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Actualités - CHRONOLOGIE

Au Garden Tower Antelias Récital de poésie arménienne en arabe La puissance du verbe de Tcharentz (photo)

«Venu — c’est un chant de fer que je dis
Moi — poète rouge yéghiché Tcharentz
Naïrien, je suis ce poète immense
Venu parmi vous des brumes des siècles
Fades et lointaines
Des brumes sans fond des siècles sans nombre
Venu parmi vous et m’enracinant
Disant aujourd’hui un chant pour vous tous
Un chant fait de fer!»
C’est par cette poésie qui coule telle une lave incandescente qu’un public sélect a fait connaissance avec le verbe chargé de révolte, de cris, de désespoir, de fureur et d’une beauté sombre du poète arménien Tcharentz mort dans les purges staliniennes.
L’originalité de ce récital c’est que pour la première fois, un poète du pays du mont Ararat est déclamé en… arabe! Richesse sonore étrange, séduisante, captivante grâce à la présence de Rifaat Tarabay et surtout de Julia Kassar qui a donné émotion et intensité à ce flot de vocables aux images retentissantes. Mention spéciale doit être attribuée à cette excellente traduction en arabe de Boghos Serajian qui a su garder à cette expression toute sa subtilité, son caractère révolté et révolutionnaire, et surtout sa force initiale.
Né à Kars où il fit ses études, installé à Moscou où l’idéal «engagé» le séduit, Tcharentz est de ces poètes terribles tel un Maïakovski dont la beauté du verbe a des échos où le politique ne laisse guère de rémission. Son premier recueil publié en 1913 «Trois chants pour une fille triste et pâle» retient l’attention du public et de la critique. Poète de la démesure et dont l’inspiration, quoique diverse, fut surtout nationale, Tcharentz assiste au carnage du génocide de 1915 et en témoigne par des poèmes à la violence inouïe. Ce soir-là, par le biais de ces textes choisis, agrémentés de quelques interludes musicaux de Komitas (interprétés en un duo flûte-piano par Chouching et Tamar Talian), le verbe de Tcharentz avait un double lyrisme. Aux accents chargés du tragique du pays de Naïri se sont ajoutées les sonorités arabes gutturales où dominent l’incandescence du soleil et la fureur des tempêtes de sable. La tendresse pour une mère, la nostalgie pour une patrie aimée, les larmes pour ceux qui ratent une vie et ne reviennent plus, l’amertume des jours où l’espoir s’amenuise, les ailes du désir qu’on ne domine plus, les meurtrissures des séparations injustes qu’impose la vie, le malheur qui frappe telle un nuée de sauterelles qui stridulent, les nuits longues avec la certitude d’un destin obscur, c’est tout cela la voix blessée de Tcharentz... Mais aussi des bribes de soleil dans l’eau où l’âme n’est plus prisonnière et palpite entre azur et éternité. Comme le cœur d’une grenade éclatée, les mots de Tcharentz ont livré au public la vision d’un rêve brûlé et brûlant d’amour... Mais malgré tous les déboires et les souffrances, Tcharentz est de ces poètes pour qui le mot est source de vie. D’ailleurs, par déférence et comme une note d’orgue à ce récital, le dernier mot lui revient de plein droit:
«A chaque instant tout naît et s’accroît dans la vie.
A chaque instant tout meurt, disparaît dans la vie.
Mais ce qui naît, naît en luttant,
Mais ce qui meurt, meurt en luttant.
Ainsi se forge l’avenir à chaque instant, dans la vie».

Edgar DAVIDIAN
«Venu — c’est un chant de fer que je dis Moi — poète rouge yéghiché TcharentzNaïrien, je suis ce poète immenseVenu parmi vous des brumes des sièclesFades et lointainesDes brumes sans fond des siècles sans nombreVenu parmi vous et m’enracinantDisant aujourd’hui un chant pour vous tousUn chant fait de fer!»C’est par cette poésie qui coule telle une lave...