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Actualités - CHRONOLOGIE

Financement des projets prioritaires : vive polémique entre Hoss et Hariri

Le premier ministre Rafic Hariri a poursuivi hier pour la troisième journée consécutive ses concertations tous azimuts destinées à trouver les moyens de financer les projets prioritaires du gouvernement, à savoir notamment la nouvelle échelle des salaires dans le secteur public et le retour des populations déplacées. Cette troisième série de concertations a été marquée par une polémique entre les milieux de M. Hariri et l’ancien chef du gouvernement Sélim Hoss. Ce dernier, qui a en effet été reçu par le premier ministre, a tout fait à sa sortie du Sérail pour signifier qu’il se cantonnait, lui et ses alliés du Groupe national parlementaire (GNP), dans leur rôle de députés opposants et que le fait de l’avoir convié à ces discussions ne saurait impliquer un partage de la responsabilité gouvernementale dans le choix de la politique financière de l’Etat. Cette attitude a suscité l’ire des proches de M. Hariri, qui ont aussitôt riposté en accusant M. Hoss d’«abandonner l’opposition constructive» et de chercher à provoquer «un affrontement politique que le premier ministre désire éviter au pays». Outre M. Hoss, le chef du gouvernement a eu des entretiens avec les ministres Mohsen Dalloul et Elie Hobeika, ainsi qu’avec une délégation du Parti social national syrien (PSNS-comité d’urgence). A l’issue de sa rencontre avec le premier ministre, M. Hoss a déclaré à la presse: «J’ai été chargé par le GNP de le représenter dans les concertations menées par le chef du gouvernement. J’ai donc rencontré ce dernier et nous avons discuté de plusieurs questions. L’accent a été mis sur le financement du retour des populations déplacées, sur les projets consacrés aux régions déshéritées et sur le projet de nouvelle échelle des salaires (dans le secteur public). J’ai exprimé avec franchise le point de vue du GNP à l’égard de ces questions et j’ai dit que c’est la politique suivie auparavant par le gouvernement qui nous a conduits à cette impasse, de sorte que nous avons sur les bras des projets vitaux et urgents, mais pas d’argent pour les financer». «En effet, a poursuivi M. Hoss, ces projets ne sont pas devenus aujourd’hui des priorités. Ils étaient prioritaires dès le début. Voilà pourquoi nous réclamons depuis des années au gouvernement qu’il mette sur pied une stratégie globale de développement, qui définirait les priorités, privilégierait le vital sur l’important et prendrait en compte les capacités financières de l’Etat. C’est d’ailleurs ce qui a été prévu par le document d’entente nationale (Taëf) et par le statut du Conseil de développement et de reconstruction». «Mais le gouvernement nous répondait toujours que ses priorités étaient horizontales et non verticales, autrement dit que tous les projets sont au même niveau d’importance. Cela signifie, à nos yeux, que le gouvernement n’a pas su véritablement dégager des priorités et s’est contenté d’exécuter les projets sans stratégie, négligeant les problèmes urgents et vitaux que nous continuons d’affronter aujourd’hui», a-t-il ajouté. Abordant le financement des projets en question, l’ancien premier ministre a relevé qu’il y avait théoriquement «trois sources de financement possibles, impôts et taxes, emprunt et enfin réduction des dépenses publiques». Selon lui, il n’est pas question d’augmenter la fiscalité, «car les citoyens, noyés sous les impôts et les taxes, ne sauraient supporter le poids de majorations fiscales». S’agissant de l’emprunt, M. Hoss a noté qu’il n’était pas possible d’y compter là non plus, «le niveau de la dette publique ayant atteint des proportions fortement inquiétantes». Enfin, au sujet de la compression des dépenses, il a estimé que le gouvernement avait «pris trop de retard pour se rendre compte de la nécessité d’adopter une politique de rigueur budgétaire, de rationalisation des dépenses et d’arrêt du gaspillage». «Le gouvernement devrait donc probablement chercher des sources de financement autres que celles que j’ai citées, comme par exemple augmenter les recettes du téléphone cellulaire et régulariser les constructions illégales sur le littoral. Cela dit, cette régularisation ne vise pas en principe à créer des recettes pour le Trésor mais à préserver l’environnement de la côte», a-t-il souligné. Se disant «attaché au principe de la séparation des pouvoirs, en l’occurrence entre l’Exécutif et le Législatif, et hostile à l’hérésie de la «troïka», qui viole ce principe», M. Hoss a mis en garde contre toute tentation d’interpréter sa participation aux concertations entreprises par M. Hariri «comme étant une participation à la décision». «La décision est celle du gouvernement . C’est à lui d’en assumer la responsabilité. Mêler les députés à la prise de décision est néfaste car cela signifierait que le gouvernement a cédé une part de ses responsabilités et que le rôle des parlementaires et leur droit de contrôle sur l’action du gouvernement ont été supprimés», a-t-il encore dit. Interrogé sur le point de savoir si ces concertations étaient susceptibles d’aboutir à un changement de la politique du gouvernement, M. Hoss a dit:«Nous le souhaitons». A un journaliste qui lui demandait s’il avait formulé des propositions déterminées concernant le financement des projets, il a répondu par la négative, tout en réaffirmant son point de vue selon lequel le gouvernement pourrait recourir à l’augmentation des recettes du cellulaire et à la légalisation des constructions illégales «ainsi qu’à d’autres mesures de ce type». Il a néanmoins estimé que ces ressources «pourraient ne pas suffire». Dans ce cas, quelle serait donc la solution? lui a-t-on alors demandé. Mais M. Hoss est resté imperturbable: «La solution est entre les mains du gouvernement. Il se peut qu’il y ait encore d’autres sources. Le Cabinet doit les examiner et les proposer au Parlement», a-t-il dit. Il a toutefois conclu en estimant que «le précipice n’existe pas. Il y a toujours de l’espoir et nous souhaitons que le gouvernement parvienne à tirer le pays de ce mauvais pas». La riposte de Hariri La réaction des milieux proches de M. Hariri aux propos de M. Hoss ne s’est pas fait attendre. Dans un texte distribué à la presse, l’entourage du premier ministre s’est dit «non surpris par les déclarations» de l’ancien chef du gouvernement «dans la mesure où il n’a rien ajouté de nouveau, dans le cadre de sa critique de la politique du gouvernement, à ce qu’il avait répété au Parlement». M. Hoss «a donc abandonné son fameux slogan de «l’opposition constructive», poursuivent les proches de M. Hariri, se demandant «quels sont les projets exécutés jusqu’ici par le gouvernement qui n’étaient pas prioritaires». «L’électricité, le téléphone et certaines voies routières n’étaient-ils pas des priorités? Les projets d’infrastructure exécutés dans diverses régions du pays ne l’étaient-ils pas non plus»? Enumérant les acquis réalisés, les milieux de M. Hariri soulignent l’aide accordée aux victimes des opérations israéliennes au Liban-Sud, la réhabilitation et l’augmentation du nombre des locaux scolaires publics, l’édification de nouveaux hôpitaux dans diverses régions, et la politique de santé en général. Ces mêmes milieux se déclarent «étonnés» de la position de M. Hoss au sujet du retour des populations déplacées. «Les sommes qui ont été dépensées sur ce dossier tout au long des cinq dernières années sont-elles les marques d’un désintérêt du gouvernement à l’égard de cette affaire? L’appel à trouver de nouveaux financements pour compléter ce retour en est-il une autre marque aussi»? s’interrogent les proches du premier ministre. «Si l’opposition se voulait réellement constructive, elle aurait contribué à trouver des sources sérieuses et permanentes de financement des projets envisagés, au lieu de se complaire dans la sémantique traditionnelle et non scientifique consistant à demander au gouvernement de tester les solutions possibles et de les proposer ensuite au Parlement». Selon le texte, par cette méthode, l’opposition cherche «à provoquer l’affrontement politique que M. Hariri tente d’éviter au pays en prenant les devants et en menant des concertations constructives avec les diverses parties politiques, économiques et sociales». Le PSNS M. Hariri a en outre reçu une délégation du Parti social national syrien (PSNS-comité d’urgence), conduite par le chef de ce parti Ali Kanso et comprenant le ministre Assaad Hardane et les députés Ghassan Achkar et Ghassan Matar. A l’issue des entretiens, M. Kanso a indiqué qu’aux yeux de son parti, «tout assainissement de la situation économique dans le pays doit passer par une réforme administrative». Il a préconisé un financement des projets prioritaires hors du budget et a affirmé approuver les propositions du premier ministre concernant la majoration des tarifs du cellulaire, l’imposition d’1% sur le chiffre d’affaires, l’«étage Murr», etc. «Nous avons demandé au premier ministre d’établir une étude chiffrée sur les montants susceptibles d’être ainsi prélevés. Quant à nous, nous examinons au parti d’autres idées de nature à assurer des sources de financement supplémentaires, sans toucher les catégories pauvres», a ajouté M. Kanso. Il a par ailleurs indiqué qu’au cours d’une prochaine réunion avec M. Hariri, les responsables du PSNS comptaient aborder les relations entre ce parti et le premier ministre, qui connaissent «quelques problèmes», selon M. Kanso. Après le PSNS, le chef du gouvernement s’est concerté avec le ministre des Ressources hydrauliques et électriques Elie Hobeika. Ce dernier a estimé par la suite que la question de l’échelle des salaires dans le secteur public avait besoin d’être «réexaminée de fond en comble». Il a par ailleurs démenti toute décision d’augmenter les prix de l’essence ou de l’électricité. Enfin, M. Hariri s’est réuni avec le ministre de la Défense Mohsen Dalloul, qui a fait part ultérieurement de son scepticisme quant à l’utilité de ces concertations avec les membres du gouvernement. «Ce genre de réunions doivent avoir lieu lors de conseils ministériels où toutes les questions seraient posées. Je ne savais pas ce qu’on attendait de moi. J’avais lu dans la presse les propositions du ministre (de l’Intérieur) Michel Murr. Je les approuve, parce qu’elles sont pratiques et scientifiques», a déclaré M. Dalloul. M. Murr, qui avait été reçu mardi par le premier ministre, avait préconisé notamment de financer le retour des populations déplacées grâce aux recettes du processus de régularisation des atteintes au littoral et de l’augmentation du coefficient d’exploitation, sur la base d’un programme étalé sur cinq ans. M. Dalloul a en outre indiqué qu’il avait fait part à M. Hariri de projets concernant la région de Baalbeck-Hermel et s’est déclaré par ailleurs favorable à une généralisation des adjudications de projets par appels d’offres, les projets adjugés sur demande coûtant selon lui en moyenne 35% davantage que ceux qui le sont selon la procédure de l’appel d’offres.
Le premier ministre Rafic Hariri a poursuivi hier pour la troisième journée consécutive ses concertations tous azimuts destinées à trouver les moyens de financer les projets prioritaires du gouvernement, à savoir notamment la nouvelle échelle des salaires dans le secteur public et le retour des populations déplacées. Cette troisième série de concertations a été marquée...