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Actualités - ANALYSE

Un problème d'égalité devant la loi...

Baabda, a-t-on compris ces deux derniers jours, est intervenu pour qu’il n’y ait plus dans l’affaire Toufayli de dérapage en regard de cette loi qui veut que tous les citoyens doivent être égaux devant la loi… On sait en effet qu’en début de semaine une savante confusion a été entretenue par des milieux (et des rumeurs) politiques autour de la question: poursuivra-t-on ou non judiciairement le cheikh en fuite? Même au moment, du reste tardif, où étaient publiés mercredi les mandats d’arrêt le concernant ainsi que 22 de ses partisans, on entendait encore répéter sur les ondes que la Justice attendait pour se prononcer «les conclusions des premières investigations» confiées à la police. Comme s’il n’y avait ni mort d’homme ni flagrant délit… Outré par ces spéculations qui laissaient entendre qu’il y avait tergiversation,ce qui aurait écœuré l’opinion, le président Elias Hraoui informait ses visiteurs que rien ne viendrait compromettre l’efficacité des mesures adoptées pour consolider la stabilité, à Baalbeck ou ailleurs, et que la loi serait désormais appliquée à tous sans discrimination.Il a répété que de son propre point de vue il est tout à fait inadmissible qu’il y ait deux poids, deux mesures pour les Libanais… Un thème connu, qui déborde largement comme on s’en doute les incidences de l’actualité, aussi mouvementée qu’elle soit, pour rejoindre le dossier politique général. Et plus précisément la plainte constante de l’Est concernant l’application tronquée, discriminatoire de Taëf… En écho, le procureur général militaire (commissaire du gouvernement auprès du Tribunal militaire, selon son titre technique officiel), M. Nasri Lahoud, a lancé un mandat d’amener contre vingt-trois suspects, Toufayli en tête, pour association de malfaiteurs, pour atteinte à l’autorité de l’Etat, pour mise en péril de la population, pour tirs sur l’armée faisant cinq victimes, dont trois militaires. Dès vendredi soir du reste, M. Lahoud avait couvert par un feu vert judiciaire la traque lancée par la Troupe dans le jurd de Brital. Cependant, pour être précis, le magistrat a usé d’une procédure apparemment assez rare qui laisse la porte ouverte à diverses interprétations de la part des néophytes en droit, catégorie dans laquelle se rangent nombre de politiciens. En effet ce n’est pas un bon gros mandat d’arrêt direct que le procureur a lancé, mais une note adressée au juge d’instruction militaire sous le titre «waraket talab» (note-demande) réclamant l’arrestation des 23 suspects… Sourdes dissonances Il reste que le pouvoir, du moins au niveau de Baabda, «rejette toute idée de complaisance, d’indulgence,de laxisme ou de pusillanimité à l’égard de ceux qui ont provoqué les affrontements de Ayn Bourday entraînant la mort de militaires et de civils. Même si l’un de ces inculpés est un homme de religion, même s’il a été secrétaire général du Hezbollah — qui du reste l’a exclu de ses rangs —, l’Etat cette fois ne fermera pas les yeux…» affirme un hraouiste. Qui oublie toutefois que seul Louis XIV pouvait dire: «l’Etat c’est moi». Autrement dit dans le système si démocratique de la troïka tout ne dépend pas de la volonté ou de la détermination de Baabda, tant s’en faut. On peut à l’occasion le déplorer, mais le fait est là: il est peu probable que les autres articulations du pouvoir soient aussi déterminées à faire poursuivre… les poursuites. Et il est presque certain que les décideurs, de leur côté, étant donné la délicate situation régionale, ne voudront pas perdre une carte ou une autre. Ainsi une source diplomatique occidentale estime que «selon toute vraisemblance, cheikh Sobhi Toufayli va rester introuvable pour un bon bout de temps, tout en faisant profil bas et en évitant de se montrer en tenant une quelconque conférence de presse «quelque part» dans le jurd. Un jour peut-être, on le ressortira de sa boîte comme un diable à ressort, ainsi qu’on l’avait fait avec Oçalan le chef kurde qui agace tant les Turcs. Il ne faut pas oublier en effet que la capture de Toufayli ferait certainement plaisir aux Américains qui eux-mêmes n’oublient pas son rôle en tant que secrétaire général du Hezbollah, parti qui reste leur bête noire depuis le milieu des années quatre-vingts et l’attentat contre le quartier général des Marines à Beyrouth. Les Français seraient également intéressés par le personnage pour les mêmes raisons, leur contingent ayant également été attaqué à l’époque». A partir de cette observation, on peut se demander si l’arrestation de Toufayli, mise à part la question des décideurs, ne serait pas encombrante pour les autorités locales dans la mesure où Washington, et peut-être Paris, seraient tentés de le réclamer pour le juger. On peut ainsi entendre des loyalistes, qui ne sont évidemment pas hraouistes, confier mezza voce que «ce qui s’est passé suffit. Après tout Toufayli est maintenant éliminé, et c’est ce qui compte.Il n’est pas question qu’il réapparaisse sur la scène locale car l’armée veille au grain». Bien qu’on lui ait donné comme directive de ne pas investir Brital alors qu’elle se trouve bien déployée à l’Est, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal. Comme quoi les deux poids, deux mesures ce n’est pas de sitôt qu’on s’en déshabituera, malgré la bonne volonté manifeste de Baabda. Et quant à l’application de la loi à tous, Toufayli compris, il sera toujours temps d’en parler. Un jour ou l’autre… Ph. A-A.
Baabda, a-t-on compris ces deux derniers jours, est intervenu pour qu’il n’y ait plus dans l’affaire Toufayli de dérapage en regard de cette loi qui veut que tous les citoyens doivent être égaux devant la loi… On sait en effet qu’en début de semaine une savante confusion a été entretenue par des milieux (et des rumeurs) politiques autour de la question: poursuivra-t-on...