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Actualités - REPORTAGE

Présent pour six concerts, classique et ragtime Walid Haurani, une prestigieuse synergie musicale (photo)

Walid Haurani est en tournée au Liban. Six concerts prévus au programme pour ce «virtuose au parcours parfait qui peut rendre aux sonorités toute leur sensibilité» comme l’écrit le Der Tagesspiegel de Berlin. Ce pianiste qui «a les doigts d’un maître» (Journal des Beaux-Arts, Bruxelles), et «dont on discerne dans l’exécution un charme et une sensibilité qui deviennent très rares» (Le Monde)... Quelques flashes d’une vie menée tambour battant et dans une gaieté que peu de choses semblent entamer... Du plus loin qu’il se souvienne, Haurani a de la musique plein la tête. «Mes parents me racontent que quand j’étais bébé, je me dirigeais à quatre pattes vers le poste de TSF et en tournais les boutons pour obtenir de la musique», raconte-t-il amusé. Quant au choix du piano, il a le souvenir précis d’une matinée d’automne où il accompagnait son père pour faire des courses. Il a quatre ans et entend en sortant de l’immeuble qu’ils habitaient à Ras Beyrouth des notes. «Au rez-de-chaussée, Sonia Vartabédian Aharonian donnait des leçons de piano. Ces quelques notes ont été un véritable enchantement et j’ai demandé à mon père si je pouvais m’inscrire à ces cours». A relater ces histoires, il s’anime d’un enthousiasme qui frôle la drôlerie. «Mes parents appréciaient l’art mais n’avaient aucune notion de la musique... Bien que n’ayant aucune ouïe musicale, mon père m’a toujours encouragé». Et il ajoute, mi-tendre, mi-ironique: «A peine j’avais commencé à jouer du piano qu’il criait au génie»... Khatchatourian A l’âge de treize ans, alors qu’il jouait du piano depuis neuf ans et qu’il était passé chez Zvart Sarkissian, Haurani fait la première rencontre décisive de sa vie pianistique. «Aram Khatchatourian accompagnait l’Orchestre Philharmonique du Caire en concert à Beyrouth en 1961. Le Centre culturel russe, sis à l’époque à Clemenceau, avait organisé une rencontre avec lui et nous nous y sommes rendus, mes parents et moi. J’étais grippé, mais je n’aurais raté cela pour rien au monde», raconte-t-il. «Il y avait une foule impressionnante. On a demandé à Khatchatourian de jouer, à pied levé, sa fameuse «Danse des sabres». Il s’est exécuté sur un piano qui tenait à peine sur ses jambes... Eh c’était grandiose. Mon père s’est alors approché et a demandé au maître de bien vouloir écouter une de mes compositions». Trente-sept ans plus tard, Walid Haurani s’installe au piano et exécute les quelques notes de l’allegro qu’il avait alors interprété. «J’ai joué une «Hazzouka», une suite de notes légères, sans grand intérêt» mais qui se termine par une note unique, comme suspendue dans les airs... «Eh bien, c’est cette note précisément qui a attiré l’attention de Khatchatourian. Mon père lui demande s’il y a une possibilité d’obtenir une bourse pour apprendre la musique en URSS. Le maître promet de s’en occuper...» Mais l’ambassade soviétique fait répondre quelque temps plus tard que les bourses gouvernementales ne sont octroyées qu’à l’âge de 18 ans. Cependant, les Haurani, «qui ont une foi aveugle en mes capacités», ne baissent pas facilement les bras. Ils font des demandes de bourse auprès d’autres ambassades, notamment la française. Walid Haurani garde de cette période une lettre de Walid Akl, déjà installé en France, et qui propose de l’aider s’il vient effectuer des études en France... «Les Russes ayant eu vent de ces démarches, ils nous font savoir qu’exceptionnellement, ils m’octroient une bourse d’études avant l’âge». Walid a 15 ans et le tempérament aventurier. Il part avec armes et bagages, et «sans aucune peur» affirme-t-il. Un bonheur moscovite Quand il parle de sa période moscovite, le musicien s’anime d’une nostalgie heureuse. Scolarisation, logement et argent de poche, les autorités soviétiques lui ont tout assuré pendant dix ans. «Quand je suis arrivé, on m’a donné 70 roubles par mois comme argent de poche», se souvient-il. «A la fin j’en avais quelque 150. Cet argent on me le payait même en période de vacances scolaires. Cela m’a permis de revenir tous les étés au Liban»... Quand on lui parle d’un système renfermé, d’une économie restrictive, il soutient que «le niveau de vie était modeste, mais les gens n’étaient pas pauvres pour autant. Dans la vie, tout est relatif. Pour ma part, tout m’était assuré, j’y ai passé de superbes moments». Intarissable, il poursuit: «La nourriture, la nature, la langue, les coutumes... tout est ancré au plus profond de mon être. La société russe m’a donné une véritable leçon de vie». Il intègre le fameux «Conservatoire Tchaïkovski» de Moscou, où il a comme professeur Yakov Zak mais aussi Emil Gilels, grand concertiste. De cette période, un regret: la composition. «J’avais mal interprété une critique de Khatchatourian qui me conseillait d’écrire des choses plus vives, moins classiques... J’ai alors pensé avoir raté le coche, qu’il était trop tard pour que je m’y mette et je me suis orienté vers une carrière de concertiste». Après la Russie, ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui lui ouvrent grands les bras. En Russie il a acquis de solides bases musicales, l’Amérique va lui offrir de nouveaux horizons. Ragtime Avec William Albright, il aborde le Ragtime, cette musique qui s’enracine dans le XIXe siècle. Et franchit enfin les portes de la composition. «Il me fallait du courage pour aborder une musique qui n’était pas dans le registre de ce qu’on appelle communément le classique». Et il s’emporte contre ces classifications. «Bach, Beethoven ou d’autres n’étaient pas des classiques au moment où ils ont composé. Chaque musique qui est le reflet de son temps est belle, me parle». Le choix du Ragtime s’est fait pour plusieurs raisons, la principale est «qu’on ne peut s’empêcher de sourire en écoutant ces mélodies. Cette musique est à la fois simple et syncopée. C’est un mélange de mélodie hachée et de rythme stable». Le Ragtime lui donne aussi l’envie de composer. «Lebanese Rhapsodie» est un thème folklorique libanais pour piano. «The animal Rags» est une tentative originale de reproduire les sons des animaux... Quel est son compositeur préféré? «Il n’y a pas un compositeur, mais des morceaux». Alors peut-être un interprète? «Arthur Rubinstein» dit-il, après une longue hésitation. «La musicalité chez un concertiste est le caractère le plus touchant pour moi». Pour Walid Haurani, la musique est, on l’aura compris, une passion. Outre les concerts, l’enseignement est un moyen efficace de la transmettre. Les cours particuliers, mais surtout la «master’s class». «Là, nous avons généralement des élèves d’un certain niveau déjà. Ce qui est intéressant c’est que les remarques concrètes sur comment jouer tel ou tel morceau peuvent profiter à d’autres». La musique le touche au plus profond, «elle me donne du plaisir». Il déteste le XXe siècle, «la technologie a son utilité, mais rien n’est plus agréable que de recevoir par la poste une lettre manuscrite d’un ami». Chez lui, dans le Michigan, pas de télévision mais un téléphone; une machine à écrire manuelle... et un jardin dans lequel il cultive amoureusement des aubergines naines... Aline GEMAYEL * Walid Haurani sera en concert: - dimanche 8, 19h30, Ecole de musique, Ghassan Yammine, Beit Chabab; - samedi 14, Assembly Hall; - lundi 16, 19h30, LAU, Beyrouth; - jeudi 19, 19h30, LAU, Jbeil; samedi 21, Balamand.
Walid Haurani est en tournée au Liban. Six concerts prévus au programme pour ce «virtuose au parcours parfait qui peut rendre aux sonorités toute leur sensibilité» comme l’écrit le Der Tagesspiegel de Berlin. Ce pianiste qui «a les doigts d’un maître» (Journal des Beaux-Arts, Bruxelles), et «dont on discerne dans l’exécution un charme et une sensibilité qui...