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Actualités - ANALYSE

La prorogation recommandée comme un pis-aller

Plus qu’à tout autre moment, M. Raymond Eddé insiste pour réclamer la prorogation du mandat de M. Elias Hraoui. Il ne se contente d’ailleurs pas de réitérer sa position à ce sujet et mène une véritable campagne, à travers les contacts qu’il entreprend, en faveur de cette idée. Un effort que les reconductionnistes locaux devraient voir d’un bon œil. Sauf que les arguments sur lesquels s’appuie M. Eddé ne sont peut-être pas très flatteurs pour leur cause, si cause il y a. En effet, le leader du Bloc national développe son raisonnement à partir du constat suivant: du moment que c’est la Syrie qui choisit, non la libre volonté des Libanais ou de ceux qui les représentent vraiment, quelle différence peut-il y avoir entre l’actuel locataire de Baabda et un autre?… Dans l’aberrante situation imposée au pays, le chef de l’Etat, quel qu’il soit, n’est tout simplement pas en mesure d’initier le changement requis. Ainsi condensé, le point de vue du «Amid» paraît proche des considérations que le patriarche Sfeir exprime dans ses sermons ou ses entretiens. Ainsi que des communiqués de l’assemblée des évêques maronites qui s’élèvent contre l’avènement d’un président qui, fabriqué de toutes pièces à l’intérieur, serait l’otage consentant de parties étrangères. La hiérarchie ecclésiastique souligne en substance que, dans les conditions actuelles, l’élection présidentielle ne peut répondre aux aspirations des Libanais, puisqu’ils se retrouvent ligotés, empêchés d’exercer leur droit élémentaire de choix démocratique et dépouillés par là de leur dignité nationale. Mais si les autorités spirituelles maronites sont d’accord sur le principe avec le «Amid» du Bloc national, elles ne le rejoignent pas en réalité dans les conclusions pratiques. Alors qu’il refuse de traiter pour sa part avec le fait accompli, elles pensent qu’il faut sinon composer du moins ne pas tourner le dos, reconnaître l’état de choses imposé, pour tenter justement de le modifier en tout ou partie. Sans attendre un changement qui serait le fruit de nouvelles données extra-libanaises, de nouveaux rapports de force dans la région. M. Eddé fait valoir que les circonstances qui avaient entraîné en 1995 la reconduction du mandat de M. Hraoui sont toujours en place. A ses yeux, les autorités libanaises présentes sont, à cause de l’occupation israélienne et de la présence syrienne, la résultante, le reflet du fait accompli. Le «Amid» souligne que d’autres pays ont connu des situations analogues, pour des périodes sans doute plus courtes. Il cite l’exemple de la France, rappelant que, sous l’Occupation, les Français de l’intérieur étaient certes contraints de traiter avec les nazis pour ce qui est du vécu quotidien, mais s’empêchaient de procéder à des élections législatives ou présidentielles tant que leur territoire restait sous mainmise. Détails Un point de vue qui, sur le plan historique, peut se discuter: avec la défaite, la France métropolitaine avait tout simplement renoncé à la démocratie, en se donnant au Maréchal, et il n’y était donc plus question d’élections… Toujours est-il que, répondant au «Amid» sans plus en savoir, les adversaires locaux de la reconduction basés à l’Est affirment que «les Français pouvaient attendre pour l’élection, car ils savaient qu’ils allaient tôt ou tard être libérés par les Alliés». Pas tous les Français n’avaient cette certitude avant 44, tant s’en faut… Mais au-delà de ce cas ancien autant que lointain, mal choisi dans la mesure où l’analyse par analogie donne rarement de bons résultats en politologie, ces sources notent que «les Libanais ne vivent pas pour leur part dans l’espoir d’être à terme visible débarrassés du fait accompli. En 1992, ils ont boycotté si massivement les législatives que le taux de participation n’avait pas atteint les 14%. Ils pensaient par le mot d’ordre d’abstention obtenir le report du scrutin. Ou tout au moins amener la communauté internationale à ne pas reconnaître la législature issue d’une telle opération tronquée. Résultat: les ambassadeurs des Etats-Unis et de France avaient tenu à assister à la première séance du nouveau Parlement, pour confirmer la reconnaissance de sa légitimité! C’est également tout à fait contraints que les Libanais ont dû accepter la prorogation du mandat de M. Hraoui pour trois années, en 1995. Certes, les circonstances n’ont pas changé depuis. Mais sur le plan concret interne, une prorogation signifierait le maintien d’un statu quo qui engendre des crises en rafale. La troïka, qui se dispute pour un oui pour un non, laisse libre cours à la corruption politico-administrative et mène tout droit le pays à la récession économique via un endettement public écrasant. L’élection d’un nouveau président, même à l’ombre d’un fait accompli que l’on rejette, offre une chance théorique de se dégager du système. D’autant que, s’il faut attendre les retraits pour changer de direction, au double sens de l’expression, on ferait aussi bien de confirmer les dirigeants à vie: cela fait vingt-deux ans que les Syriens sont présents et plus de vingt ans que les Israéliens occupent le Sud…».
Plus qu’à tout autre moment, M. Raymond Eddé insiste pour réclamer la prorogation du mandat de M. Elias Hraoui. Il ne se contente d’ailleurs pas de réitérer sa position à ce sujet et mène une véritable campagne, à travers les contacts qu’il entreprend, en faveur de cette idée. Un effort que les reconductionnistes locaux devraient voir d’un bon œil. Sauf que les...