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Actualités - ANALYSE

On reparle de prorogation...

Il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai pas de ton eau. Condamnée avec fracas par les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri, exclue par le président Elias Hraoui lui-même, la prorogation refait quand même surface. A cette nuance près que cette fois on parle d’une seule année… Bien entendu, parmi les partisans de cette idée, on trouve toutes sortes de motivations ou d’intérêts. Certains, comme Raymond Eddé, la défendent comme un pis-aller au nom de grands principes et d’impératifs nationaux majeurs. D’autres, comme nombre de loyalistes plus ou moins gloutons, s’y accrochent comme à une bouée de sauvetage. D’autres encore n’y croient pas vraiment mais utilisent cette perspective à des fins tactiques. Ou la préfèrent à l’élection d’un candidat qui ne leur convient pas… En fait, les spéculations ont repris lorsqu’il s’est confirmé que les décideurs n’ont encore fait au sujet de la présidentielle libanaise aucun choix sur aucun plan et n’écartent aucune option. De plus, le barrage des deux présidents mahométans a provoqué des réactions négatives, dans la mesure où l’on estime à l’Est qu’ils interviennent dans une question qui n’est pas confessionnellement de leur ressort. Réaction naturelle, probablement sous-jacente dans le communiqué des évêques maronites qui laissent entendre qu’il vaut mieux ne pas organiser d’élection que de subir un parachutage téléguidé. Pour le moment, cependant (mais en 95 il en était de même au départ), le principal obstacle à la prorogation vient du chef de l’Etat lui-même. Expliquant pourquoi il ne veut pas d’un troisième mandat, M. Hraoui développe en substance les raisons suivantes: — Les gens aiment le changement non seulement au niveau du style du pouvoir mais aussi à celui des personnes, même s’il devait apparaître par la suite qu’à ce changement ils ne gagnent rien. — Le Liban ne peut plus continuer à être dirigé par trois têtes. Le fiasco de cette formule est tout aussi indubitable que consommé. Il est donc nécessaire qu’on revienne à un pouvoir assumé de fait par un seul dirigeant. Evidemment, ce n’est pas réalisable à court terme, puisque cela nécessite un dialogue national approfondi, suivi d’une refonte conséquente de la Constitution. Mais, pour commencer, on peut assurer un minimum de rééquilibrage en adoptant les retouches constitutionnelles proposées par Baabda et trop vite rejetées. Ainsi, même si le système devait être maintenu, l’on aurait gommé quelques-unes de ses tares et même au cas où il n’y aurait pas de changement de personnes, on pourrait avoir l’impression que le redressement commence à s’opérer. Les gens supporteraient mieux de la sorte le maintien, éventuel des mêmes responsables. Condition sine qua non Selon ses proches, et pour tout dire, le président Hraoui ne se laisserait faire douce violence, comme en 95, et n’accepterait de rester qu’à la condition sine qua non qu’on donne corps aux amendements constitutionnels qu’il préconise. Du reste, ajoute l’entourage du président, il espérait en acceptant un deuxième mandat en 95, mettre ces trois ans à profit pour instiller cette réforme. Mais M. Berry avait poussé les hauts cris, proclamant que la révision de l’article 58 C ( Constitution) était encore plus antidémocratique que la cession des pleins pouvoirs à l’Exécutif, et allant jusqu’à soupçonner le chef de l’Etat de vouloir reprendre le droit de dissoudre la Chambre ou de réduire le mandat de son président. Tout cela à partir d’un problème très simple, très précis que le chef de l’Etat voulait voir régler, celui des délais. On sait en effet que le président de la République est tenu de signer les décrets dans un délai déterminé alors que les membres du Cabinet échappent à cette astreinte et M. Hraoui demandait que cette incroyable disparité fût gommée. Rien d’autre, mais, dans le sillage de M. Berry, la quasi-totalité des forces politiques ou des pôles religieux de l’Ouest se sont déchaînés contre Baabda. Et les décideurs ont clos le chapitre en conseillant à M. Hraoui de mettre sa «réforme» au frigo puisqu’elle était si mal reçue et suscitait une inutile tension sur la scène libanaise. Mais de l’eau a coulé sous les ponts. Et aujourd’hui les partisans de M. Berry lui-même laissent entendre que M. Hraoui n’a pas tort de réclamer une modification des textes constitutionnels. En effet en politique plus qu’ailleurs seuls les idiots ne changent pas d’avis, comme dit l’adage. Et aujourd’hui, dans leur bras de fer avec les haririens, les amalistes ont intérêt à se gagner la sympathie des hraouistes. Testament politique et réserves Toujours est-il que, dans le mot prononcé pour l’adieu au président Adel Osseirane récemment disparu, le chef de l’Etat a paru dire adieu également à la République, en lui faisant ses recommandations: poursuite de l’édification de l’Etat, consolidation de la justice, respect des institutions qu’il ne faut pas plus contourner que la loi, éradication du virus des dissensions, élimination du système des trois têtes par l’instauration d’un régime présidentiel. Le tout placé sous un titre retentissant: «Il est temps de lancer la révolution de la conscience nationale»… Mais le président Hraoui pourrait-il, à l’ombre de la troïka, faire passer les révisions constitutionnelles et concrétiser les objectifs évoqués plus haut? Un ministre influent répond par l’analyse suivante: — «Le pays, affirme-t-il, court à la catastrophe économique si la situation devait durer ne serait-ce qu’un mois encore. Les conflits entre les dirigeants mettent sérieusement en péril la monnaie nationale, quoi qu’en dise M. Siniora dont c’est d’ailleurs le devoir de rassurer les gens. Les décideurs ne peuvent pas indéfiniment continuer à faire marcher leurs ventilateurs pour refroidir un peu le climat local et du reste leurs directives d’apaisement sont de plus en plus mal écoutées par les intéressés. Il faut donc que cela change. Et l’alternative nous paraît simple: ou c’est M. Hraoui qui part ou c’est M. Hariri qui s’en va, le troisième protagoniste, M. Berry, étant pour sa part inamovible. Le président Hariri a franchement déclaré aux décideurs qu’il ne pourra rester si le mandat de M. Hraoui devait être prorogé. Car lui aussi pense que les gens veulent le changement, mais surtout à son avis au niveau du style du pouvoir. Il ajoute qu’ils demandent également que l’on mette fin à la mentalité des milices et de la ferme, pour passer à celle de la paix et de la reconstruction. Or si M. Hraoui devait se maintenir,pourrait-il se passer de M. Hariri sans que la livre ne s’effondre? Le risque ne peut pas être pris, c’est ce que doivent estimer les décideurs, tout comme nous le faisons. Et il faut provoquer un choc salutaire par l’élection d’un nouveau chef de l’Etat». Après ce jugement, le ministre cité affirme que «les décideurs savent parfaitement que les Etats-Unis et la France veulent une élection, pour renforcer la démocratie. Et ils n’ont aucune raison de les contrarier. De plus, une prorogation d’un an est préjudiciable à l’autorité de l’Etat comme au prestige de la présidence de la République, pour ce qu’il en reste, car un pays ne se dirige pas par traites à court terme. Sans compter, conclut cet anti-reconductionniste, qu’on ne voit pas trop ce qui va changer en un an, la paix régionale paraissant bien plus éloignée que cela, si tant est qu’elle reste réalisable…»
Il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai pas de ton eau. Condamnée avec fracas par les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri, exclue par le président Elias Hraoui lui-même, la prorogation refait quand même surface. A cette nuance près que cette fois on parle d’une seule année… Bien entendu, parmi les partisans de cette idée, on trouve toutes sortes de motivations ou...