proximité des îlots, le poids de certains poissons péchés à proximité du vieux port de la ville a doublé». Cependant, il suffit d’accompagner l’équipe chargée de la réserve pour s’apercevoir que la décision d’interdire l’accès aux îlots est loin d’être respectée. Bateaux de plaisance et jet-ski prolifèrent au large des îlots et ne prennent la fuite, pour un court laps de temps, qu’à la vue des responsables de la réserve. Lapins et palmiers Les trois îlots formant la réserve naturelle étaient le lieu de villégiature des habitants de Mina et l’endroit le plus prisé des pêcheurs. Dans un passé lointain, ils avaient abrité des Phéniciens et des Croisés qui ont profité de leur emplacement stratégique. L’île aux Palmiers, connue également sous le nom de l’île aux lapins, est le plus grand des trois îlots. Sa superficie atteint les 20 hectares. Elle présente une zone sablonneuse, une autre recouverte de terre, et une troisième rocheuse. Trois palmiers — qui ont donné leur nom à l’îlot — sont toujours là. Tous les autres ont été desséchés: les lapins en ont rongé les racines. La présence des lapins sur cet îlot remonte au mandat, lorsque les Français ont introduit dans cette zone des lièvres pour la chasse. L’espèce disparaît cependant, et les habitants de Tripoli, voulant préserver les animaux qui ont donné leur nom à l’île, introduisent quelques couples de lapins blancs. Le nombre des rongeurs augmente et les régiments de lapins saccagent la flore de l’île. Lina Kabbara déclare que «l’équipe en charge de la réserve a ramassé l’année dernière, quand le travail a été entamé, plus de 2.300 lapins». «Nous nous appliquons maintenant à reboiser l’île de palmiers», poursuit-elle. Afin que de nouvelles espèces ne soient pas introduites, des grains de palmiers encore vivants ont été prélevés et transportés dans la serre appartenant au Comité de soutien à l’environnement, pour être replantés sur le sol de l’île. Jusqu’à présent, 470 pousses ont été plantées. Elles sont protégées par des roues afin que les rongeurs blancs, qui résident encore sur l’île et dont le nombre est contrôlé, ne les saccagent pas. Avec la disparition des lapins, des plantes qu’on croyait définitivement disparues ont fait leur réapparition. L’île présente aussi des ruines et vestiges remontant au temps des Croisés: un puits, les fondations d’une église construite en 1224, et une tranchée qui aurait servi d’aqueduc tracé à partir de Tripoli pour conduire l’eau douce. Utilisé jadis par les croisés, le puits sert maintenant à l’irrigation des nouvelles pousses de palmiers. Durant les années 50, des marais salants ont été construits. Détruits pour le moment, ils seront restaurés et serviront à préserver les activités traditionnelles. L’îlot de Ramkine (nom grec) est désigné par les habitants par l’île de Fanar (déformation de manara ou de phare). Cet îlot a une superficie de 0,27 miles. Avec ses rochers chargés de construction, il est semblable à un bateau. C’est le seul îlot de Tripoli qui a été habité en permanence durant ce siècle. Il présente des vestiges archéologiques français: une tranchée et trois bases de canons construites au début du siècle. Les mandataires y ont également installé un phare alimenté au gaz. Avec l’indépendance, le gouvernement libanais charge deux familles de Tripoli de s’occuper de l’éclairage du phare et leur consacre des maisons sur l’île. Les habitations sont intactes, mais le phare a disparu à la fin des années soixante dix: il a été volé! Actuellement, le ministère des Transports prévoit l’installation d’un phare fonctionnant à l’énergie solaire. L’îlot de Sanani, vaste de quatre hectares, est principalement rocheux. Ce sont les oiseaux qui ont donné leur nom à l’îlot, notamment les mouettes blanches qui l’habitent. «Quand elles se reposent, perchées sur les rochers de l’île, la côte ressemble à une mâchoire garnie de dents, d’où le nom de l’île en arabe», explique Lina Kabbara. Tourisme écologique C’est une partie de ce dernier îlot qui a été ouverte au public hier. Le reste de l’îlot restera le refuge des oiseaux. La municipalité de Tripoli avait interdit l’accès de la réserve au public. Au cours de leur campagne électorale, les candidats aux municipales ont promis de rouvrir l’île au Tripolitains. Les nouveaux membres du conseil municipal ont donc tenu leur promesse. Une telle décision n’est-elle pas prématurée? Mahmoud Hallab explique que «les habitants apprécieront, peut-être, le travail que nous faisons et eux aussi commenceront à protéger l’environnement». Il souligne l’importance du «tourisme écologique qui rapportera de l’argent pour la gestion de la réserve». Lina Kabbara note qu’une «partie de l’îlot restera exclusivement réservée à la vie sauvage. Nous avons également consacré des espaces à la promenade». Et de rappeler que le zoning des îlots est en cours d’achèvement: «Espace public, vie sauvage, espace pour la recherche scientifique effectuée principalement en collaboration avec le Conseil national pour la recherche scientifique, et un observatoire d’oiseaux». En 1970, Georges Tohmé, actuel directeur du CNRS, avait appelé à transformer l’île aux Palmiers en réserve naturelle. Ce n’est qu’en 1992 que la décision est prise. Si le gouvernement avait agi rapidement, beaucoup d’efforts auraient été épargnés. Classer ces îlots, c’est préserver la biodiversité, sauvegarder le territoire des animaux, et maintenir la vie sauvage dans une zone que la «civilisation» a saccagé depuis bien longtemps. En effet, même le promeneur le plus craintif ne se sent pas agressé par les animaux qui habitent l’île (reptiles, sauterelles, oiseaux...). Peut-être parce que ces créatures savent que c’est leur territoire et qu’elles ne sont pas contraintes de sauvegarder leur territoire en agressant les êtres humains... Fin de la promenade. Adieu lys, mouettes, algues, pélicans... Retour chez les humains, qui non loin du périmètre protégé de la réserve, pêchent encore à la dynamite.
Les Libanais pourront désormais avoir accès à une nouvelle réserve naturelle, celle connue sous le nom «les îles aux Palmiers», qui a été inaugurée hier par le ministre de l’Environnement Akram Chehayeb. Située au large de Tripoli et formée d’un ensemble de trois îlots (Palmiers, Sanani et Ramkine), cette réserve, appartenant à la municipalité de Tripoli, est...