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Actualités - REPORTAGE

Le gouvernement malmené au premier jour du débat budgétaire Les députés sceptiques quant à la possibilité de réduire le déficit (photos)

Des 16 députés qui ont pris la parole hier à l’ouverture du débat budgétaire, 15 ont exprimé des doutes quant à la capacité du gouvernement à ramener le taux budgétaire à un taux acceptable et ont considéré que le projet de budget 1998 ne donne pas les chiffres réels des dépenses et de l’Etat. Nombreux sont ceux qui ont aussi rejeté le projet d’emprunt de deux milliards de livres en vue d’une restructuration de la dette publique et jugé indispensable que le cabinet Hariri modifie sa politique financière et fiscale. Les deux premières séances du débat budgétaire n’étaient pas houleuses mais dures. Dures pour un gouvernement qui a dû subir huit heures durant le ras-le-bol parlementaire après cinq ans d’une politique officielle que l’opposition parlementaire juge préjudiciable pour le Liban. Même les députés considérés pourtant comme étant loyalistes n’ont pas ménagé le gouvernement, représenté par son chef, M. Rafic Hariri, qui a assisté à l’ouverture du débat et s’est contenté par la suite de faire quelques apparitions dans l’Hémicycle. Les plus sévères à l’égard de l’Exécutif ont été Mme Nayla Moawad et MM. Sélim Hoss, Issam Farès, Ammar Moussaoui et Zaher el-Khatib. Mme Moawad et M. Khatib ont rejeté le texte, jugé anticonstitutionnel par le député de l’Iqlim el-Kharroub qui a brandi la menace d’un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel. A l’ouverture de la séance, une minute de silence est observée à la mémoire de l’ancien député Habib Keyrouz, puis le ministre d’Etat aux Finances, M. Fouad Siniora, présente un résumé de l’exposé des motifs du projet de budget, expliquant aux parlementaires la politique suivie par le gouvernement dans les domaines économique, financier et fiscal. Selon lui, cette politique transparaît dans le projet de Budget. Mais les députés ne sont pas du même avis. Ceux qui ont pris la parole hier sont unanimes à affirmer ne pas croire aux promesses formulées par le cabinet Hariri. Et pour étayer leurs propos, ils prennent les mêmes arguments développés par M. Siniora. Qu’est-ce que le ministre a dit au juste? que le gouvernement «poursuit la politique de redressement et de développement de l’économie nationale engagée depuis 1992» et que la responsabilité de lutter contre le déficit budgétaire — qui a atteint la barre des 60% — doit être «partagée entre le gouvernement, le Parlement et le peuple». Il présente le budget en le qualifiant d’«austère» et en jugeant qu’il est «plus réaliste» que les précédents, puis il expose brièvement le tableau des dépenses prévues et des mesures envisagées pour améliorer les recettes en insistant sur leur importance, ainsi que sur l’engagement de l’Etat à réduire au minimum ses dépenses. M. Siniora souligne également la détermination du gouvernement à concrétiser le plan de réforme administrative, financière et fiscale mis au point en novembre par les trois pôles du Pouvoir, en mettant particulièrement l’accent sur la dynamisation du rôle des divers départements chargés de la perception des taxes et des impôts. Dans le même temps, il expose les avantages, pour le Liban, d’une conversion d’une partie de la dette interne en dette externe: «Réduire progressivement le coût de la dette publique, prolonger les délais de remboursement, permettre au secteur privé d’avoir une plus grande part des ressources financières disponibles pour renforcer son rôle, multiplier ses placements et créer de nouvelles opportunités de travail devant les Libanais». Le rapport de la commission parlementaire des Finances et du Budget est presque un démenti de ce que le gouvernement affirme au sujet du développement. C’est le président de la commission, M. Khalil Hraoui, qui donne lecture du rapport. Il accuse expressément le Cabinet d’avoir fait fi des mises en garde répétées des députés au sujet de sa politique qui a «exacerbé le marasme économique, provoqué un déséquilibre financier, aggravé le déficit budgétaire, miné la confiance dans la stabilité monétaire et entraîné la hausse des intérêts versés» sur la livre et sur les bons du Trésor. M. Hraoui parle de «mauvaise appréciation» et de «mauvaise gestion», avant d’énumérer une série de projets entrepris par le gouvernement et responsables à ses yeux de la dégradation de l’économie et des finances libanaises. «C’est ainsi que la dette publique brute est passée à 21,962 milliards de livres, soit l’équivalent du PNB. Quant au déficit budgétaire, il a atteint en 1997 la proportion de 59%, soit 23% du PNB. Les recettes ne dépassent pas les 3.700 milliards de livres et là je ne peux que poser la question suivante: comment le ministère des Finances a-t-il pu porter les rentrées du Trésor de 2.850 milliards de livres à la mi-octobre à 3.700 milliards à la fin de l’année?». Réforme générale M. Hraoui expose dans le détail comment et sur quelles bases la commission a décidé de réagir en réalisant que le projet de budget était loin de refléter une politique d’austérité et en prenant connaissance des moyens escomptés par l’Exécutif pour améliorer les recettes de l’Etat. «Le projet de budget présenté à la Chambre ne s’inscrivait pas dans le cadre d’un programme de réforme financière, économique et administrative», déclare-t-il expliquant qu’en décidant d’envoyer des formulaires à remplir à toutes les administrations, la commission a voulu permettre au Parlement de savoir ce qui se passe au sein de chaque département, «afin de déterminer les centres de gaspillage, la dilapidation de fonds ne se limitant pas aux dépenses sur des projets de développement, mais s’étendant à l’administration en général et concernant aussi bien sa structure que son action». Précisant que la commission n’a pas eu le temps d’approfondir l’examen des réponses aux formulaires distribuées «parce que le temps pressait et que les départements étatiques n’ont pas réagi promptement», M. Hraoui a indiqué que ces formulaires vont servir à l’avenir de base pour l’examen de chaque projet de budget et le contrôle de l’évolution de l’action administrative. M. Hraoui reprend les mêmes points développés par M. Siniora en vue d’un assainissement des finances publiques ajoutant toutefois que le ministère en charge de la réforme administrative et le Conseil de la fonction publique doivent se dépêcher dans la révision de la structure administrative et que le ministère de la Justice doit revoir les lois régissant l’action des organes de contrôle en vue d’élargir leurs prérogatives. Il met aussi l’accent sur la nécessité que le ministère des Finances «ait le courage de réviser radicalement le système fiscal» et s’assure de l’utilité de chaque dépense «même si elle est prévue dans le budget, ce qui lui permettra par la suite de mieux apprécier les besoins de chaque département et de préparer de meilleurs projets de budgets». Il note aussi que les travaux de développement doivent absolument cesser d’être adjugés sur «une base clientéliste et discrétionnaire» et préconise une réévaluation du rendement de certains établissements publics productifs «dont les recettes doivent contribuer à renflouer le Trésor». Le rapport de la commission est dur à l’égard du gouvernement. Les propos de certains députés le sont encore plus, notamment ceux que Mme Nayla Moawad a tenus et que le président Berry a suivis avec grand intérêt hochant la tête de temps en temps en signe d’acquiescement. Les allocutions prononcées au premier jour du débat budgétaire se caractérisent pour la plupart par leur aspect technique. Il y a eu bien sûr des débordements, des envolées lyriques et des discours sans aucun rapport avec le sujet du jour. Pour être encore plus précis, seuls Mme Moawad et MM. Sélim Hoss, Issam Farès et Ammar Moussaoui dissèquent le projet de budget. L’ancien chef du gouvernement opte toutefois pour une lecture générale de la politique gouvernementale en fonction du projet de budget présenté. Encouragement de Hoss Neuf députés prennent la parole lors de la séance matinale. Il s’agit en plus de Mme Moawad et de MM. Hoss, Farès et Moussaoui, des députés Wajih Baarini, Ibrahim Bayan, Sami Khatib, Gebran Tok et Talal Merhébi. Premier à prendre la parole, M. Hoss est pratiquement le seul à louer «la nouvelle tendance du gouvernement à vouloir rationaliser les dépenses». Mais les louanges s’arrêteront sur ce point. Car M. Hoss estime que le déficit budgétaire réel de 1997 peut être supérieur à 59% — taux avoué par le ministère des Finances — en raison d’échéances financières qui n’auraient pas été prises en compte par l’Exécutif au moment du calcul du déficit, selon lui. Il cite notamment les arriérés dus aux hôpitaux, aux entrepreneurs... Tout en exprimant l’espoir que le gouvernement réussira à ramener le déficit à 37,7%, M. Hoss s’interroge sur le point de savoir s’il «pourra aller au cours de cette année dans un sens contraire à celui qu’il avait pris l’habitude de suivre au cours des années précédentes». Il relève dans ce cadre des contradictions dans les prévisions du gouvernement. Le député de Beyrouth note que l’exposé des motifs du projet de budget fait état d’une réduction progressive des taux d’intérêt servis sur les bons du Trésor au cours des deux dernières années, mais fait remarquer dans le même temps qu’au cours des deux derniers mois, la BDL avait vendu de son portefeuille des bons du Trésor bonifiés, autres que ceux qui sont vendus chaque semaine par le ministère des Finances. M. Hoss rappelle que la croissance économique a chuté de 8% en 1992 à 3% en 1997 et que la dette publique (14,35 milliards de livres) correspond au PNB. Il met en garde contre l’emprunt de bons du Trésor américains (la formule zéro coupons), estimant contrairement à ce que l’Exécutif avance que le Liban devra payer des taux d’intérêt élevés sur cette nouvelle dette. C’est Mme Moawad qui calculera un peu plus tard exactement l’intérêt qui sera servi sur cette dette et qu’elle estime à 17,50% au moins. Les deux députés s’interrogent sur la capacité du gouvernement à contracter un prêt pour 30 ans, non sans avoir auparavant précisé que les taux d’intérêt varient suivant l’échéance de la dette et affirment rejeter ce procédé. Ils critiquent vivement aussi le recours du gouvernement aux taxes indirectes qui touchent l’ensemble de la population, toutes couches sociales confondues, dans les mêmes proportions. Ces quatre points seront pratiquement repris par les 16 députés qui ont attaqué le projet de budget. M. Hoss demande à connaître le montant précis des réserves propres de la Banque du Liban qui sont inclues dans les avoirs extérieurs de la BDL. Il critique en même temps les propos de M. Hariri selon lesquels tout va très bien dans le pays ainsi que les responsables qui niaient l’existence de tout gaspillage avant de constater qu’ils ont tous fini par tenir un langage complètement différent et admettre la nécessité d’une réforme administrative et financière. «Mais la réforme administrative commande la présence d’un réformateur modèle. Où est donc ce réformateur? Où est ce modèle»? s’est-il interrogé rappelant la tentative ratée du gouvernement d’amorcer une refonte de l’administration. Le double des dépenses Son collègue Issam Farès rappelle qu’en 1997 le montant des recettes (3.753 milliards de livres) était deux fois inférieur à celui des dépenses (9.155 milliards) et que le gouvernement avait emprunté au cours de la même année 5.660 milliards de LL, «soit 34% de l’ensemble de la dette publique qui était de 16.266 milliards de LL au début de l’année et qui s’est chiffrée à 21.926 milliards de livres à la fin de la même année». M. Ammar Moussaoui soulèvera le même point et demandera au gouvernement d’expliquer les raisons pour lesquelles ses dépenses avaient doublé l’année dernière. Reprenant les arguments développés régulièrement par l’Exécutif pour justifier ses dépenses et son recours à l’emprunt, M. Farès estime que le gouvernement n’a pas réussi à justifier le déficit budgétaire. Il attire l’attention sur le fait que le montant du budget de cette année est supérieur à celui de l’année dernière. «Où voit-on donc l’austérité?» s’interroge-t-il avant de souligner la nécessité que les budgets détaillés des différents établissements publics et caisses soient présentés au Parlement. Le député du Akkar, mais aussi son collègue Zaher el-Khatib (qui commentera le projet de budget durant la séance nocturne de la Chambre) rejette l’article 6 du projet de budget qui autorise le gouvernement à émettre des bons du Trésor en livres, suivant les besoins du Trésor. Le député de l’Iqlim devait renchérir en qualifiant cet article d’anticonstitutionnel et en accusant le gouvernement de pratiquer ainsi «la contrebande». MM. Ibrahim Bayan et Ammar Moussaoui donneront des exemples précis sur la dilapidation des fonds publics. Le premier raconte que dans plusieurs villages libanais, des écoles ne comptent pas plus que 20 élèves dans la totalité des classes. Le deuxième déclare que la direction du port vient de recruter 200 fonctionnaires, «en rappelant que le gouvernement s’était engagé dans le cadre de sa nouvelle politique d’austérité à suspendre les recrutements» et en indiquant que le ministère des Transports avait affirmé tout ignorer de cette affaire. Le chef du Législatif a l’air surpris. Diatribe de Nayla Moawad Mme Nayla Moawad tire à boulets rouges sur le ministère du Pétrole dont elle dénonce l’action. «Nous avons appris récemment que le ministère a vendu à l’étranger une quantité de mazout pour 7 dollars la tonne sous prétexte qu’il s’agit de résidus de la raffinerie de Zahrani. Quelle n’a été notre surprise d’apprendre par la suite que le mazout ainsi cédé était de premier choix et devait être normalement vendu à 100 dollars la tonne», dit-elle avant d’ajouter. «Et vous voulez avec cela faire assumer au peuple le poids du déficit budgétaire?». Le verbe précis et ponctuel, Mme Moawad ne ménage pas le cabinet Hariri. Elle commence par souligner qu’elle avait hésité à prendre la parole et qu’elle avait fini par décider d’ «élever haut la voix à cause de l’insistance du gouvernement à assurer que «son programme économique a été un succès sur plusieurs plans)». Elle s’en prend vivement à M. Siniora qu’elle accuse de faire preuve de démagogie lorsqu’elle commente ses propos au sujet de la réduction du déficit budgétaire, de la dette publique et de l’engagement du gouvernement à ne pas recourir aux avances du Trésor. Mme Moawad affirme que depuis 1992, aucune des prévisions du ministre ne s’est réalisée. «La transparence fait toujours défaut dès qu’il s’agit d’étudier la loi de Finances», constate-t-elle avant d’accuser le gouvernement de «gonfler les recettes prévues» et d’«omettre de mentionner des dépenses nécessaires». Après avoir brossé un sombre tableau de la situation socio-économique, elle relève que le déficit budgétaire s’est élevé de 6% par rapport au PNB en 1993 à presque 20% en 1997 et que dans le même temps, la dette publique qui correspondait à la moitié du PNB en 1993 était supérieure l’année dernière au Produit national brut. Elle constate aussi que les recettes de l’Etat ne sont pas suffisantes pour financer le service de la dette publique avant de faire remarquer que «dorénavant, toute dépense importante devra s’accompagner d’un nouvel emprunt». Le député observe également que la dilapidation des fonds publics «a atteint des proportions sans précédent au sein de l’administration». Le président de la Chambre la regarde amusé, mais il perdra son sourire lorsqu’elle rappelle qu’il avait lui-même avoué que la troïka du pouvoir «servait de couverture au gaspillage et à la corruption». L’air grave, il écoute avec grand intérêt son commentaire du projet de budget et de la politique du gouvernement. Lorsqu’à un moment donné des députés se mettent à bavarder, il les interrompt tout de suite «Ecoutez-donc. Ce sont des paroles d’homme». Ce qui aurait pu irriter plus d’une féministe. Un instrument politique Mme Moawad s’insurge contre les projets «démesurés» du gouvernement en donnant l’exemple de l’AIB ou de la «distribution troïkiste d’immenses ports tout le long du littoral». Elle estime que ce genre de projets présente un fardeau pour l’économie libanaise. Poursuivant sur sa lancée, elle accuse le gouvernement d’avoir «fait du dossier monétaire un instrument politique pour redorer son image et assurer son maintien au pouvoir». Pour elle, le projet de budget sous étude est «une consécration de la politique suivie par le gouvernement depuis 1992». Le député de Zghorta exprime des doutes quant à une éventuelle concrétisation du plan de redressement: «Le gaspillage et les transactions ne prendront fin qu’aux dépens de la «troïka» du Pouvoir, ce qui est hors de question, parce que la «troïka» ne peut pas s’auto-détruire ». Mme Moawad se dit persuadée que le programme de réforme administrative, fiscale et financière «n’est qu’une manœuvre pour faire passer le projet d’emprunt de deux milliards de livres sous prétexte d’une restructuration de la dette publique». Elle explique, en effectuant un calcul arithmétique, qu’en réalité le Liban devra payer un taux d’intérêt supérieur à 17% pour le service de cette nouvelle dette alors qu’il ne paie qu’un intérêt de 16% sur la dette interne. Selon M. Siniora, cet intérêt ne dépasserait pas les 10%. Elle affirme aussi redouter que la tendance à l’endettement en vue d’une restructuration de la dette interne ne se poursuive au cours des prochaines années. En vue d’une solution de la crise financière, Mme Moawad réclame, entre autres, la formation d’un gouvernement d’entente nationale «qui sera constitué de personnes compétentes et honnêtes». Elle implore presque le chef du gouvernement qui était déjà sorti et n’avait donc pas pu l’écouter «de revenir à lui et de prendre conscience de ce qu’il est devenu dans l’esprit des gens». «J’aurai bien voulu demander que la question de confiance soit posée dans le Cabinet mais je sais qu’une telle démarche ne fera que le renflouer. Je me contenterai donc de voter contre le budget», conclut-elle. Mme Moawad semble avoir tout dit et en entendant la suite des allocutions, on avait l’impression que les députés ne faisaient qu’exprimer ses idées dans une formule différente. Profiter de l’or M. Gebran Tok s’exprime au nom de son bloc parlementaire du Liban-Nord. A l’instar de son collègue Sami el-Khatib, il critique le fait que le plan de redressement a été établi par les trois pôles du Pouvoir au lieu qu’il ne soit élaboré dans le cadre des institutions. Il invite le gouvernement à mettre à profit les atouts du Liban pour relancer son économie et souligne la nécessité d’un plan précis quinquennal ou décennal pour réduire sensiblement le déficit budgétaire. M. Tok sera le seul à considérer que le Liban devrait profiter de ses réserves en or pour développer son économie. La séance est levée à 15h30. Elle reprendra à 19h et c’est M. Robert Ghanem qui prend la parole en premier. Il se félicite des réalisations du gouvernement mais n’oublie pas d’évoquer les lacunes qu’il dit avoir relevées dans son action, reprochant notamment à l’Exécutif de n’avoir pas fondé son plan de développement sur une étude scientifique. Après s’être prononcé contre les taxes, la politique d’endettement et les dépenses sur des projets non productifs, il fait remarquer que la situation économique et financière du pays commande un budget «extraordinaire». M. Ghanem juge aussi que le gouvernement devrait revoir «le projet sur base duquel il avait élaboré son plan de développement». MM. Ali el-Khalil et Nazih Mansour reprennent en gros les thèmes développés dans la journée. Contrairement à ses collègues, le député Farid Makari met l’accent sur la nécessité que la rationalisation des dépenses ne soit pas réalisée au détriment du processus de développement et de reconstruction. Réaliste, il estime que le débat autour des chiffres des dépenses et des recettes du budget ne débouchera pas sur une modification radicale du texte approuvé en commission. Khatib: Un projet anticonstitutionnel M. Zaher el-Khatib donne le ton en s’insurgeant contre l’absence du chef du gouvernement au débat budgétaire. Il s’attaque ensuite à M. Hariri, l’accusant de porter atteinte par ses déclarations au Parlement et à l’opposition. C’est l’ensemble des décisions controversées du gouvernement que M. Khatib critique en insistant particulièrement sur la politique d’endettement. Il accuse M. Hariri de «manœuvrer hypocritement et sournoisement pour faire croire au peuple que le gouvernement sera capable de ramener le déficit budgétaire à 37,5%». M. Khatib analyse ensuite les chiffres du budget 98 pour tenter de montrer qu’il sera «impossible» de ramener le déficit au seuil fixé par le cabinet. Les chiffres qu’il présente sont alarmistes. Le député de l’Iqlim poursuit en considérant que le projet de budget est anticonstitutionnel parce qu’il ne prévoit pas de fonds pour le développement équilibré des régions. Il ironise dans le même temps sur les promesses formulées à ce sujet par le chef du gouvernement au cours des iftars à Koraytem. L’article 6 autorisant le cabinet à émettre des bons du Trésor en fonction de la situation budgétaire est tout aussi anticonstitutionnel, estime M. Khatib. Le député de l’Iqlim considère que cette clause soustrait le gouvernement au contrôle du Parlement en lui permettant d’émettre à sa guise des bons du Trésor. M. Khatib accuse aussi l’Exécutif de violer les lois en incluant au projet de budget des articles en rapport avec sa politique d’endettement. Par ailleurs, il reproche vivement de faire assumer au Parlement la responsabilité de trouver des sources de financement pour le retour des déplacés, soulignant que cette question est du ressort de l’Exécutif. M. Khaled Daher, député du Liban-Nord, présente trois propositions susceptibles selon lui d’améliorer les recettes du Trésor, ce qui permettrait de supprimer l’annexe numéro 9 qu’il qualifie d’«injuste». Le gouvernement devrait remettre en service la raffinerie de Zahrani en adoptant le principe du BOT. La capacité de ces installations est, selon lui, de 150 mille barils/jour, soit 75% des besoins du marché local. Cela ferait rentrer dans les caisses de l’Etat environ 250 millions de dollars. La remise en service de la raffinerie de Zahrani pourrait aussi faire économiser 160 millions de dollars dans la facture de fuel- oil qui s’élève à 600 millions de dollars par an. Autre proposition de M. Daher, l’adoption de l’impôt progressif «puisque la politique fiscale du gouvernement n’a pas réussi, en cinq ans, à attirer les investissements». Le député islamiste propose enfin une augmentation de 100% de la licence d’importation ainsi que l’imposition d’une taxe de 1% sur le chiffre d’affaires. Cela drainerait au Trésor 200 milliards de livres par an. En conclusion, M. Daher exprime ses «réserves» vis-à-vis du projet de budget. L’allocution de M. Abraham Dédéyan, comme celle du député Wajih Baarini, porte sur tout ce qu’on peut imaginer sauf sur la question du jour, le projet de budget. Il affirme son soutien à la résistance au Liban-Sud, son soutien à la présence militaire syrienne au Liban, son refus absolu d’une séparation des volets libanais et syrien des négociations de paix et condamne l’alliance militaire israélo-turque. M. Emile Naufal monte ensuite à la tribune. Pendant dix minutes, il critique sévèrement le bilan du gouvernement depuis le vote de confiance il y a presque un an. Le député de Jbeil dénonce le côté «improvisé» dans la politique de l’Exécutif et souligne que la plupart des promesses formulées dans la déclaration ministérielle n’ont pas été réglées, comme par exemple la question des déplacés, le développement de l’agriculture, la création d’emplois... M. Naufal dénonce ensuite le fait que la région de Jbeil soit tellement négligée par le pouvoir. «Est-il concevable que Jbeil soit exclue du plan de développement du patrimoine archéologique limité à Tyr, à Anjar et à Baalbeck», ajoute-t-il. M. Naufal conclut son allocution en affirmant qu’à la lumière du bilan, il ne peut pas accorder sa confiance au gouvernement sans préciser s’il allait voter en faveur ou contre le projet de loi de finances. La séance est levée peu avant 23h. Elle reprendra ce soir à 19h. Tilda ABOU-RIZK
Des 16 députés qui ont pris la parole hier à l’ouverture du débat budgétaire, 15 ont exprimé des doutes quant à la capacité du gouvernement à ramener le taux budgétaire à un taux acceptable et ont considéré que le projet de budget 1998 ne donne pas les chiffres réels des dépenses et de l’Etat. Nombreux sont ceux qui ont aussi rejeté le projet d’emprunt de deux...