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Actualités - ANALYSE

Controverse larvée sur les exigences d'Israël

Les garanties sécuritaires qu’Israël exige pour consentir à appliquer la 425 suscitent au sein même du pouvoir libanais une controverse que les dirigeants parviennent mal à camoufler et qui divise du reste l’ensemble de la classe politique locale. Un tel clivage, qui touche également l’opinion, est en soi tout à fait préjudiciable aux intérêts bien compris du pays et devrait être gommé rapidement à travers un dialogue de fond que les autorités devraient initier instamment. Le président de la République, M. Elias Hraoui, ne cesse de répéter depuis des années que pas une seule balle ne sera tirée en direction de la Galilée une fois qu’Israël se sera retiré du territoire libanais occupé. Il a redit récemment, en recevant le conseil du syndicat des rédacteurs, que l’Etat libanais «se tient aujourd’hui aux côtés d’une résistance qui, toutefois, s’arrêtera après le retrait israélien et après que l’armée aura pris en charge ses responsabilités au Sud». Le président de la Chambre, M. Nabih Berry, souligne pour sa part qu’une fois le retrait accompli, c’est la convention d’armistice de 1949 qui devra de nouveau régir les relations entre le Liban et Israël, jusqu’à la conclusion éventuelle d’un accord de paix global. Pour lui, il ne fait absolument aucun doute que, comme l’ordonne la 425, le retrait israélien doit être totalement inconditionnel. Le président du Conseil, M. Rafic Hariri, relève de son côté qu’Israël doit d’abord se retirer et qu’ensuite c’est un traité de paix global qui pourra garantir sa sécurité, ainsi que celle de tous les Etats de la région. Mais le Hezbollah, qui assure l’action de terrain et tient une bonne partie de la décision de fait entre les mains, ne s’est jamais clairement engagé que le rôle de la résistance s’éteindra après la récupération du territoire national occupé. On ne peut oublier en effet que l’idéologie khomeyniste dont ce parti s’inspire commande la poursuite de la lutte jusqu’à la libération de Jérusalem, voire jusqu’à l’élimination de l’Etat hébreu. On note ainsi qu’au cours d’un récent meeting, le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah, est allé jusqu’à lancer un véritable avertissement aux autorités locales. «Nous mettons en garde tout responsable qui songerait à avoir l’audace d’offrir des garanties à Israël, qui doit se retirer inconditionnellement, un point c’est tout», a-t-il dit. Sur place, les parties concernées ne sont donc visiblement pas sur une même longueur d’ondes. Et Israël a enfoncé le clou en lançant sa proposition piégée d’accepter la 425 à sa manière, c’est-à-dire en posant toute une série de conditions. Sans peut-être l’avouer trop haut, beaucoup de pôles d’influence sont tentés d’admettre un retrait conditionnel en y mettant les formes, pour délivrer enfin le Sud d’une trop longue souffrance qui en outre bloque le redressement économique de tout le pays. Mais les officiels, quoi qu’ils en pensent dans leur for intérieur, ne peuvent se ranger à cet avis et persistent à souligner que le retrait doit être inconditionnel, que les garanties sécuritaires ne peuvent provenir que d’un éventuel traité de paix global. La vraie raison commence à poindre quand les défenseurs de cette thèse expliquent que «l’Etat libanais ne peut en aucune façon prodiguer des garanties sécuritaires à l’Etat hébreu après son retrait du Sud comme de la Békaa-Ouest tant que le Golan reste occupé…». Pour faire bonne mesure, et pour donner une certaine logique à cet argument, ils ajoutent: « D’ailleurs tant qu’Israël ne respecte même pas ce qui a été déjà conclu, comme les accords d’Oslo, la porte reste largement ouverte à la reprise de la violence, sur tel ou tel front, et nul ne peut être en mesure, en pratique, de tenir des engagements de retenue sécuritaire». Un autre point important «est aussi, poursuivent-ils, la question des réfugiés palestiniens chez nous que les Israéliens éludent». Mais également à dire vrai, Arafat lui-même, le problème ayant été délibérément mis de côté dans les accords d’Oslo. Ce qui fait que l’implantation, unanimement rejetée par les Libanais, offre cette caractéristique rare de ressembler furieusement à un fait accompli anticipé. Or certains de ces réfugiés, aussi étonnant que cela puisse paraître, tiennent vraiment au droit du retour. Et, en désespoir de cause, ils pourraient, si on leur ferme toutes les portes, se lancer à leur tour — de nouveau — dans des opérations de guérilla à partir du territoire libanais. Un genre d’exercice que nulle force au monde, comme les Israéliens sont du reste bien placés pour le savoir, ne peut hermétiquement juguler. «Tout cela est assez vrai, reconnaissent les opposants, mais nous nous sommes mis dans notre tort, dans l’impossibilité concrète de refuser la négociation quand nous avons renoncé à laisser la 425 dissociée de la 242. Nous avons en effet trahi l’inconditionnalité à laquelle nous prétendions par deux initiatives qui se sont succédé: tout d’abord en acceptant d’engager des pourparlers bilatéraux avec Israël, dans le cadre du processus dit de Madrid; ensuite en proclamant clairement que nous ne voulons pas séparer le volet du Sud de celui du Golan qui, régi par la 242, reste matière à négociation , donc à conditions posées avant tout retrait. Nous nous retrouvons dès lors en porte-à-faux et avons l’air de ne pas savoir ce que nous voulons quand nous affirmons une chose et son contraire. Il faut être réaliste autant pour la présence palestinienne permanente — à laquelle en négociant on peut trouver des compensations — que pour obtenir la restitution du Sud et de la Békaa-Ouest. Cet objectif national est bien plus important que tous les vrais-faux principes du monde, comme la souveraineté, au sujet desquels nous ne sommes d’ailleurs pas si regardants par ailleurs…». Il reste, pour être réaliste comme le recommandent ces opposants, que ce pays est encore trop faible pour décider par lui-même. Et doit attendre, en réalité comme en réalisme, de voir ce que les Américains et les Syriens vont avoir à se dire après l’affaire de l’Irak. Au sujet du Sud comme au sujet des présidentielles. Entre autres… E.K.
Les garanties sécuritaires qu’Israël exige pour consentir à appliquer la 425 suscitent au sein même du pouvoir libanais une controverse que les dirigeants parviennent mal à camoufler et qui divise du reste l’ensemble de la classe politique locale. Un tel clivage, qui touche également l’opinion, est en soi tout à fait préjudiciable aux intérêts bien compris du pays et...