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Actualités - CHRONOLOGIE

Un test au résultat peu concluant pour le président américain

Les représailles américaines de jeudi contre le Soudan et l’Afghanistan auront constitué un premier test sur la capacité du président Clinton à rétablir son image, ternie par l’affaire Lewinsky. Un test au résultat peu concluant si l’on en juge par les réactions nationales et internationales. L’appui à des degrés divers, ici et là, a été ponctué de remarques sceptiques sur le «timing» de cette intervention, qui pourrait servir à détourner l’attention du scandale provoqué par la confession télévisée du président, lundi, sur sa liaison «inappropriée» avec l’ancienne stagiaire de la Maison-Blanche. Résumant l’appréhension quasi générale dans le monde, le journal populaire allemand «Express» souligne ainsi que «le chantage à la guerre» du chef de l’Exécutif américain pourrait mener à «une escalade de la terreur». Les collaborateurs du président ont, bien sûr, rejeté tout lien entre les représailles antiterroristes et la confession de M. Clinton, expliquant que les frappes avaient été décidées près d’une semaine avant le témoignage de Clinton devant un grand jury (chambre de mise en accusation) de Washington lundi et sa confession télévisée ultérieure. La réaction tiède de l’opinion américaine et mondiale prouve que M. Clinton, affaibli, va devoir désormais compter sur la remise en question de toutes ses actions par un public qui n’a plus entièrement confiance en lui. «Après des mois de mensonges et d’obstructionnisme, des doutes surgissent pour chacun de ses gestes et chacune de ses paroles», a affirmé le sénateur républicain Dan Coats. A ces considérations s’ajoute le fait que le principal objectif de Washington, le milliardaire séoudien Oussama ben Laden, est toujours libre. De plus, les interrogations subsistent sur l’efficacité de telles frappes pour venir à bout ou même contenir le terrorisme dans le monde. Sur deux fronts Vendredi, le président américain devait retourner à ses vacances au terme d’une extraordinaire semaine qui l’a vu batailler sur deux fronts, un scandale sexuel et le terrorisme international. Lundi, M. Clinton touche, semble-t-il, le fond, vivant l’heure la plus dramatique et la plus déshonorante de sa présidence en devenant le premier chef d’Etat américain à témoigner pendant plus de cinq heures sur sa vie sexuelle devant une chambre de mise en accusation. Sa confession le soir même à la nation sur une liaison avec l’ex-stagiaire de la Maison-Blanche Monica Lewinsky, loin de clore le feuilleton tragi-comique dégradant de ces sept derniers mois, est jugée désastreuse par les analystes et ses proches. Mardi, le président et sa famille, visiblement blessés, prennent le chemin des vacances à Martha’s Vineyard, dans le Massachusetts, non sans que M. Clinton fasse avant son départ un dernier acte de contrition auprès de ses collaborateurs, les leaders du Congrès et ses partisans, montés en première ligne ces derniers mois pour le défendre face au scandale. Avant de partir, M. Clinton est informé par son conseiller pour la sécurité nationale Sandy Berger que des préparations militaires pour des frappes américaines en riposte aux attaques terroristes contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam — planifiées depuis le vendredi précédent — sont en cours. Jeudi, à 3h heure locale, M. Berger appelle M. Clinton pour qu’il donne le dernier feu vert. A 13h30, heure de Washington, les premiers missiles de croisière visant l’Afghanistan et le Soudan sont lancés depuis des vaisseaux américains croisant en mer d’Oman et dans la mer Rouge. M. Clinton sort de sa retraite de Martha’s Vineyard pour faire une brève déclaration avant de revenir, en commandant en chef, à Washington où il s’adresse au pays, pour la deuxième fois en quatre jours. Les émissions télévisées spéciales consacrées depuis le début de la semaine au scandale sont annulées pour être hâtivement remplacées par des programmes spéciaux sur «L’Amérique riposte». Au total, selon les mots du «New York Times», une semaine «surréaliste et à grand spectacle». L’opinion publique américaine est quasi unanime à approuver les frappes militaires, tout en se montrant sceptique sur les véritables motivations de la décision de son président de les ordonner. La presse, elle, emboîte le pas au Congrès, à majorité républicain dans ses deux Chambres, mais qui n’en a pas moins apporté un soutien sans réserve à la double opération de vendredi. Cependant, aussi bien les journaux que les parlementaires se font l’écho des interrogations de l’homme de la rue. Ainsi, le «Washington Post» juge que Bill Clinton a agi «dans la bonne direction», tandis que le «New York Times» juge la décision «raisonnable», mais s’empresse d’ajouter que le président devra maintenant s’employer à «rassurer les Américains», qui se montrent sceptiques dans les derniers sondages, et leur prouver que le moment de ces actions n’a pas été choisi «pour l’aider à renforcer sa présidence brinquebalante» en raison du scandale Monica Lewinsky. Le journal ultra conservateur «Washington Times» soutient également la décision de Bill Clinton mais note «l’inhabituelle dose de scepticisme ayant accueilli (aux Etats-Unis) l’annonce de l’attaque»: un scepticisme qui souligne les difficultés du chef de l’Etat, «incapable d’agir sans entraîner des soupçons sur son action, non seulement à l’étranger mais aussi à l’intérieur des Etats-Unis», et note le «spectacle extraordinaire» mis en place par la Maison-Blanche pour annoncer l’attaque «digne d’un événement» aussi important que l’intervention «au Panama et à la Grenade». Dans les rangs des organisations musulmanes américaines, le ton est à la satisfaction après les explications du président Clinton dissociant l’islam des terroristes «fanatiques et meurtriers», mais aussi à l’inquiétude quant à l’impact des raids dans le monde musulman. Le président Clinton avait souligné que les frappes décidées à l’encontre de bases terroristes présumées ne visaient pas «l’islam, la foi de centaines de millions de personnes éprises de paix dans le monde». Tout en se félicitant des remarques de M. Clinton, le porte-parole du Conseil pour les relations américano-islamiques (CAIR) Ibrahim Hooper s’est néanmoins interrogé sur le point de savoir si les attaques de jeudi étaient «justifiées et si des innocents ont été tués».
Les représailles américaines de jeudi contre le Soudan et l’Afghanistan auront constitué un premier test sur la capacité du président Clinton à rétablir son image, ternie par l’affaire Lewinsky. Un test au résultat peu concluant si l’on en juge par les réactions nationales et internationales. L’appui à des degrés divers, ici et là, a été ponctué de remarques...