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Actualités - REPORTAGE

Les carrières de Dahr El-Baidar menacent la réserve des Cèdres du Chouf (photos)

Imaginez un espace protégé vaste de 500 kilomètres carrés. Imaginez des montagnes immenses couvertes de forêts de cèdres. Dans le voisinage immédiat, une vallée blanche et poussiéreuse met en évidence la présence de carrières qui s’étendent rapidement constituant une menace potentielle pour les cèdres du Chouf. Ces arbres, dont beaucoup sont millénaires constituent une «réserve naturelle» en vertu de la loi numéro 532, datée du 24 juillet 1996. Quand la réserve a été créée, des terrains appartenant à neuf municipalités du Chouf et des biens-fonds domaniaux lui ont été intégrés. Les municipalités en question sont celles de Niha, Jabaa’, Mrestay, Khraibé, Maasser el-Barouk, Bmohray, Barouk, Aïn Dara et Aïn Zhalta. Ces deux derniers villages sont limitrophes de Dahr el-Baidar, domaine de prédilection des propriétaires et exploitants de carrières. Représentant 5% du territoire libanais, la réserve des Cèdres du Chouf bénéficie du programme relevant de diverses agences des Nations Unies, notamment le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (IUCN), le Fonds international pour l’environnement (GEF). Le ministère de l’Environnement coopère avec ces organisations dans le cadre du projet de protection des réserves naturelles et de la biodiversité. Deux cents espèces d’oiseaux La réserve est formée de plusieurs forêts, notamment trois cédraies, celle de Barouk (400 hectares), de Maasser el-Chouf (6 hectares), et de Bmhoray-Aïn Zahlta (100 hectares) qui abritent plus de 2 millions de cèdres âgés de 50 jours à 3000 ans. Plus de 200 espèces d’oiseaux y ont été répertoriés, dont plus de 20 genres de rapaces. Elle est aussi le repaire de plusieurs mammifères, de loups, de sangliers, de lynx et de chats sauvages. Quand cet espace a été classé réserve naturelle, l’équipe de la Société des Cèdres du Chouf, chargée de la gestion de la réserve, s’est démenée et a réussi à faire respecter la loi, notamment pour ce qui est de l’interdiction de chasser, de couper le bois ou de faire paître les chèvres. L’équipe, formée de 14 personnes et présidée par Assad Serhal (diplômé en «gestion écologique de la vie sauvage» de l’Université d’Oklahoma aux Etats-Unis), travaille 24 heures sur 24 pour couvrir l’immense espace protégé, dont les frontières sont définies par la loi 532. La Société des Cèdres du Chouf, présidée par le ministre des Déplacés, Walid Joumblatt, tente également de trouver des solutions pour la gestion de cet espace immense. Un projet de jumelage entre la réserve des Cèdres du Chouf et le parc des Cévennes en France sera prochainement signé. Un autre projet verra probablement le jour avec des agences de l’Union Européenne. Il vise à protéger la réserve des incendies. Un protocole est actuellement en cours de négociation avec la Région des Bouches-du-Rhône pour transformer le Chouf entier en réserve naturelle. «Les cèdres du Chouf deviendront une réserve naturelle à l’intérieur d’un grand parc régional», note M. Serhal. Cependant, une menace, en provenance de la Békaa, pèse sur ce futur parc naturel du Mont-Liban. Ce sont les terrains privés limitrophes de la réserve, à Aïn Dara et à Bmohray, qui posent problème et qui pourraient menacer les cèdres du Chouf. «Quelques-uns de ces terrains, déclare M. Serhal, ont été vendus à des exploitants de carrières». Les habitants de Aïn Zhalta, qui sont alimentés en eau à partir des sources du Safa et du Barouk, se sont plaints ces derniers mois de la chute du débit de l’eau qui alimente la localité. Le gérant de la réserve indique que c’est un «indice très grave». L’usage des explosifs pour l’exploitation des carrières pourrait avoir causé des modifications profondes dans les couches souterraines qui ont entraîné des perturbations sur le plan hydrologique et celui des nappes phréatiques de la région. Les réserves naturelles sont non seulement importantes pour la préservation de la biodiversité de la faune et de la flore mais aussi pour les ressources en eau du pays. Elles jouent un rôle d’éponge qui absorbe et emmagasine les eaux de pluie. Pour inspecter une réserve vaste de 500 km2, la Société des Cèdres du Chouf a tracé des chemins en terre battue, qui sont interdits au public et uniquement accessibles en Jeep. Arrivé à 1900 mètres _ le point le plus élevé de la réserve _ à proximité de la forêt du Barouk, la plaine de la Békaa, devient visible: une énorme plaie béante toute blanche, formée par les carrières de Dahr el-Baidar, apparaît clairement à l’observateur. La première de ces carrières est distante de 4 km seulement de la réserve, à partir du chemin de terre battue. Et cette distance risque fort bien de se rétrécir très rapidement. Or, la loi de Juillet 1996 protège également, sur une profondeur de 500 mètres, les terrains limitrophes de la réserve. Cette loi stipule explicitement: «Il est strictement interdit d’allumer du feu, de chasser, de camper ou d’effectuer tout autre acte qui nuit à la réserve, défigure le paysage ou détruit ses ressources». Peut-être que la nuisance effective n’est pas encore irréversible mais l’altération du paysage est là, elle se dresse comme une évidence sur le flanc de la montagne.
Imaginez un espace protégé vaste de 500 kilomètres carrés. Imaginez des montagnes immenses couvertes de forêts de cèdres. Dans le voisinage immédiat, une vallée blanche et poussiéreuse met en évidence la présence de carrières qui s’étendent rapidement constituant une menace potentielle pour les cèdres du Chouf. Ces arbres, dont beaucoup sont millénaires constituent une...