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Actualités - REPORTAGE

Spot sur l'éclairage Marie-Christine Soma : la lumière, un langage muet qui parle aux émotions... (photo)

Une pièce de théâtre, c’est un texte et une mise en scène, ce sont également un son et un éclairage. Mais le métier d’éclairagiste est encore trop souvent assimilé chez nous à de la simple technique. Marie-Christine Soma est à Beyrouth pour la troisième année consécutive. Eclairagiste de théâtre, elle a animé, il y a deux ans, un stage au Théâtre de Beyrouth, avant de revenir l’été passé pour aider les jeunes metteurs en scène du festival Ayloul à créer les lumières de leur spectacle. Cette année, chaque création a son éclairagiste, elle est là «juste au cas où» dit-elle. Après des études de philosophie et de lettres classiques, Marie-Christine Soma décide de «tout abandonner pour faire de la lumière». Comment passe-t-on de la philosophie à l’éclairage? «La lumière c’est quelque chose qui est impalpable, c’est comme la philosophie», affirme-t-elle. Peu encline à enseigner, et passionnée de théâtre, elle commence à aider de petites troupes pour la fabrication des costumes, des décors… «Ce qui m’intéressait c’était de fabriquer quelque chose, d’associer la réflexion à un travail manuel concret. Puis un jour, on m’a demandé d’aider à la lumière… Cela a été comme un flash», lance-t-elle dans un rire. Et là, intarissable, elle explique: «C’est comme si j’avais tout d’un coup découvert quelque chose en accord avec ce que j’avais envie de faire. La lumière est une matière totalement abstraite qui en même temps passe par tout un processus de création concret. C’est un métier très dur, on trimballe des appareils très lourds, il faut escalader des escabeaux, monter très haut, parfois on prend des risques... Mais ce qui m’a fascinée, c’est ce rapport entre le concret et l’abstraction. La lumière cela n’existe pas tant qu’il n’y a pas un objet ou un personnage qui attrape, qui accroche. Travailler sur le corps des acteurs, sur les formes... La lumière est un langage qui ne parle pas, qui n’a pas de mots et qui s’adresse au côté émotionnel des gens. C’est un bon moyen de communiquer, de toucher même l’inconscient des gens». Et de les manipuler? Elle rit avant de répliquer: «Peut-être, mais cela j’essaie de ne pas le faire. Je ne travaille pas sur les sensations fortes. Dans mon approche, je cherche plutôt à susciter l’écoute, à mettre les gens dans un certain climat». Marie-Christine Soma a commencé, il y a quinze ans comme assistante, avant de se lancer, il y a une dizaine d’années, en free lance. «Je travaille aussi bien pour des salles que pour des pièces de théâtre ou des opéras, essentiellement en France», dit-elle. Ainsi on peut la trouver dans les coulisses de l’Opéra Bastille, ou du théâtre de l’Athénée, ou encore de l’Odéon. «En général, ce sont les metteurs en scène qui font appel à moi. Quand ils ont besoin d’un certain type de lumière». Le poinçon de Marie-Christine, c’est la lumière naturelle. «Je travaille beaucoup sur le temps», souligne-t-elle. «A l’instar des climats qui changent de manière insensible, ma lumière se transforme avec le temps sans qu’on s’en aperçoive. Tout d’un coup on constate le changement, sans avoir vu le processus qui y a conduit. Je ne travaille pas sur les effets spectaculaires». Un discours commun L’éclairagiste est associé au projet dès le départ, «avec le décorateur, le costumier... On essaie d’être à l’écoute de ce que veut faire le metteur en scène et le décorateur et d’approcher ensemble une idée d’un texte... On travaille très longtemps. Il est important d’avoir une collaboration qui permet de développer un discours commun». Trois étapes dans le travail d’un éclairagiste: «D’abord, pendant que le metteur en scène travaille la scénographie sur une maquette, on discute matériau, possibilités... beaucoup de choses se précisent»; ensuite ces décisions théoriques passent l’épreuve des répétitions. «Là, j’ajuste la lumière, la disposition des appareils, l’intensité des éclairages, en fonction du jeu des acteurs»; enfin l’exécution. «Je suis à pied d’œuvre jusqu’au soir de la première, ensuite, comme tous les états lumineux sont enregistrés sur ordinateur, c’est un technicien qui appuie sur les boutons tous les soirs». Pragmatique, Marie-Christine Soma rappelle que le rôle premier de la lumière, «c’est de permettre au spectateur d’y voir. Cela a l’air évident, mais c’est très important. L’éclairagiste, c’est un artisan, pas un artiste». Il a également pour mission de «relayer le metteur en scène, prenant en charge une partie de la signification du texte. Faisant exprimer par la lumière des choses qu’il n’a pas besoin de faire jouer aux acteurs…». Et de donner quelques exemples: «Une lumière plutôt grise, avec des ombres peu marquées, suggère un univers qui ne bouge pas. La lumière sert à rythmer le spectacle, à lui imprimer un mouvement d’accélération, ou au contraire à ralentir l’action». La lumière a connu une grande évolution en Occident, les moyens techniques sont de plus en plus importants. «Le son est encore le parent pauvre au théâtre». «Pour l’éclairage, les choses ont commencé à bouger depuis déjà plus d’une vingtaine d’années», estime Marie-Christine Soma, «grâce aux chefs opérateurs qui sont venus du cinéma au théâtre. Ils ont apporté un matériel plus important que celui qu’on utilisait au théâtre et un regard totalement différent. La lumière sur les planches, ce n’est plus simplement un spot par-çi par-là, c’est toute une ambiance qu’on essaie de créer, tentant de retranscrire le plus possible la réalité». Simples spots ou gros projecteurs, le nombre importe peu, puisqu’il peut varier de 50 à 400 éléments; le tout, c’est de savoir choisir et combiner. Y-a-t-il une recette type pour obtenir un effet donné? «C’est la première question que m’ont posée les stagiaires au TDB», dit-elle amusée. «Mais il n’y a pas une seule manière. Le résultat dépend beaucoup du jeu des acteurs, du genre de théâtre, de la salle… A chaque fois il faut trouver le bon dosage…» Qu’est-ce qu’un éclairage réussi? «C’est celui qu’on ne voit pas». Elle raconte être «de plus en plus à l’écoute de ce qui se passe sur le plateau, à l’instar des autres intervenants. Je pense que plus on arrive à faire taire ses propres anxiétés, moins on met son ego en jeu, plus on est juste traversé par ce qui se passe, meilleur est le résultat». Liberté on contrainte Expositions, pièces ou spectacles, Marie-Christine Soma travaille en moyenne sur six créations par an. Mais elle ne touche pas au cinéma. «L’éclairage ciné est un autre métier», dit-elle. «On peut passer du cinéma au théâtre mais pas l’inverse. Techniquement, il y a de nombreuses choses que nous n’utilisons pas au théâtre et que, par conséquent, nous ne connaissons pas, comme tout ce qui concerne la pellicule». Le plus difficile à concevoir reste pour elle, «les spectacles de danse, contrairement à mes confrères. La danse est abstraite, alors qu’un texte c’est très contraignant. Je ne sais pas travailler avec la liberté, il me faut une contrainte, des repères». Ses références, elle les puise aussi bien dans le cinéma que dans la photo. «Henri Alekan, qui est un vieux monsieur, aujourd’hui, a été chef-opérateur pour «La Belle et la Bête» de Jean Cocteau. A 75 ans, il a collaboré avec Wim Wenders pour «L’état des choses» et «Les Ailes du désir». Il avait encore cette jeunesse du regard, cette manière de se remettre au service des jeunes… C’est magnifique». Quant à la lumière dans les clichés de Raymond Depardon, «elle est superbe, généreuse. Elle ne se limite pas à un détail, elle inonde tout». Elle affirme que «c’est la nouvelle vague. On ne sélectionne pas, on retransmet la vision telle qu’on l’a, le spectateur étant assez intelligent pour la percevoir et la partager. C’est ce que je cherche à créer au théâtre».
Une pièce de théâtre, c’est un texte et une mise en scène, ce sont également un son et un éclairage. Mais le métier d’éclairagiste est encore trop souvent assimilé chez nous à de la simple technique. Marie-Christine Soma est à Beyrouth pour la troisième année consécutive. Eclairagiste de théâtre, elle a animé, il y a deux ans, un stage au Théâtre de Beyrouth,...