Tremblements de mémoire

l A l’évidence nos rues sont devenues le conservatoire des «monuments» festifs. Aux sapins, guirlandes, étoiles, bougies rescapés de Noël s’ajoutent les croissants de lune, les dômes de minaret et les luminaires de Ramadan. Deux fêtes. Deux mois. Et les ornements sont toujours là, jonglant avec l’espace et le temps. Sommes- nous frappés de l’hémiplégie de la mémoire? Ces décors termineraient-ils leurs carrières en célébrant aussi Pâques, Adha, la naissance du Prophète? Ou seraient-ils la nouvelle solution «lumineuse» pour éclairer les quartiers de Beyrouth? * * * l Février. Un autre exercice de style déployé avec une harassante prodigalité vient étoffer les exhibitions précédentes. Dans une orgie de marchandises et de prix, affiches, pancartes, écriteaux vantent le festival du shopping et font un pied de nez au goût le plus élémentaire. Epouvantable simagrée d’un nouvel art de vivre. Même l’avenue des Français, rare fenêtre ouverte sur la grande bleue, n’a pu être soustraite au zèle sacrilège des fades panégyriques. Agression visuelle. Harcèlement. Le résultat est pour le moins cauchemardesque. * ** l Ce n’est pas tout. Un cocktail exotique servi abondamment à la Saint- Valentin a fait monter les enchères des as du cœur. Plus rouge, plus beau, plus gros... tu meurs. A croire que notre survie ne tient qu’à cette fièvre du 14 février. * ** Conséquence: une accumulation accablante d’images surréalistes qui donnent des frissons... On se contemple déjà assez dans des villes champignons pétrifiées dans leur vulgarité, dépouillées de leurs espaces verts, érigées dans un chaos absolu... Faut-il encore en rajouter? Qui remettra les pendules à l’heure? May MAKAREM