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Actualités - ANALYSE

Perspectives incertaines pour le processus de paix

Pour beaucoup de diplomates en poste à Beyrouth mais aussi de politiciens locaux qui s’expriment en privé, il est clair qu’en frappant Saddam Hussein les Américains chercheront à mettre au pas l’autre gêneur régional, Benjamin Netanyahu. Ce point de vue est à l’opposé de la thématique adoptée par l’ensemble arabe qui affirme qu’en se dressant de la sorte contre l’Irak les Etats-Unis font strictement le jeu du Likoud et favorisent ses vues hégémoniques. «Or, dit un diplomate, chaque fois que les USA ont été confrontés à un problème d’alignement posé par le gouvernement israélien, ils l’ont résolu en faisant parler la poudre contre des Arabes, que cela soit la Libye ou l’Irak. C’est ainsi qu’ils avaient pu forcer Begin, au nom d’un système confus d’échange de bons procédés, à signer la paix avec Sadate, puis qu’ils avaient obligé Shamir après la guerre du Golfe à se rendre à Madrid». «Il n’est donc pas exclu du tout, enchaîne cet analyste, qu’aussitôt après avoir frappé l’Irak, les Américains remettent sérieusement sur le rail les négociations de paix, tant entre Israéliens et Palestiniens qu’entre Syriens et Israéliens». Mais les loyalistes ne sont pas de cet avis et pensent même qu’une telle optique «doit ravir les Américains, car elle tend à faire croire qu’ils se soucient de se montrer impartiaux, de bien équilibrer leurs relations régionales, de ne pas soutenir Israël contre les Arabes, pour ne pas perdre les fruits que l’amitié de ces derniers leur rapporte. Washington a beaucoup besoin de préserver ses acquis, de ne pas laisser l’Europe et la Russie le concurrencer dans la région. Il a donc avantage à ce que l’on fasse croire qu’il ne veut pas punir tout le camp arabe à travers l’Irak et qu’ensuite il veillera à offrir des compensations aux Arabes sur le plan du processus de paix. Mais les faits parlent d’eux-mêmes: avant même d’en venir à menacer Saddam, les Américains avaient baissé les bras devant Netanyahu et lui avaient permis de bloquer pour de bon le processus, de faire reculer la paix, alors qu’ils avaient certainement les moyens de l’obliger à s’incliner ne serait-ce qu’en provoquant des élections anticipées en Israël, ce qui est tout à fait dans leurs cordes. Il n’y a aucune raison pour qu’après une frappe en Irak Netanyahu change de cap ni que les Etats-Unis changent leur politique de partialité. Au contraire même, peut-on prévoir, parce qu’après un tel événement l’hostilité sera encore plus vive entre Arabes et Israéliens et l’on voit mal les Américains ne pas se «solidariser» avec un Etat hébreu qui clamerait qu’il est de nouveau encerclé et menacé…» Et de rappeler que les Etats-Unis «n’ont jamais rien fait pour contraindre Israël à appliquer les résolutions de l’ONU, même quand ils en étaient eux-mêmes les auteurs comme c’est le cas pour la 425. Au contraire, et sans craindre la contradiction, Washington a toujours usé de son droit de veto en Conseil de Sécurité pour empêcher que les sanctions légales soient prises à l’encontre de son protégé, même quand il multipliait les agressions ou les massacres comme à Cana. Il n’est donc pas étonnant que le monde arabe et le monde tout court s’offusque de constater aujourd’hui que les Etats-Unis, sans aucun mandat de l’ONU, veuillent punir l’Irak pour avoir ignoré les résolutions des Nations Unies, et alors que ce pays n’a pas encore commis de Cana. On ne voit pas non plus pourquoi il n’aurait pas le droit de détenir un arsenal d’armes de destruction massive quand Israël qui en possède beaucoup n’est soumis à aucune surveillance, aucun contrôle et dispose même d’un armement nucléaire. C’est d’autant plus choquant qu’au moment même où ils menacent Saddam de leurs foudres, les Américains ne parviennent même pas à obtenir d’Israël qu’il respecte au moins la signature qu’il a apposée au bas des accords d’Oslo conclus avec les Palestiniens. Cette partialité ostentatoire, les Américains la payent déjà cher car Netanyahu renforce considérablement, aux termes d’une alliance objective implicite, le camp islamiste qui lutte à la fois contre la paix et contre l’influence U.S. dans la région. Et après une frappe contre l’Irak, il est évident que ce camp extrémiste verra ses rangs beaucoup grossir car l’opinion arabe et islamique sera très montée contre les Etats-Unis. Et il est à prévoir qu’il y aura une foule de candidats pour des opérations-suicide contre les intérêts U.S. partout dans le monde arabe et islamique, voire aux States même». E.K.
Pour beaucoup de diplomates en poste à Beyrouth mais aussi de politiciens locaux qui s’expriment en privé, il est clair qu’en frappant Saddam Hussein les Américains chercheront à mettre au pas l’autre gêneur régional, Benjamin Netanyahu. Ce point de vue est à l’opposé de la thématique adoptée par l’ensemble arabe qui affirme qu’en se dressant de la sorte contre...