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Actualités - CHRONOLOGIE

Les agents du Mossad à Berne visaient le Hezbollah (photo)

L’échec du Mossad à Berne, cinq mois après le fiasco d’Amman, a plongé Israël dans l’embarras, porté atteinte à ses relations avec la Suisse et mis en lumière les défaillances répétées d’un service secret longtemps réputé comme l’un des meilleurs du monde. Le commando de cinq hommes, arrêté alors qu’il tentait de mettre un téléphone sur écoutes dans une maison privée habitée par des étrangers dans la capitale fédérale helvétique, visait des activistes du Hezbollah libanais, a-t-on appris hier de très bonne source. Un seul des cinq hommes a été maintenu en état d’arrestation; les quatre autres agents pris eux aussi en flagrant délit par la police, dans la nuit du 18 au 19 février, ont été relâchés et ont sans doute quitté la Suisse depuis, bien que des mandats d’arrêt aient été émis contre eux, selon la justice helvétique. Le président suisse Flavio Cotti a laissé entendre que sa visite prévue en mai en Israël, la première d’un chef d’Etat helvétique, pourrait être remise en question, en déclarant qu’elle dépendrait des résultats de l’enquête judiciaire en cours. Dans une note transmise à Israël, le gouvernement suisse a «protesté énergiquement contre cette atteinte portée à la souveraineté suisse, en violation du droit international public, par des membres du service secret israélien». L’ambassadeur d’Israël à Berne, M. Yitzhak Meir, a exprimé ses «regrets» au ministère suisse des Affaires étrangères. Mais Israël n’a pas présenté d’excuses publiques et, selon la radio publique, ne le fera pas. M. Meir s’est félicité de l’attitude du gouvernement fédéral qui avait gardé le mutisme sur l’affaire aussi longtemps qu’elle n’avait pas été révélée par les médias israéliens. Jeudi, l’Etat hébreu a promis d’assurer la défense de son agent secret. «Nous nous occupons de ce dossier et nous ferons tout ce qu’il faut pour régler le problème», a affirmé le premier ministre Benjamin Netanyahu à la presse à Tel-Aviv. «Nous traitons cette affaire par l’intermédiaire de notre ambassade à Berne et du ministère des Affaires étrangères», a ajouté le premier ministre, de qui dépend directement le Mossad. Embarras Les autorités israéliennes sont profondément embarrassées par cette affaire en raison des excellentes relations qu’elles entretiennent d’ordinaire avec la Suisse, notamment dans le domaine militaire et du renseignement, selon des responsables. Une réunion d’urgence a été convoquée au ministère des Affaires étrangères à Jérusalem pour étudier les conséquences de l’affaire et décider quelles explications devaient être données au public, a indiqué la radio. Sur le plan intérieur israélien, l’affaire est d’autant plus grave qu’elle a été révélée à la suite de fuites dans les médias du pays. «Ces fuites sont très graves, car elles semblent provenir du Mossad lui-même», a déploré ce responsable qui a requis l’anonymat. Des membres de la commission parlementaire chargée de superviser les services de sécurité et de renseignements sont encore plus catégoriques. «La fuite provient de ceux qui veulent promouvoir leur candidat à la tête du Mossad», a déclaré à la radio le député travailliste Uri Orr, faisant référence à la démission mardi du chef du Mossad, Danny Yatom. Un autre membre de la commission, le député Yossi Sarid de l’opposition de gauche, a lui aussi estimé que «la fuite ne peut venir de milieux politiques car, contrairement à l’échec d’Amman, il ne viendrait à l’idée de personne de reprocher au premier ministre d’avoir autorisé des écoutes». Selon la presse israélienne, le général Yatom, qui s’accrochait à son poste après le fiasco d’Amman, s’est résigné à donner sa démission après l’échec de Berne. Pour un spécialiste du Mossad, M. Yossi Melman, le problème des fuites révèle surtout la difficulté du Mossad à «faire face au défi des médias modernes». «Le Mossad est une organisation très moderne et tout à fait capable de corriger ses erreurs, mais sur ce front, il a trente années de retard», affirme ce journaliste du quotidien «Haaretz», qui estime que, tôt ou tard, le Mossad devra se doter d’un porte-parole. Il y a trente ans, la censure israélienne, couplée à l’autocensure des rédacteurs en chef des journaux, pouvait empêcher la publication de certaines informations considérées comme portant atteinte à la sécurité de l’Etat. A l’ère de l’internet, il est beaucoup plus difficile d’établir un barrage efficace. La commission scientifique du Parlement s’en est inquiétée mercredi, sans savoir comment y porter remède. La commission a constaté que des images prises par satellite de la centrale nucléaire de Dimona et des informations détaillées sur les bases de l’armée de l’air israélienne, à partir de données publiées par des revues spécialisées, étaient disponibles à tout venant sur la Toile. Optimisme Le coup est d’autant plus rude pour le prestige du Mossad qu’il intervient cinq mois à peine après la tentative ratée d’empoisonnement d’un responsable intégriste palestinien à Amman et deux mois après l’annonce de l’arrestation d’un officier traitant accusé d’avoir donné au Mossad de fausses informations sur les intentions belliqueuses de la Syrie. Selon des responsables israéliens, les relations avec la Suisse devraient bientôt reprendre leur cours normal, comme ce fut le cas avec le Canada, qui avait protesté contre l’utilisation de passeports canadiens par des agents israéliens lors d’une tentative d’assassinat d’un intégriste palestinien en septembre dernier en Jordanie. L’ambassadeur de Suisse à Tel-Aviv, M. Pierre Monod, s’est empressé de rappeler que les deux pays ont développé depuis des années des «rapports cordiaux» dans tous les domaines. Le gouvernement israélien a ainsi soigneusement évité l’an dernier de monter au créneau dans le scandale concernant des banques suisses, soupçonnées d’avoir dissimulé l’existence de comptes dormants appartenant à des juifs qui furent victimes de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale. «L’Etat d’Israël n’intervient directement que lorsque des juifs sont menacés dans un pays, ce qui n’est pas le cas en Suisse», a souligné un porte-parole des Affaires étrangères, M. Amir Guissin. L’Etat hébreu avait refusé de s’associer à une menace de boycottage des banques suisses agitée l’an dernier par le Congrès juif mondial. De plus, les échanges commerciaux entre les deux pays sont florissants et atteignent près de deux milliards de dollars par an. La multinationale Nestlé a pris l’an dernier une participation dans le groupe alimentaire Ossem. L’Union de Banque Suisse est le premier investisseur étranger à avoir été admis comme opérateur à la Bourse de Tel-Aviv. Lors de la dernière crise irakienne, la Suisse a mis à la disposition d’Israël 300.000 doses d’atropine, un médicament utilisé pour la protection contre une attaque chimique. Israël est également un des fournisseurs de l’armée suisse. En novembre dernier, la société d’électronique militaire israélienne Tadiran a signé un contrat de 120 millions de dollars avec l’armée suisse pour la vente d’équipements de contrôle de tir pour l’artillerie. «La Suisse, en revanche, n’a jamais vendu du matériel de guerre à Israël, car sa politique interdit l’exportation d’armes vers les zones de conflits et de tension potentielle», a indiqué l’ambassadeur suisse.
L’échec du Mossad à Berne, cinq mois après le fiasco d’Amman, a plongé Israël dans l’embarras, porté atteinte à ses relations avec la Suisse et mis en lumière les défaillances répétées d’un service secret longtemps réputé comme l’un des meilleurs du monde. Le commando de cinq hommes, arrêté alors qu’il tentait de mettre un téléphone sur écoutes dans une...