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Actualités - ANALYSE

Municipales : un enjeu que les parties prenants continuent à politiser...

Le principe des nominations est tombé. Une poignée de loyalistes, des hraouistes pour tout dire, continue à le regretter, bien que le chef de l’Etat ait pour sa part choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils affirment que le pays se retrouve sans garantie d’équilibre en ce qui concerne la représentation paritaire de toutes ses composantes communautaires.

Le sujet reste donc politique. Assez étonnamment au fond car la gestion d’une municipalité, quelles que soient les appartenances confessionnelles ou partisanes, obéit à des règles comme à des critères purement fonctionnels et qui n’ont rien d’idéologique au sens large du terme. C’est d’ailleurs ce point que les haririens soulignent aujourd’hui — pour une fois avec pertinence —, en répétant que les Libanais chercheront dans le domaine des municipales à choisir les édiles les plus aptes à promouvoir le développement comme le bien-être des cités plutôt que ceux qui ont des ambitions de pouvoir.

Il n’empêche qu’on entend plusieurs personnalités marteler des thèmes politiques divers, comme cet ancien ministre qui presse les autorités, présidents, ministres et parlementaires confondus «de ne pas oublier qu’il leur appartient de préserver les impératifs de l’entente nationale à travers un dosage bien étudié des listes de candidats qu’ils composeront pour les municipales. Il faudra, poursuit-il, que les pôles d’influence fassent attention à ne pas léser les droits de représentation de toutes les communautés au titre non seulement des grands principes généraux comme la coexistence interactive mais aussi d’une saine cohabitation dans les localités. Là, les gens doivent pouvoir se mélanger sans sourde animosité, sans ressentiment rentré les uns envers les autres pour des iniquités dont ne serait responsable que la caste politique. Si tout le monde ne met pas la main à la pâte de bon cœur il ne sera pas possible d’accomplir un sain développement des villes comme des agglomérations à vocation rurale. Il ne sera même pas possible en fait d’empêcher les avanies et la progression du sous-développement car dans ce domaine qui n’avance pas recule. Les Libanais doivent faire front s’ils veulent rejoindre les normes techniques qui assurent l’amélioration de la qualité de vie par l’aménagement du territoire et la gestion municipale. La densité démographique étant aussi forte que galopante, il faut comprendre que l’on court tout droit aux concentrations massives, notamment dans les banlieues ce qui risque de provoquer, si on ne s’organise pas, une multitude de problèmes très durs voire d’implosions en chaîne comme on le voit dans nombre de pays dont certains se disent pourtant «évolués». La première règle étant la solidarité nationale socio-économique bien comprise, elle doit se traduire au Liban, répète cet ancien ministre, par un consensus communautaire sur le partage des responsabilités municipales et «développementales».

Finances

«Il est également nécessaire, ajoute cette personnalité, de bien canaliser ressources et perception des diverses taxes, pour financer les projets départementaux et municipaux. Or cette collecte de fonds ne peut que connaître des ratés si une partie des Libanais s’estime lésée et si des conflits confessionnalisés ou partisans devaient diviser les populations urbaines. De telles frictions pourraient paralyser en fait nombre de conseils municipaux confrontés à un refus de paiement des taxes contre lequel il leur serait difficile de lutter s’il prenait un caractère, assez légitime, de rétorsion contre une évidente discrimination».
Pour cet ancien ministre, «si l’on veut parer au danger des divisions de nature confessionnelle, qui reste très réel car les clivages ont été exacerbés par le présent système, il faut organiser une vaste campagne d’éveil et mobiliser à cet effet l’ensemble de la caste politique ainsi que des médias. Ceci pour faire comprendre aux Libanais la nécessité de faire représenter les minorités au sein des conseils municipaux dans toute agglomération confessionnellement panachée. Chaque leader, chaque parti, chaque dignitaire religieux, chaque «zaïm» local doit inciter les électeurs à ne pas panacher les listes… panachées, c’est-à-dire à ne pas remplacer systématiquement les candidats qui n’appartiennent pas à leur communauté par des coreligionnaires. Etant entendu que les listes rivales relevant du pouvoir, de l’opposition ou indépendantes doivent être bâties sur le même modèle de base avec un même nombre de représentants des minorités. Dans un village où il y a par exemple deux habitants chrétiens sur douze, il faudra qu’il y ait deux conseillers municipaux chrétiens contre dix musulmans quelle que soit la liste élue, et ainsi de suite».
Mais cet effort de nivellation tacite est-il possible en pratique? Difficilement, car le temps manque pour lancer la campagne d’éveil dont parle l’ancien ministre; en outre les pôles d’influence, qui ne se soucient en général que de leurs intérêts politiques propres, ne vont certainement pas jouer les bons apôtres comme le leur demande cette personnalité.

Une première

Toujours est-il que c’est la première fois que le Liban aura à expérimenter des élections municipales sans dosage confessionnel imposé au départ. Cela va constituer un test pour le sens civique des Libanais. Et surtout pour leur sens de l’intérêt collectif bien compris qui commande qu’on choisisse les meilleurs gestionnaires potentiels, indépendamment de toute considération politique ou confessionnelle. Et peu importe alors si les quotas ou les équilibres comme on dit sont respectés. On peut même estimer en quelque sorte que l’entente nationale peut être ainsi mieux que jamais. C’est d’ailleurs dans cette direction que le nouveau pacte national dit de Taëf, resté lettre morte sur ce point, recommande fortement d’aller. Il y a d’ailleurs fort à gager qu’en cas de choix objectif de la part des électeurs, on se retrouverait avec une répartition équilibrée des sièges sur le plan national entre musulmans et chrétiens. Mais si les pulsions restent fanatisées, il est certain qu’il y aurait une forte disparité aggravant sans aucun doute le clivage intérieur et le malaise qui en découle depuis l’avènement de l’actuelle république. Toujours est-il que Bkerké pour sa part, en rejetant avec fermeté le principe des désignations pourtant censé dans l’esprit de Baabda rendre justice aux chrétiens, montre qu’il fait confiance aux Libanais, tout en réaffirmant de manière concrète son attachement aux principes démocratiques de base.
Dans les faits, maintenant que l’on s’est entendu pour mettre de côté l’enclave occupée par les Israéliens, la première épreuve sera d’établir la liste exacte des villages «exodés» de la montagne où, la réconciliation n’ayant pas encore eu lieu, il ne pourra pas y avoir d’élections municipales.
L’autre risque à terme serait que les partis, courants ou leaders qui se sentent forts «at home» dans les régions sous leur influence, ne cherchent à imposer aux populations des gens bien à eux qui ne seraient pas forcément compétents, comme cela s’est généralement passé aux législatives. Car le clientélisme ainsi pratiqué n’est qu’une face, à tout prendre, de cette corruption politisée qui ronge l’Etat libanais et qui s’étendrait dès lors de l’Administration publique aux municipalités, avec les mêmes effets désastreux de gabegie, de gaspillage, de magouilles et de projets foireux.

E.K.
Le principe des nominations est tombé. Une poignée de loyalistes, des hraouistes pour tout dire, continue à le regretter, bien que le chef de l’Etat ait pour sa part choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils affirment que le pays se retrouve sans garantie d’équilibre en ce qui concerne la représentation paritaire de toutes ses composantes communautaires.Le sujet...