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Actualités - OPINION

Carnet de route Phonie, controphonie...

Ernst Jünger est mort, mardi dernier, à 102 ans. Cette très grande personnalité littéraire du siècle, cet artiste qui se définissait comme «anarque», héros de la guerre de 1914, officier supérieur de l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale qu’il vécut en majeure partie à Paris, cet humaniste botaniste et entomologue droit issu du 19ème siècle, après tout, qu’avons-nous à faire? Nous, Libanais, coincés entre les deux mamelles de l’arabité et de la francophonie, entre Adonis et Victor Hugo, Nabil Naoum et Fouad Gabriel Naffah, soumis aux sourdes pressions de deux mieux univers linguistiques et de leurs représentants, vraiment, qu’avons-nous à faire de l’auteur des «Falaises de Marbres», ou des «Orages d’acier», bref de l’œuvre, surabondamment traduite, pourtant, par les grandes maisons d’édition de France? Mais qu’avons-nous à faire alors de «L’homme sans qualité» de Musil, du «Guépard» de Lampedusa ou de Mrs Dalloway de Virginia Woolf (encore que ce dernier titre puisse échapper aux mailles du filet grâce à notre trilinguisme, récemment reconnu...). Faux problème? Non. On nous dira que la francophonie, même telle que conçue pour des pays de 10.452 km2 comme le nôtre, n’est pas une instance carcérale et que la littérature proprement arabe s’émancipe toujours plus de ses carcans. Reste que, pour beaucoup de Libanais, pour beaucoup d’Africains, Maghrébins ou noirs, et autres millions de partiellement ou excessivement francophones, classés comme tels depuis une petite trentaine d’années par la nébuleuse que coiffe aujourd’hui la grande agence de M. Boutros el Ghali, l’étroitesse de la culture promue (qui a peu de choses en commun avec la liberté de la culture française universelle, elle), commence à anémier ses «sujets». La colonisation, pourtant, avait produit de très grands auteurs «colonisés». C’était l’époque ou, dans l’Algérie de la guerre d’indépendance, les plus grands écrivains algériens se définissaient par des phrases polémiques. Comme «la langue française est ma patrie» contre «la langue française est mon exil». Autres temps. Autre temps d’une civilisation... Si l’on tient véritablement à la culture, il faut rire de l’affrontement, dans le monde et sur le sol de son pays, des «phonies». Qu’elles soient «anglo» ou «franco», gardons-nous de nous laisser piéger: leurs enjeux sont avant tout politiques et économiques, tout le monde le sait. Laissons les contrats se signer, ils portent sur des devises. Laissons les ambassades se faire des croche-pieds: elles représentent les intérêts de leurs gouvernements. Laissons les bourses s’octroyer, sachant qu’elles n’ont rien de philantropique. Nous, gardons-nous le droit de respirer souverainement, en quelque langue que ce soit, le monde que nous avons reçu en partage. Tout entier. C’est le moins qu’il puisse nous offrir, quand même, après tout ce qu’il nous a infligé! Amal NACCACHE P.S. Pour en savoir plus sur Jünger, lisez la presse française et européenne.
Ernst Jünger est mort, mardi dernier, à 102 ans. Cette très grande personnalité littéraire du siècle, cet artiste qui se définissait comme «anarque», héros de la guerre de 1914, officier supérieur de l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale qu’il vécut en majeure partie à Paris, cet humaniste botaniste et entomologue droit issu du 19ème siècle, après...