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Actualités - CHRONOLOGIE

Tollé après la décision du gouvernement d'interdire les émissions politiques par satellite La bataille de l'audiovisuel pourrait être relancée (photo)

Réuni au palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat Elias Hraoui, le Conseil des ministres a finalement avalisé la mesure préconisée par le chef du gouvernement, à savoir la suppression de la licence octroyée en décembre 1996 à la LBC et à la Future Television pour émettre des programmes politiques et des bulletins télévisés par satellite en direction de l’étranger. Cette décision a aussitôt provoqué une levée de boucliers dans les milieux parlementaires ainsi que dans les rangs du syndicat des rédacteurs et des responsables des médias audiovisuels privés. Du coup, c’est tout le problème de la réorganisation du secteur de l’audiovisuel qui paraît être remis sur le tapis. Une commission ministérielle de dix membres a d’ailleurs été formée hier par le gouvernement afin de plancher sur ce dossier qui est au centre d’une vive polémique sur la scène locale (Voir page 2 l’ensemble de nos informations). Le premier ministre aura pesé de tout son poids dans la balance afin d’atteindre son objectif. Tôt dans la matinée d’hier, il s’est rendu, vers 8 heures, au palais de Baabda afin de gagner le chef de l’Etat à son point de vue et obtenir que le Conseil des ministres se tienne non pas à Sanayeh — comme c’était prévu initialement — mais au palais de Baabda. Ce transfert du lieu de la séance du cabinet avait pour but d’assurer «une couverture maronite à la suspension des programmes politiques par satellite» en direction de l’étranger, comme l’a souligné sans ambages, hier, le ministre Sleiman Frangié lors du Conseil des ministres. Cette couverture chrétienne semblait nécessaire dans la mesure où la LBC est la principale chaîne concernée par la décision du gouvernement, puisque M. Hariri peut compenser la suspension de la licence satellitaire octroyée à la Future (dont il est le propriétaire) en usant de son influence bien établie au niveau de Télé-Liban (seule habilitée, désormais, à émettre des bulletins d’information par satellite). Sur le plan financier (plus précisément en ce qui concerne les recettes publicitaires), la décision prise hier en Conseil des ministres porte, en outre, préjudice à la LBC beaucoup plus qu’à la Future. Parallèlement à ses efforts visant à assurer la couverture du palais de Baabda, M. Hariri a multiplié au cours des dernières quarante-huit heures les contacts avec le chef du Législatif Nabih Berry ainsi qu’avec certains ministres réticents, dont notamment M. Frangié (l’un des actionnaires de la LBC). A l’évidence, le chef du gouvernement cherchait à éviter un éventuel débat houleux lors de la séance du cabinet, hier. Cet objectif a semble-t-il été atteint puisque l’approbation de la mesure préconisée par M. Hariri a été relativement aisée, d’autant que la décision prise à ce propos n’a pas été soumise au vote. Seuls deux ministres, MM. Nicolas Fattouche et Béchara Merhej, ont exprimé, explicitement, de sérieuses réserves, soulignant que l’interdiction des programmes politiques par satellite ne manquerait pas de relancer les accusations d’atteintes aux libertés formulées contre le gouvernement. Cet argument a également été soulevé par le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz qui, sans aller jusqu’à s’opposer à la décision, a souligné que le Liban ne devrait pas être absent des émissions politiques satellitaires. M. Boueiz s’est interrogé à ce sujet sur la possibilité qu’a réellement Télé-Liban de combler le vide si la LBC et la Future ne sont plus en mesure d’émettre des bulletins télévisés et des programmes politisés en direction de l’étranger. Le représentant du PSP au sein du gouvernement, M. Akram Chéhayeb, a abondé dans le même sens et s’est demandé si Télé-Liban «appartient à tous les Libanais». Soulignant la nécessité de réactiver le Conseil supérieur de l’audiovisuel, M. Chéhayeb a déploré «les erreurs commises» récemment, dont notamment, a-t-il précisé, l’interdiction de l’interview en direct du général Michel Aoun que devait diffuser la MTV en décembre dernier. Quant à M. Frangié, il a préconisé que la diffusion par satellite des bulletins télévisés soit autorisée mais que les programmes politiques (toujours diffusés par satellite) soient soumis à la censure préalable. Cette proposition n’a toutefois pas été retenue, le président Hraoui arguant du fait que le Conseil d’Etat avait déjà considéré comme illégale — suite à un recours de la LBC — une précédente décision du gouvernement d’imposer une censure préalable. C’est donc sans grande peine que le Conseil des ministres a donné son accord à la mesure préconisée par le chef du gouvernement. Et comme pour accorder un «lot de consolation» aux Libanais, le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh a souligné hier, à l’issue de la séance du cabinet, qu’aucune restriction ou contrainte ne sera imposée désormais aux interviews télévisées faites en direct avec les leaders et pôles de l’opposition. «Même une interview avec le général Aoun ne sera pas soumise à des conditions ou des contraintes», a précisé M. Sabeh. C’est pourtant à la suite de l’interdiction de l’émission télévisée en direct avec le général Aoun, en décembre, que le dossier de l’audiovisuel avait été remis sur le tapis, suscitant un vif débat dans le pays. Le talk-show de la LBC, dimanche dernier, avec M. Najah Wakim a été en quelque sorte la goutte qui a fait déborder le vase. Après avoir souligné que cet entretien en direct avec le député frondeur de Beyrouth devait être soumis à la censure préalable avant d’être retransmis par satellite, les responsables avaient fait marche arrière sur ce plan, à la suite de la campagne de protestation des milieux de l’opposition. Comment expliquer ainsi cette série de revirements de la part du gouvernement? Pourquoi avoir interdit à la dernière minute l’interview du général Aoun, en décembre? Pourquoi avoir autorisé l’émission avec M. Wakim pour ensuite prétexter de cette même émission pour justifier la suspension des programmes politiques par satellite? Ce cafouillage est-il dû à un manque total de prévoyance de la part de l’Exécutif? Certains observateurs estiment à ce propos que les responsables ont peut-être sciemment manœuvré pour faire monter la tension en ce qui concerne ce dossier pour faire mûrir la décision de suspension des bulletins télévisés et des émissions politisées destinées à l’étranger. L’argumentation de Hariri Dans les milieux proches du chef du gouvernement, on souligne que M. Hariri s’est obstiné à atteindre son objectif sur ce plan parce qu’il considéré que les campagnes virulentes et acerbes menées par l’opposition contre son gouvernement et contre la corruption et la dilapidation des fonds publics ont un impact négatif au niveau des investisseurs étrangers. «Ces derniers finissaient par être dissuadés d’effectuer des placements et des investissements au Liban», affirment les milieux de Koraytem. Cet argument a été soulevé par le président Hraoui lors du Conseil des ministres d’hier. «Tous ceux qui, à l’étranger, écoutent ce qui ce dit (au Liban) finissent par croire que la situation est catastrophique dans le pays», a notamment souligné le président Hraoui qui a ajouté que «certains investisseurs nous demandent pourquoi ils viendraient au Liban après tout ce qu’ils entendent» à propos de la conjoncture sur la scène locale. Au cours de l’iftar qu’il a donné hier soir à sa résidence de Koraytem, M. Hariri a repris, une nouvelle fois, cette argumentation, dénonçant «les effets néfastes» de la campagne menée par l’opposition. «Nous ne permettrons à personne d’exploiter les moyens d’information ainsi que la liberté d’expression afin de donner l’impression que le pays est sur la pente raide, a notamment souligné le premier ministre devant ses hôtes. «Nous ne permettrons pas que les libertés et la démocratie soient exploitées afin de donner l’impression aux Libanais, et plus particulièrement à ceux qui vivent à l’étranger, qu’il est inutile qu’ils retournent au Liban et qu’ils effectuent des investissements dans le pays». Une telle argumentation est rejetée en bloc par les milieux de l’opposition parlementaire qui soulignent que c’est le cafouillage, le manque de prévoyance, la politique improvisée, les multiples atteintes aux libertés publiques et les pratiques antidémocratiques du gouvernement qui sont susceptibles de pousser les investisseurs à perdre confiance dans le pays. Le député du Metn-Nord, M. Nassib Lahoud, a souligné hier, à titre d’exemple, que la décision du Conseil des ministres d’interdire les bulletins télévisés et les programmes politiques par satellite destinés à l’étranger ne peut que «nuire aux relations entre le Liban et ses émigrés». «Cette décision, a déclaré M. Lahoud, porte atteinte à l’image du Liban à l’étranger. Elle vise à transmettre un seul et unique point de vue local aux Libanais résidant à l’étranger, alors que le Liban doit transmettre la diversité des opinions» exprimées dans le pays. Cette perte de crédibilité du gouvernement a également été déplorée par le député de Batroun, M. Boutros Harb, qui souligne que «l’improvisation est le mot d’ordre des agissements des responsables». «Quand le gouvernement a accordé des licences à certains médias, s’est interrogé M. Harb, pourquoi n’a-t-il pas réfléchi au danger que ces médias pourraient constituer? Pourquoi le gouvernement retire-t-il des licences qu’il a lui-même accordées»? Le débat risque d’être particulièrement fiévreux sur ce plan au cours des prochains jours. Le dossier de l’audiovisuel pourrait être rouvert au cours de la prochaine étape, notamment sous l’angle de l’octroi de nouvelles licences à d’autres chaînes que celles qui sont actuellement opérationnelles. Telle est, notamment, la position de M. Berry qui réclame, en outre, que les pôles du pouvoir se retirent du secteur de l’audiovisuel et mettent fin au «partage du gâteau» convenu entre eux sur ce plan. Quant aux responsables des médias audiovisuels privés, ils soulignent que cet épisode des programmes politiques par satellite devrait être mis à profit afin d’élaborer enfin, une fois pour toutes, une législation claire et sans équivoque susceptible de régir le fonctionnement des médias audiovisuels privés. Ce point de vue a été clairement exposé hier soir par le PDG et le directeur général de la LBC, M. Pierre Daher, qui a reproché à ce sujet au gouvernement d’avoir sciemment maintenu l’équivoque, par le biais d’une législation floue et nébuleuse, au niveau de la réorganisation de l’audiovisuel. «C’est le gouvernement qui n’a pas appliqué les lois en vigueur sur ce plan, a déclaré M. Daher. Tout ce que nous demandons, c’est l’élaboration d’une législation claire qui fixe et détermine sans équivoque les limites de notre action». Cette requête sera présentée d’ici la fin de la semaine par les dirigeants des médias audiovisuels aux trois pôles du pouvoir. Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement est réellement disposé, comme il l’affirme, à respecter et à préserver la liberté d’expression et d’opinion dans le pays. Michel TOUMA M. T.
Réuni au palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat Elias Hraoui, le Conseil des ministres a finalement avalisé la mesure préconisée par le chef du gouvernement, à savoir la suppression de la licence octroyée en décembre 1996 à la LBC et à la Future Television pour émettre des programmes politiques et des bulletins télévisés par satellite en direction de...