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Actualités - ANALYSE

Une course freinée par les décideurs

La guerre des deux roses n’occulte pas la présidentielle, bien au contraire, puisque l’empoignade est essentiellement motivée par cette échéance. Qui d’ailleurs, ironie du sort, pourra seule mettre un terme — si elle tourne bien, ce qui n’est pas sûr — à cette anomalie qu’est cette formule de la troïka qui cultive des passions trop intéressées ou des intérêts trop passionnés, au choix. Le comble c’est que tout en se livrant à leur bras de fer, les protagonistes dénoncent eux-mêmes le système qu’ils servent avec tant de zèle, s’en imputant réciproquement la responsabilité et affirmant rêver du jour où il n’y aurait plus de dualité, d’empiétement de prérogatives au niveau des institutions. On sait en effet que le président du Conseil se plaint que le chef du Législatif déborde sur l’Exécutif via les ministres qu’il contrôle et s’entend répondre que c’est-lui même qui court-circuite la Chambre par ses services parallèles comme le CDR. Toujours est-il que la polémique entre les deux présidents mahométans a lancé pour de bon la campagne électorale. Ce qui est en soi une victoire pour le camp auquel tous deux appartiennent malgré leurs divergences. On note en effet qu’ils ont également pris l’initiative, défini chacun ce qu’il convient de faire, qui il faut élire ou ne pas élire, alors que Baabda reste sur la touche, signe probant, définitif, du recul de l’influence chrétienne et de la mort du maronitisme politique. Mais face à l’allant un peu trop saccadé des deux chefs d’orchestre de l’Ouest, ce sont les décideurs qui aujourd’hui modèrent le tempo. En effet, tout en imposant une trêve médiatique aux deux catcheurs, ils répètent avec insistance qu’il est trop tôt pour se battre au sujet d’un gâteau dont on n’a même pas réuni encore les ingrédients. Les loyalistes retour de Damas confirment que «le dossier ne sera traité qu’au cours de la seconde moitié du délai légal qui débute fin septembre, donc pas avant fin octobre. C’est à la lumière des conditions régionales qui prévaudront alors que le futur président de la République libanaise sera choisi». Par qui vous savez. Cependant, bien que la Syrie ait notoirement carte blanche, les Occidentaux ne se désintéressent pas totalement de l’échéance. Ils ont fait savoir (les Américains et les Français notamment) qu’ils préfèrent, au nom de la démocratie, que cette fois il y ait élection en règle et non reconduction de mandat. Et ils ont chargé leurs représentants en place de suivre de près les développements de cette question. De ce fait on note de la part de ces diplomates une discrète mais intense activité de rencontres tous azimuts et de prise de notes sur des calepins de chancellerie. Les questions posées par ces observateurs, qui prennent soin de n’émettre aucune opinion, de ne donner aucun conseil, portent sur les noms des candidats, sur leur passé, sur leurs liens politiques, sur ce qu’attendent les différents pôles locaux du futur régime et ainsi de suite. Une enquête très fouillée, très minutieuse, devant alimenter de consistants rapports pouvant être à l’origine d’une éventuelle intervention, précise et limitée. Pour être plus clair, le travail exploratoire des diplomates occidentaux permet de penser que les grandes capitales, sans dénier à Damas le «droit» de choisir, demandent à être informées à l’avance pour pouvoir, le cas échéant, opposer un «droit de veto» sur tel ou tel nom. Il s’agirait notamment de postulants virtuels qui, depuis la guerre libanaise, ou encore à cause de contrats d’armes conclus par la suite avec la Yougoslavie et la Bosnie-Herzégovine, sont considérés en Occident comme peu fréquentables… Du côté des Américains, c’est un staff rénové qui va se mettre en place sous peu à Awkar, à partir de l’arrivée du nouvel ambassadeur M. David Sutterfield, qui aura à se colleter d’entrée de jeu avec le dossier des présidentielles. Son expérience d’ancien conseiller d’ambassade à Beyrouth (mais aussi à Taëf) ne lui sera donc pas de trop. Washington, sans contrarier Damas, voudra sans doute garder un rôle à jouer au Liban sous le prochain régime. Surtout si pendant les six années à venir la paix devait être conclue dans la région. Toujours est-il que selon des sources diplomatiques occidentales, la sécurité et la stabilité devraient être au centre de la quête d’un nouveau président au Liban car sans ces deux facteurs rien n’est possible, ni la récupération de la souveraineté nationale, ni le redressement économique…
La guerre des deux roses n’occulte pas la présidentielle, bien au contraire, puisque l’empoignade est essentiellement motivée par cette échéance. Qui d’ailleurs, ironie du sort, pourra seule mettre un terme — si elle tourne bien, ce qui n’est pas sûr — à cette anomalie qu’est cette formule de la troïka qui cultive des passions trop intéressées ou des intérêts...