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Actualités - ANALYSE

La discrimination, mot-clé du système en place

Si l’opération-matraque de dimanche soir secteur Achrafyé a suscité tant de grogne c’est parce qu’elle consacre — d’une manière tellement frappante… — la loi non dite mais très réelle des deux poids deux mesures qui fait depuis Taëf tout le charme de la présente république…
Une discrimination à double caractère, régional et communautaire.
Elément qui met mal à l’aise, en réalité, tous les hommes de bonne foi, à quel camp qu’ils appartiennent. Ainsi on a vu plus d’un fervent taëfiste, plus d’un loyaliste convaincu s’indigner dimanche soir tout à la fois que l’on empêche un sit-in ou une manifestation pacifique à coups de matraque ou d’arrestations et que l’on interdise à un leader libanais de s’exprimer à la télévision. En termes plus ou moins habiles, beaucoup de responsables — dont nombre de ministres mahométans — tout en évoquant certaines «circonstances atténuantes» qui plaideraient en faveur de l’interdiction dans l’absolu de tout mouvement de foule, avouent ne pas comprendre comment on permet à Toufayli — et même bien pire — ce qu’on interdit aux aounistes.
«De plus, dit un député, nous nous perdons dans les déclarations et dans les comportements contradictoires du pouvoir: il y a quelques jours à peine le président Hariri et M. Sabeh, après avoir fait la morale aux chaînes de télévision en ce qui concerne les violences et le sexe, répétaient que par contre ils sacralisaient la liberté d’expression politique sur ces mêmes médias. Ensuite pourquoi interdire à M. Aoun ce que l’on a permis à M. Gemayel qui défend les mêmes idées… Ou encore comment, entre-temps, passe-t-on sous silence les véritables appels à la violence sectaire que certains protégés, dont des parlementaires ou même des ministres, lancent de temps à autre… On voit de plus les instances officielles se disputer entre elles et le Conseil national de l’audiovisuel contester à l’Intérieur ou à l’Information le droit d’interdire des émissions. Tout cela est assez incohérent et lie les règles du jeu, dont le respect des libertés publiques, à des sautes d’humeur qui les rendent inexistantes. C’est donc le règne de l’arbitraire et cela fait bien plus peur que la répression codifiée. Si on veut renoncer à la façade démocratique que ce pays se donne, qu’on nous le dise et qu’on nous renvoie à nos pénates…»
«Quand on veut censurer, rappelle cette personnalité, ce que l’on commence par interdire en bonne logique, ce sont les émissions en direct. L’Etat peut à la rigueur exiger le différer pour pouvoir couper tout ou partie d’une interview ou d’une déclaration. Il ne peut pas interdire quelque chose qui n’a pas encore été dit car c’est agir sur présomption et faire un procès d’intention à quelqu’un, ce qui est tout aussi immoral qu’illégal»
«De toute façon, note pour sa part un politicien bien plus blasé, ce que Aoun pouvait dire ne pouvait que causer du souci aux prosyriens zélés. Soit il allait se lancer dans de nouvelles attaques virulentes contre Damas; soit effectuant un de ces virages à 180 degrés dont il est un spécialiste reconnu, il allait faire des avances calculées aux décideurs, pour postuler à tout hasard la présidence… Dans les deux cas les responsables n’y auraient pas trouvé leur compte, surtout que contrairement à Gemayel dont l’audience est réduite, Aoun garde toujours une assise populaire bien à lui…»
Mais même ce réaliste pense que «le pouvoir a été maladroit: il fait étalage de muscle à l’Est et de faiblesse au Sud, dans la Békaa ou même au Nord. L’accumulation des bévues va finir par lui causer des ennuis, probablement là où il s’y attend le moins. C’est-à-dire que les gesticulations à Achrafyé par un effet normal de vases communicants ne font que renforcer tous ceux qui ailleurs rognent l’autorité de l’Etat: s’il se montre plus fort avec les vaincus il sera d’autant plus faible avec les vainqueurs»
Une équation séduisante a priori mais qui oublie qu’une pression discriminatoire trop forte peut toujours faire sauter le couvercle de la marmite, comme on l’a vu entre autres exemples en Afrique du Sud ou dans les territoires occupés. Personne, nulle part, n’a vu un apartheid réussir.
«Et, déplore un loyaliste modéré, les incidences comme celles de dimanche ou comme les arrestations arbitraires d’il y a deux ans ne font que souder et renforcer les aounistes qui peuvent dès lors compter sur le soutien des jeunes de l’Est toutes tendances confondues»

Ph.A-A.
Si l’opération-matraque de dimanche soir secteur Achrafyé a suscité tant de grogne c’est parce qu’elle consacre — d’une manière tellement frappante… — la loi non dite mais très réelle des deux poids deux mesures qui fait depuis Taëf tout le charme de la présente république…Une discrimination à double caractère, régional et communautaire.Elément qui met mal...