L’horrifiant, c’est qu’en dépit de tout ce gâchis, les seigneurs qui gouvernent et administrent, emprisonnent et libèrent, continuent à s’exhiber et à palabrer, parfois même sermonner ou menacer, oubliant que de leur fait des hommes souffrent, et que tout un peuple est aux abois.
Faut-il se révolter, ou tout au moins contester? Jusque-là, rien que de vaines criailleries.
La sagesse exige, sans doute, de se taire; peut-être même de s’ébahir devant leurs craques, se courber devant leurs esbroufes; et pourquoi pas, de les remercier.
Un délicieux dialogue tiré d’un ouvrage du grand écrivain tchèque, Milan Kundera qui a connu les affres du joug soviétique dans son pays, fait dire à un des personnages ceci:
«Suppose que tu rencontres un fou qui affirme qu’il est un poisson et que nous sommes tous des poissons. Vas-tu te disputer avec lui? Vas-tu te déshabiller devant lui pour lui montrer que tu n’as pas de nageoires? Vas-tu lui dire en face ce que tu penses?»
«... Si tu ne lui disais que la vérité, que ce que tu penses vraiment de lui, ça voudrait dire que tu consens à avoir une discussion sérieuse avec un fou et que tu es toi-même fou.
C’est exactement la même chose avec le monde qui nous entoure. Si tu t’obstinais à lui dire la vérité en face, ça voudrait dire que tu le prends au sérieux. Et prendre au sérieux quelque chose d’aussi peu sérieux, c’est perdre soi-même tout son sérieux. Moi, je dois mentir pour ne pas prendre au sérieux des fous et ne pas devenir moi-même fou».
Mais devant l’intenable, et à côté des prêches demeurés des cris dans le désert, l’Ordre des avocats, dont la vocation première est la défense des droits, a décidé, lui, de dire la vérité en face, en toute indépendance et liberté, avec audace et responsabilité.
Son action a permis à notre jeunesse, bouclier de la nation, d’élever la voix.
* * *
Encore faut-il que ceux à qui incombent la responsabilité de protéger les citoyens et sanctionner l’arbitraire veuillent bien écouter. Qu’ils veuillent admettre que la décence et l’humilité sont les vertus des grands. Qu’ils songent à l’heure de la retraite en regardant du côté de leurs aînés, reclus méprisés, ou exemples admirés, selon ce qu’ils ont fait de leurs fonctions.
Sinon, comme le prévoit le personnage de Kundera, nous finirons tous par être des fous.
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