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Actualités - ANALYSE

Processus régional : des perspectives encore indécises...

Madeleine Albright est formelle: 1998 sera une année décisive pour le processus de normalisation au Moyen-Orient. Le secrétaire d’Etat U.S. entend certainement par là que l’on va dans les prochains mois marquer des progrès déterminants sur cette voie enchantée. Mais l’année paraît bien mal partie, Netanyahu s’obstinant dans une action résolument négativiste bien plus proche de la déclaration de guerre que d’une proclamation de paix. Alors tout va peut-être se jouer au cours des entretiens séparés que le président Clinton doit avoir avec Netanyahu et avec Arafat qu’il a convoqués à Washington pour le 20 et le 22 janvier. Globalement, on peut en attendre trois issues: soit une mise au pas du chef du gouvernement israélien conduisant à une reprise positive des pourparlers; soit une rupture brutale pouvant mener à une nouvelle guerre dans la région; soit un vague arrangement ponctuel qui serait synonyme d’atermoiements et de maintien d’un statu quo de pourrissement… A Beyrouth, des avis variés sont exprimés par les cercles politiques et diplomatiques concernés. Un opposant modéré de premier plan estime que «la Maison-Blanche va certainement obtenir le déblocage du volet israélo-palestinien et faire avancer les choses ne serait-ce que sur ce plan-là. C’est en effet la dernière année où l’Administration démocrate peut exercer des pressions efficaces car ensuite elle se trouvera monopolisée par les prochaines présidentielles américaines et deviendra alors elle-même perméable à l’influence des lobbies. A ce niveau, le président Clinton qui jouit actuellement du soutien des juifs d’Amérique peut s’en servir pour amener Netanyahu à composition et le contraindre à appliquer à la lettre les accords d’Oslo. Faute de quoi, le chef du Likoud, déjà en position ministérielle délicate comme on sait, risquerait de chuter, des élections anticipées ramenant au pouvoir les travaillistes qui sont bien plus pacifistes». «On reproche en général aux démocrates américains, poursuit cette personnalité, leur manque de fermeté. C’est sans doute vrai et il est peu probable que face à un Nixon ou à un Reagan Netanyahu eût osé se montrer aussi provocateur. Mais cette faiblesse «congénitale», les démocrates la compensent parfois par une patiente obstination qui se révèle payante. Ainsi, Carter avait obtenu dans le temps les accords de Camp David en décidant de superviser en personne des pourparlers-marathons directs qui ne prendraient fin qu’avec une signature de traité. Il est possible que Clinton, sur le conseil du chef de l’Etat israélien Weizman, recoure au même procédé et s’implique totalement pour décrocher la timbale. Son prestige en sortirait énormément grandi et cet homme, encore jeune, pourrait aspirer à se représenter aux présidentielles en 2004 — il aurait alors 58 ans à peine — après l’intervalle obligatoire de quatre ans que la Constitution U.S. prévoit». La 425 et Taëf Sur le plan libanais, cette figure de proue de l’opposition modérée souligne que «les Américains affirment ne pas comprendre pourquoi les pourparlers bilatéraux du Maryland ne reprennent pas, car ils ne voient pas, disent-ils, ce qui empêche le dégraissage d’un contentieux qui est certainement le plus simple dans la région puisqu’il n’a rien de territorial et se limite à une question de sécurité frontalière. C’est leur façon à eux de suggérer une dissociation des volets libanais et syrien, mais aussi d’insinuer qu’Israël n’a pas tort de considérer qu’il y a un problème de sécurité à sa frontière avec le Liban. Les Américains continuent donc d’oublier la 425, dont ils sont pourtant les auteurs!» Abondant dans le même sens, le président Hussein Husseini rappelle que les Américains sont aussi les coparrains des accords interlibanais de Taëf qui stipulent, entre autres, que «l’Etat libanais devra rétablir son autorité jusqu’aux frontières internationalement reconnues, ce qui implique les dispositions suivantes: A. Une action diligentée pour faire appliquer la résolution 425 et les autres textes du Conseil de sécurité des Nations Unies ordonnant la cessation totale de l’occupation israélienne. B. L’attachement à la convention d’armistice signée le 23 mars 1949. C. L’adoption de toute mesure requise pour libérer la totalité des terres libanaises occupées par Israël afin que l’Etat libanais étende sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national et puisse déployer son armée dans la zone des frontières libanaises internationalement reconnues. De même, la présence de la FINUL sera soutenue pour assurer le retrait israélien comme pour aider à rétablir la sécurité et la stabilité dans cette zone frontalière». Pour M. Husseini, comme pour le Liban officiel, il n’y a donc rien à négocier et il s’agit tout simplement d’appliquer la 425. Avec l’aide diplomatique, sans doute, des pays arabes, de la France et de l’U.E., étant donné qu’en pratique il peut être question d’un règlement global impliquant le déploiement d’une force-tampon multinationale qui s’étendrait du Golan au Liban-Sud, en passant par la Békaa-Ouest… Scepticisme Cependant, toujours à Beyrouth, une autre personnalité politique de premier plan se montre bien plus sceptique à l’égard du processus régional. «Il y a peu de chances, prédit-elle, que Clinton fasse plier Netanyahu qui est prisonnier des faucons de sa coalition. Tout ce qu’il peut en obtenir c’est quelques réajustements minimes à la carte de redéploiement israélien en Cisjordanie et quelques concessions tout à fait secondaires aux Palestiniens du côté de leur autonomie administrative dans ce territoire. On peut même prévoir que Clinton, pour que tout ne se casse pas entre ses doigts, entreprendra de convaincre Arafat d’accepter ce que Netanyahu aura proposé! D’autant que ce dernier a déjà fait savoir qu’il compte bombarder la Maison-Blanche de «revendications» et de «doléances», ce qui est une manière d’avaler les Américains au déjeuner avant qu’ils ne le croquent au dîner, comme dit l’adage de chez nous… Netanyahu a ainsi préparé une longue liste dans laquelle il exige que les Palestiniens continuent le chambardement de leur Charte nationale pour cesser de réclamer un Etat bien à eux, ce qui serait énorme… Il s’apprête aussi à évoquer le «terrorisme», pour faire vibrer une fibre à laquelle les Etats-Unis sont particulièrement sensibles et il veut, sous prétexte de «coordination sécuritaire», participer en pratique au contrôle policier de Gaza-Jéricho dont l’autonomie s’apparenterait dès lors à une pure fiction». Et de répéter que, «même s’il en avait envie, Netanyahu ne peut pas vraiment céder aux pressions U.S. car nombre de ses ministres démissionneraient en bloc, son Cabinet volerait en éclats et c’en serait pratiquement fini de sa carrière politique, voire de son parti. Tout prête à croire que le chef du gouvernement israélien va persister et signer. Il est presque impossible dans ces conditions que le processus de paix fasse des progrès cette année». Sauf, et pourquoi exclure cette éventualité, si le Likoud sautait… E.K.
Madeleine Albright est formelle: 1998 sera une année décisive pour le processus de normalisation au Moyen-Orient. Le secrétaire d’Etat U.S. entend certainement par là que l’on va dans les prochains mois marquer des progrès déterminants sur cette voie enchantée. Mais l’année paraît bien mal partie, Netanyahu s’obstinant dans une action résolument négativiste bien plus...