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Actualités - OPINION

Vient de paraître Eternité volante d'Ounsi El-Hage : une anthologie poétique en français

Comment saisir l’esprit et l’essence d’une œuvre et en restituer la chair dans une langue différente de celle où elle a été conçue? Violentée ou même transposée avec infiniment d’égards, il reste certainement des «bribes» de cette âme, qui en disent long sur la beauté et la lumière du trait de plume initial… Mais, comme dit Rimbaud: «Si la vrai vie est ailleurs», ici aussi la vraie création est ailleurs… On parle bien entendu littérature et plus précisément poésie. Nombreux sont les lecteurs qui, n’ayant pas un accès direct à la langue arabe, auraient aimé découvrir la voix de l’un des auteurs les plus lus et les plus brillants du monde arabe. Ounsi el-Hage, rédacteur en chef du quotidien «an-Nahar» dont il a longtemps dirigé le supplément culturel, l’un des fondateurs en 1957 de la revue de poésie d’avant-garde «Shir», chroniqueur redoutable et inspiré, traducteur, entre autres, de Breton et d’Artaud, est ici l’hôte d’une anthologie poétique, établie et présentée par Abdel Kader Janabi. «Eternité volante», édité chez Sindbad-Actes Sud (147 pages), jette la lumière dans une musicalité française sur ces poèmes qui ont secoué le monde arabe tant par leur forme innovatrice que par leur contenu souvent révolutionnaire… Qui dit anthologie, dit choix personnel. Qu’importe si la voix d’Ounsi el-Hage n’est guère là entière, ces choix révèlent toujours un grand pan de la personnalité à multiples facettes (journaliste, critique et poète) de l’auteur «Des mots, des mots, des mots…». Voici donc un de nos poètes les plus prisés par le public et le plus influent auprès des médias, en version étrangère où ses mots ont curieusement, le temps d’une anthologie, les résonances de la langue de Racine… Ecoutons el-Janabi commenter cette écriture dont l’éloquence est tissée de murmures, de douceurs, de réflexions aux pointes acérées, d’images sonores à la fois radieuses et incandescentes: «Tournant le dos à la rhétorique qui caractérise si fortement la littérature arabe, Ounsi el-Hage livra la langue à toutes sortes d’expériences et d’expérimentations, mit à sac la syntaxe et démasqua l’éloquence derrière laquelle se cachait la vérité de l’oppression».
Empruntant des passages à des ouvrages tels «Lan», «La tête coupée», «Le passé des jours à venir», «Qu’as-tu fait de l’or, qu’as-tu fait de la rose?» et «Le Banquet», cette anthologie donne un aperçu des différentes approches d’Ounsi el-Hage de thèmes où émergent la femme, les préoccupations culturelles et sociales, l’être et surtout le mal-être… Aperçu où le mot est à la fois flèche et incantation. Rendre dans une autre langue la force d’une écriture qui s’abreuve à d’autres sources n’est pas toujours tâche facile ou convaincante. Où sont ces accents gutturaux, déchirés et déchirants que l’arabe prête aux vocables? Où est cette musique jaillie d’un verbe appartenant à des régions grillées par le soleil et en quête d’horizons nouveaux pour un meilleur épanouissement?
Où est cette franchise d’une langue qui ressemble à une chevauchée fantastique? Où sont ces tournures et ces nuances qui n’appartiennent qu’à une langue farouchement fière et qui ne s’incorpore qu’à la beauté ardente du sable et du désert?… On ne coupe pas impunément une écriture, une voix, une atmosphère de ses racines…
Mais en dépit ou à cause de ces obstacles, cette anthologie, la première en français, a le mérite, déjà grand, de donner à la poésie d’Ounsi el-Hage la chance d’être découverte et lue hors du monde arabe.
Edgar DAVIDIAN
Comment saisir l’esprit et l’essence d’une œuvre et en restituer la chair dans une langue différente de celle où elle a été conçue? Violentée ou même transposée avec infiniment d’égards, il reste certainement des «bribes» de cette âme, qui en disent long sur la beauté et la lumière du trait de plume initial… Mais, comme dit Rimbaud: «Si la vrai vie est...