Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Douze oui aux nominations contre douze non Municipales : impasse en commissions, mais des propositions d'amendement sont en gestation (photos)

M. Elie Skaff n’aurait pas pu mieux dire: «Bien qu’ayant mis tout son poids dans la balance, la «troïka» du Pouvoir n’a pas réussi à faire passer en commissions le projet de loi sur les municipales. Ce qui démontre bien que quelque chose ne va pas». Match nul donc entre les partisans de la nomination du tiers des membres de plusieurs conseils municipaux et les détracteurs de ce projet antidémocratique. Douze députés ont voté pour les nominations et douze autres contre durant la réunion conjointe des commissions parlementaires de l’Administration et de la Justice et des Affaires rurales et municipales: Un résultat dans lequel l’opposition a vu une victoire pendant que le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, accusait les députés d’ «atermoyer» pour obtenir le report des élections. Il ne fait pas de doute, toutefois, que l’opposition a remporté une victoire morale en barrant la route, même si c’est seulement en commissions, devant un texte en contradiction avec le droit des Libanais à choisir librement leurs représentants locaux.
Premier résultat de cette victoire: deux propositions d’amendement de l’article relatif aux nominations que des députés loyalistes et opposants ont l’intention de présenter probablement lundi. En cas d’égalité de voix dans le vote d’un texte, les commissions sont supposées laisser au Parlement le soin de trancher, mais contre toute attente, le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, qui a présidé la réunion a annoncé que les résultats du vote doivent être examinés avec le chef du Parlement, M. Nabih Berry, pour voir «ce qui doit être légalement fait».
Cette décision d’analyser «la signification» du résultat du vote n’a pas manqué d’étonner, d’autant que les votes en commissions ne sont nullement contraignants pour le Parlement. Le règlement intérieur de la Chambre ne prévoit rien dans le cas d’une égalité de voix durant le vote en commissions puisque les décisions sont prises par l’Assemblée. Décontenançant, le recours aux consultations l’était pour nombre de députés qui lui ont apporté des explications diverses et contradictoires. Même M. Ferzli est resté dans le vague: «La présidence est soucieuse d’entreprendre une étude légale des résultats du vote et décidera en fonction. Nous devons tenir compte du côté légal. En l’absence de textes relatifs à ce genre de situation nous nous fonderons sur la jurisprudence». Constitutionnaliste de renom, M. Hassan Rifaï met l’accent sur le point selon lequel le résultat des votes en commissions n’est pas contraignant pour la Chambre précisant que les commissions parlementaires ont un rôle consultatif, et qu’une de leurs missions principales est de faciliter devant l’Assemblée l’examen des textes de loi qui lui sont soumis, chacune suivant sa compétence. M. Rifaï souligne que le vote à égalité ne peut pas être considéré aujourd’hui comme un précédent de nature à mettre la Chambre dans une impasse, ajoutant que les archives de la Chambre abondent d’exemples du même genre. Il affirme qu’un article controversé peut faire l’objet d’un deuxième vote en commissions mais pas durant une séance plénière, notant que rien n’empêche un député, convaincu d’avoir commis une erreur, en votant pour un texte déterminé en commissions, de rectifier le tir durant une réunion parlementaire. M. Rifaï ne le dit pas, mais son exposé sur les pratiques du Pouvoir laisse entendre que la façon d’agir à la Chambre relève de l’amateurisme. M. Hassan Rifaï n’a pas manqué de critiquer ce style de gouvernement qui est pour lui «le pire que le Liban ait connu». Selon lui, le Parlement devrait être doté d’une commission consultative juridico-légale qui trancherait ce genre de questions.
Quoi qu’il en soit, comment expliquer l’insistance de M. Ferzli pour une analyse des résultats du vote? De sources parlementaires, on précise que le vice-président de la Chambre a été pris de court par la réaction des députés durant la réunion. Les opposants aux nominations ont tout de suite clamé qu’une égalité des voix signifie que le texte n’est pas passé, ce qui a suscité de vives protestations du clan adverse. C’est cette divergence de vues qui a poussé M. Ferzli à proposer l’analyse, selon les mêmes sources qui précisent que le chef du Législatif veut que le texte soit transmis tel qu’il a été voté par les deux commissions à la Chambre.

Un possible amendement

A la lumière de cette analyse, à laquelle le Conseil d’Etat et des conseillers en matière constitutionnelle doivent être associés, selon M. Ferzli, il sera décidé s’il faut se contenter de laisser à la Chambre le soin de trancher, a indiqué le vice-président de la Chambre qui n’a pas voulu en dire davantage. Selon des sources parlementaires, cette analyse ne servira que de paravent à une série de contacts tous azimuts qui seront entrepris avec les députés qui ont dit «non» et avec ceux qui adopteront la même position durant la réunion plénière, prévue en principe pour jeudi, afin de les convaincre de mettre de l’eau dans leur vin. S’ils espèrent pouvoir atteindre leur but, c’est parce que ces médiateurs se proposent de présenter de nouvelles formules au texte controversé. De mêmes sources, on apprend que le président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, M. Chaker Abou Sleiman, compte proposer la suppression des nominations dans les centres d’estivage, à l’exception des localités importantes du caza de Aley (Aley, Sofar, Bhamdoun et Souk el-Gharb) qui seront toutefois classées parmi les villages aux populations déplacées. M. Abou Sleiman pourrait suggérer la réduction du nombre de ces villages pour maintenir les désignations seulement dans les localités mixtes de la montagne, estimées à une trentaine. Selon ces sources, M. Abou Sleiman doit en discuter dans les prochaines heures avec le ministre de l’Intérieur. M. Marwan Farès proposera pour sa part la fusion des deux articles 19 relatifs aux nominations dans les villes importantes, les centres d’estivage, les villages aux populations déplacées ou limitrophes de la bande frontalière et 20 concernant les désignations au sein de la zone occupée, de manière à ne retenir que celles-là.
Durant la réunion d’hier, les deux commissions ont voté en un tournemain les articles dits techniques, au terme d’un long débat autour des raisons pour lesquelles le ministre des Affaires rurales et municipales, M. Hagop Démirdjian, n’assiste pas aux réunions des commissions. De sources parlementaires, on apprend que le ministre avait été convoqué à toutes les réunions des commissions dont celle d’hier mais qu’il s’est excusé à chaque fois de ne pouvoir venir. Selon ces sources, M. Démirdjian aurait confié à ses proches qu’il a des réserves au sujet du projet de nominations et préfère ainsi ne pas participer à l’examen d’un principe dont il n’est pas convaincu.
Les rapports des deux commissions sur leurs travaux respectifs ont été ensuite lus, puis M. Murr a de nouveau exposé le point de vue du gouvernement concernant les nominations. Quarante-sept députés ont pris part à la réunion, sachant que les membres des deux commissions sont au nombre de 17 pour l’Administration et la Justice et de 12 pour les Affaires rurales et municipales et qu’eux seuls ont le droit de voter.
Les députés qui ont approuvé le principe des nominations sont MM. Chaker Abou Sleiman, Ahmed Soueid, Bahaeddine Itani, Hassan Alawiyé, Ghazi Zeayter, Sleiman Kanaan, Estéphan Doueihy, Khaled Saab, Habib Hakim, Ali Khreiss, Raji Abou Haydar et Jacques Tchoukhadarian. Les députés qui s’y sont opposés sont MM. Elie Skaff, Camille Ziadé, Zaher el-Khatib, Boutros Harb, Mohamed Raad, Mohamed Youssef Beydoun, Ahmed Fatfat, Abdel Rahman Abdel Rahman, Abdallah Cassir, Saleh Kheir, Ammar Moussaoui et Nazih Mansour.
M. Zaher el-Khatib a révélé qu’il s’est empressé de venir au Parlement après avoir été contacté par Mme Nayla Moawad et M. Camille Ziadé qui l’ont informé de l’imminence du vote. Mais c’est la voix de M. Saleh Kheir qui a favorisé le résultat égalitaire. Lorsque M. Ferzli a soumis l’article controversé au vote, 12 députés ont voté pour les nominations et 11 contre. Certains députés ont alors fait remarquer que M. Kheir ne se trouve pas dans l’Hémicycle et ont demandé qu’il soit convoqué. Le député de Minyé-Denniyé s’est dit contre les nominations. Selon des sources parlementaires, M. Ferzli a lancé un «ne passe pas» pendant que les députés levaient les bras contre les nominations, ce qui a suscité des remous dans l’Hémicycle. Le vice-président de la Chambre s’est rattrapé en laissant tomber un «Ça m’est échappé (Zamatit)», selon les mêmes sources qui ont dit ne pas savoir s’il faisait allusion à son lapsus ou à l’article.
Deux membres de la commission des Affaires rurales et municipales, MM. Khalil Hraoui et Elias el-Khazen, et leur collègue Abdo Bejjani, de l’Administration et de la Justice, n’ont pas pris part à la réunion.

Une alternative

Au terme du vote, le débat a été lancé autour du résultat puis la séance a été levée jusqu’à lundi dans l’après-midi. Les députés devront poursuivre l’examen du texte et tenter de s’entendre au sujet du mécanisme d’élection des présidents et des vice-présidents des conseils municipaux. La commission de M. Chaker Abou Sleiman avait adopté le projet d’élection du président et du vice-président par les membres du conseil municipal, contrairement à celle de M. Skaff qui s’était prononcée en faveur du suffrage universel.
Pendant que les députés loyalistes affichaient une mine plutôt déconfite, leurs collègues opposants ne cachaient pas leur joie. Une joie qu’ils savent de courte durée puisqu’ils sont pour la plupart persuadés que la majorité loyaliste au Parlement finira par l’emporter.
Mme Nayla Moawad et M. Zaher el-Khatib ont toutefois affirmé croire à la force d’un changement qui viendrait d’un peuple, en mettant notamment l’accent sur l’importance du mouvement lancé par le Collectif pour les élections municipales. M. Khatib a accusé le gouvernement de «mettre le Parlement devant une seule alternative en vue d’assurer sa mainmise sur le secteur des services assurés par les autorités locales :ou bien vous acceptez les nominations ou bien vous présentez un recours en invalidation du texte ce qui débouchera sur les mêmes résultats, une aliénation du droit du peuple à choisir ses représentants locaux».
De son côté, M. Robert Ghanem a estimé que le clivage qui s’est manifesté au sein de l’Hémicycle traduit celui de l’opinion publique. «Il ne faut pas croire que c’est le fait de réunir les chrétiens et les musulmans dans un même conseil municipal qui préservera l’entente nationale. C’est le rassemblement des Libanais autour d’un même projet national et autour d’un même objectif qui permetra d’atteindre ce but», a-t-il dit. Quant à M. Skaff, il a jugé primordial, après avoir souligné l’échec de la «troïka» à s’assurer une majorité parlementaire en faveur des nominations, de reconsidérer cette option «si l’on tient vraiment à l’entente nationale». Selon le président Hussein Husseini, le résultat égalitaire «a montré à quel point la résistance aux atteintes à la démocratie est forte». L’ancien président de la Chambre a accusé le gouvernement d’avoir «conduit le pays à sa perte à cause de sa politique suivant laquelle il faut qu’il gagne toujours, même lorsqu’il perd».
De son côté, M. Nassib Lahoud a souligné que l’article «qui n’arrive pas à assurer l’entente au sein des commissions réunies ne pourra pas garantir cette entente au niveau national», jugeant nécessaire de trouver une formule de substitut aux nominations durant la réunion de lundi. M. Boutros Harb a considéré que le projet du gouvernement est «carrément tombé» en ce sens qu’il n’est pas passé.
Mais le ministre de l’Intérieur était d’un avis contraire. Il a précisé que c’est la réunion de lundi qui déterminera si le projet est passé ou pas et révélera «ce que signifie le vote égalitaire». Selon M. Murr, ce sont des contacts entrepris à la dernière minute avec MM. Saleh Kheir et Abdel Rahman Abdel Rahman qui ont abouti aux 12/12. «La commission de l’Administration et de la Justice avait voté par 8 voix contre 6 pour les nominations et celle des Affaires rurales et municipales par 5 voix contre 4 contre le projet, ce qui fait que nous avions 12 voix en notre faveur. Mais c’est la mobilisation (parlementaire) et les contacts entrepris avec les députés Kheir et Abdel Rahman qui ont débouché sur un résultat égalitaire». M. Murr a indiqué qu’il ne peut revenir au Conseil des ministres avant de connaître la signification du résultat égalitaire, assurant sa détermination et celle de l’Exécutif à organiser les municipales et à défendre le projet de loi. «Nous défendons le droit du peuple qui veut les élections et nous œuvrons dans ce sens, mais l’ambiance des débats ne favorise pas l’organisation des élections. C’est une ambiance d’atermoiements», a-t-il dit.

Tilda Abou Rizk
M. Elie Skaff n’aurait pas pu mieux dire: «Bien qu’ayant mis tout son poids dans la balance, la «troïka» du Pouvoir n’a pas réussi à faire passer en commissions le projet de loi sur les municipales. Ce qui démontre bien que quelque chose ne va pas». Match nul donc entre les partisans de la nomination du tiers des membres de plusieurs conseils municipaux et les...