Rencontre historique entre l'Imam d'Al-Azhar et le grand Rabbin d'Israël

L’imam d’Al-Azhar, cheikh Mohammad Sayed Tantaoui, a annoncé qu’il avait rencontré hier au Caire pour la première fois le grand rabbin d’Israël, M. Israël Lau.
«Oui, je l’ai rencontré», a répondu le cheikh, interrogé sur cette rencontre, annoncée auparavant par un porte-parole d’Al-Azhar. Il s’est néanmoins refusé à toute précision sur la teneur de la rencontre avec M. Lau, qui est le grand rabbin d’Israël de rite ashkénaze. La mosquée-université d’Al-Azhar est la principale institution de l’islam sunnite.
Selon le porte-parole d’Al-Azhar, «il s’agit d’une rencontre privée au bureau du cheikh». M. Lau était arrivé dans la matinée au Caire à l’invitation du président égyptien Hosni Moubarak, qu’il a également rencontré, et devait repartir dans la soirée.
La radio israélienne avait affirmé en octobre qu’un «prochain» sommet se tiendrait entre le pape Jean-Paul II, l’autre grand rabbin d’Israël Eliahau Bakshi-Doron (représentant les juifs séfarades) et le cheikh Tantaoui.
Selon la radio, le pape et le grand rabbin auraient déjà donné leur accord, n’attendant plus qu’une réponse du cheikh Tantaoui. Le Vatican s’était refusé à tout commentaire.
M. Lau avait auparavant déclaré à la presse vouloir utiliser la religion comme «un pont vers la paix», à l’issue d’une rencontre d’une heure et demie avec le président égyptien Hosni Moubarak au palais d’Al-Ittihadiya.
La «religion peut devenir la plus dangereuse des armes créées par l’homme, nous l’avons vu dans l’histoire et le voyons à présent», a-t-il dit. «Mais lorsque nous faisons de la religion, comme je le fais, un pont vers la paix, c’est le plus solide et le meilleur des ponts».

Un gentil monsieur

«Après Louxor, nous sommes dans le même camp pour condamner le terrorisme», a-t-il ajouté, en allusion à l’attentat commis le 17 novembre par des intégristes musulmans qui avait fait 68 morts dont 58 touristes.
«Il ne faut pas utiliser des paroles du genre Allah Akbar (Allah est le plus Grand) lorsque vous assassinez un innocent», a-t-il souligné.
Le grand rabbin a indiqué avoir «promis au président Moubarak qu’il n’entendra jamais un Israélien dans une synagogue prôner la terreur ou parler de jeter des gens à la mer, détruire un pays, une famille ou même une âme humaine».
«Je peux dire, de la part des dignitaires religieux, que nous voulons la paix», a ajouté M. Lau. Il n’a pas voulu confirmer avoir remis un message du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à M. Moubarak, comme l’avait annoncé son porte-parole à Jérusalem.
Mais il a souligné avoir été convoqué dimanche par le secrétaire du gouvernement Danny Naveh par le biais duquel M. Netanyahu lui «a juste demandé de dire (au président égyptien) qu’il désire profondément et très fortement encourager les bonnes et chaleureuses relations entre lui et le président Moubarak».
«Le président m’a dit: je le connais, c’est un gentil monsieur», a-t-il poursuivi.
Le grand rabbin a risqué un compliment malheureux vis-à-vis de M. Moubarak en le comparant à un «pharaon», surnom que lui attribuent les islamistes armés.
Il a raconté aux journalistes qu’un correspondant du journal américain New York Times avait comparé son entrevue avec M. Moubarak avec «la rencontre historique entre Moïse et le roi (pharaon) d’Egypte il y a 3.300 ans».
Modestement il a souligné qu’il «ne peut être comparé à Moïse» mais a estimé que «M. Moubarak est comme le roi d’Egypte, ceci est vrai».
«Mais au lieu de lui demander de laisser partir mon peuple, je lui ai dit que nos peuples vivent dans l’amitié et la fraternité», a ajouté M. Lau. Le pharaon d’Egypte — sans doute Ramsès II — qui a persécuté les disciples de Moïse et les a chassés du pays dans l’antiquité est maudit par les musulmans comme par les juifs. (AFP)