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Actualités - OPINION

Carnet de route Rideau


Ils n’avaient rien de commun que la passion de la musique et le terreau de la France. Barbara et Stéphane Grappelli viennent de disparaître à une semaine exacte de distance en cette fin d’automne, laissant endeuillé un public, toutes générations confondues (il avait 89 ans, elle 67), de fous de la chanson et de cinglés du jazz.
D’abord elle. De toutes les chanteuses qui ont compté dans la France d’après guerre, elle fut, avec, aujourd’hui, Marie Paul Belle, et, un temps, Anne Sylvestre, la seule «auteur-compositeur interprète» d’innombrables titres dont les refrains seront encore longtemps sur toutes les lèvres. Ce ne fut pas la seule grande — il suffit de citer, dans le désordre, Piaf, Greco, Sauvage, Colette Renard et d’autres — ce fut cependant la seule, avec Piaf, dont le personnage au même titre que la voix fut adoré de leurs publics respectifs. Parce que pathétiques toutes les deux, l’une avec son aristocratie saturnienne, l’autre avec sa gouaille des faubourgs, toutes deux avec leurs incessantes chutes et rechutes de l’âme.
Barbara, artiste très longtemps confidentielle assise derrière son piano de «L’Ecluse» avec un auditoire de cinquante personnes et payée 50 francs de 1960 par soirée, et puis cette brusque, très brusque explosion discographique et médiatique, Barbara sur les plus grandes scènes, sa Mercedes 600 à la porte et le triomphe. Et le grand public en délire à qui elle chantera «ma plus belle histoire d’amour c’est vous». Et, tout ce temps, la mort en contrepoint, le désespoir surmonté à chaque récital, la fin dont on craignit tant d’années qu’elle fût volontaire. car la longue dame noire et hautaine ne tenait à l’espérance que par un fil, celui des paroles et de la composition: jamais peut-être on ne vit un être aussi conscient de son salut, par-delà les trébuchements et la nuit. Elle voulut même, dans la moins connue de ses chansons, «la poudre de perlimpinpin», réconcilier Juifs et Palestiniens, elle qui, née en 1930, souffrit de sa judaïté tant qu’elle put.

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...Non, je n’ai pas oublié Grappelli en route. Le seul grand du jazz français qui restait. A vrai dire, le seul grand de l’histoire du jazz français avec Django Reinhardt, et si l’on excepte l’intrusion de Sydney Béchet dans l’Hexagone. Grappelli, ce fou de la vie et de l’archet, qui, l’an dernier encore, faisait une tournée de plusieurs semaines aux Etats-Unis, «l’inventeur» du violon en jazz. Et qui survécut une éternité après la disparition du quintette du «hot club de France», dont il était la cofondateur avec Django, qui s’envola tout seul, porté par sa joie de jouer, de jazzer, de danser sur les croches, simples ou quadruples, qu’il improvisait sur ses cordes comme le jeune homme qu’il était resté.

Amal NACCACHE
Ils n’avaient rien de commun que la passion de la musique et le terreau de la France. Barbara et Stéphane Grappelli viennent de disparaître à une semaine exacte de distance en cette fin d’automne, laissant endeuillé un public, toutes générations confondues (il avait 89 ans, elle 67), de fous de la chanson et de cinglés du jazz.D’abord elle. De toutes les chanteuses qui ont...