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Actualités - ANALYSE

La crise irakienne gèle la vie politique locale

Une évolution tout à fait normale: les médias locaux tous genres confondus relèguent désormais au deuxième plan les questions intérieures pour se focaliser sur les développements d’une crise irakienne qui risque de déboucher dans une douzaine de jours sur une explosion aux conséquences régionales incalculables... Dès lors, on accorde de moins en moins de place dans les nouvelles à des problèmes comme les tentatives de faire casser par le Conseil constitutionnel la loi de finances 1998, comme la redistribution des milliards prévus pour les régions, comme la réorganisation de l’audiovisuel, comme les revendications syndicales, comme la controverse autour du mariage civil ou même comme le retour des réfugiés... On ne devrait donc pas s’étonner — et plus d’un dirigeant pousserait un ouf de soulagement — si par suite d’une frappe américaine en Irak les municipales de mai étaient une fois de plus renvoyées aux calendes grecques. Tout devient en effet secondaire, voire virtuellement caduc, en regard d’un immense événement historique qui risque de prendre corps dans les prochains mois: l’entrée de la région tout entière, et même plus loin, dans une zone de si fortes turbulences qu’elles peuvent mener à sa dislocation! Car le démantèlement éventuel de la structure irakienne peut de toute évidence enclencher une réaction en chaîne interminable qui verrait se dresser les unes contre les autres les innombrables ethnies ou communautés qui se partagent une congère englobant non seulement le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord mais aussi la constellation de nouvelles républiques qui ceinturent la Russie, ainsi que l’Afghanistan, la Turquie et l’Iran. Le clou kurde — car tout commencerait par une tentative de donner enfin un Etat à ce peuple — ferait voler en éclats le panneau de contreplaqué affichant la carte continentale. Des frontières tracées en grande partie, vaille que vaille, par des coloniaux qui ont créé des entités politiques dont la fragilité séculaire se résume par un titre archi-connu, «La Question d’Orient». Appels et rappels Beaucoup de sceptiques, qui n’ont peut-être pas tort, se blindent certes contre ces perspectives d’éclatement et ricanent devant les scénarios apocalyptiques qu’elles impliquent. Mais la tension, bien réelle, est perçue, vécue actuellement par tous sans exception et les plus optimistes reconnaissent qu’une éviction brutale de Saddam sous les coups américains posera des problèmes, c’est le moins qu’on puisse dire, à tout l’environnement. Dans le meilleur des cas en effet, toutes les parties devront à la fois refaire leurs calculs — ce qui en réalité a déjà commencé — et veiller à leur stabilité interne... Dès lors, sur le plan libanais, les sages — mais sont-ils écoutés... — soulignent la nécessité de ressouder les rangs, de se serrer les coudes, d’oublier pour une fois les jeux dangereux des luttes de vanité dites d’influence, pour limiter les dégâts en cas de malheur. Car Israël, que l’on présente comme l’unique bénéficiaire potentiel du grand chambardement redouté, peut lui aussi frapper, dans la foulée des Américains. Il en a du reste déjà obtenu le feu vert pour ce qui est de l’Irak mais il ne serait pas loin de se laisser tenter, à la faveur de la pagaille, par un balayage du côté libano-syrien, surtout qu’il est déjà sur place au Sud comme dans la Békaa-Ouest ou au Golan... Pour les mêmes personnalités modérées qui tirent la sonnette d’alarme, l’heure est venue de mettre de côté tous les clivages et de réaliser l’union sacrée face aux nuages qui s’amoncellent et qui menacent ce pays, maillon faible de la chaîne, encore plus qu’un autre. Ces sources ne veulent plus entendre reparler, en un moment aussi grave, de «camp loyaliste» et d’«opposition», affirmant que le pays politique ne doit plus faire qu’un. Louable recommandation, à cette nuance près qu’elle suppose la mise sur pied d’un comité de salut public, d’un gouvernement d’union nationale effective. Or cela est hors de propos en pratique pour l’instant car le mot d’ordre des décideurs est qu’il faut maintenir le statu quo jusqu’aux présidentielles ou jusqu’à ce que la situation régionale se décante. Ce qui est d’ailleurs encore de meilleur conseil, car on peut se fier aux Libanais (autant qu’aux Arabes d’ailleurs) pour se diviser... sur les moyens de s’unir! Il y a fort à parier en effet que si d’aventure on devait renvoyer les Trente pour former un Cabinet d’union nationale, les ministrables de tous bords se déchireraient à belles dents pour décrocher un maroquin. Ainsi va la nature humaine conçue à l’orientale, pour ne pas dire à la libanaise. E.K.
Une évolution tout à fait normale: les médias locaux tous genres confondus relèguent désormais au deuxième plan les questions intérieures pour se focaliser sur les développements d’une crise irakienne qui risque de déboucher dans une douzaine de jours sur une explosion aux conséquences régionales incalculables... Dès lors, on accorde de moins en moins de place dans les...