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Actualités - ANALYSE

La nouvelle république : un premier bilan mi-figue mi-raisin


«Nabuchodonosor, raconte cet ancien ministre, ayant vu en songe défiler sept vaches maigres suivies de sept vaches grasses, il a fallu que Daniel expliquât à ce génie un peu demeuré qu’il y aurait sept ans de prospérité après sept ans de pénurie. Après quoi, le roi a sagement fait jeter le prophète dans la fosse aux lions pour fausse propagande — car parler de misère sous son règne était une offense — et pour insulte à son intelligence, car ce n’est pas une explication aussi primaire qu’il attendait…»
«Ce long préambule pour expliquer que, vingt-cinq siècles plus tard, nous en sommes à peu près au même point, du moins dans ce pays. Il y est interdit de dire qu’il y a de la pauvreté, qu’elle ne cesse de croître et que la gestion des affaires publiques en est directement responsable. Pourtant, maintenant que les sept années d’on ne sait quelle vache — paisible nourricière que le régime évoquait volontiers à ses débuts —, sont écoulées, le bilan de la nouvelle République n’est pas des plus réjouissants. Il n’est, pour s’en rendre compte, que de se poser les questions suivantes:
— Peut-on trouver un rapport, même lointain, même en se servant d’une loupe, entre le système mis en place et les principes sur lesquels se fondent les accords de Taëf? Y a-t-il plus de justice, plus d’égalité, plus de participation générale que sous les précédentes républiques?
— A-t-on édifié, comme convenu à Taëf, un Etat solide garantissant l’ordre public et la stabilité dans tous les domaines ainsi que la sécurité policière ou sociale de tout bon citoyen?
— Les forces régulières libanaises ont-elles été autorisées à prendre seules en charge les régions libanaises libérées, comme elles en sont parfaitement capables depuis plusieurs années déjà? La violation de la souveraineté nationale par l’ennemi israélien qui occupe la bande frontalière se trouve-t-elle partiellement contrée par un renforcement de cette même souveraineté ailleurs? Ne comprend-on pas que la cession volontaire de droits aussi essentiels dans une partie du pays rend plus difficiles les réclamations contre tout spoliateur dans une autre partie?
— A-t-on veillé à la pérennité politique intérieure par la formation d’un véritable Cabinet d’entente nationale issu d’élections législatives libres, égales et propres?
— A-t-on établi un système stabilisant et dynamisant l’économie nationale indépendamment de toute personne? S’est-on soucié de préserver la livre en évitant des querelles politiciennes qui contraignent chaque fois la Banque centrale à intervenir en force sur le marché pour défendre la monnaie nationale, aux dépens de ses réserves en devises fortes? A-t-on pensé à élaborer un plan favorisant la croissance et la production tout en développant un programme progressif de prestations sociales, de manière à améliorer les conditions de vie des Libanais? Va-t-on indéfiniment continuer à ne répondre aux revendications légitimes de la population que sous la pression des grèves, des manifestations et des «rébellions»?
— Va-t-on cesser, au profit des vraies solutions, de recourir à de simples palliatifs pour gagner du temps, comme on vient de le faire à travers les mesures partielles — ou irréalistes — envisagées dans l’accord entre les trois présidents?»
Et de conclure en affirmant que, «tout jusqu’à présent permet de penser que la nouvelle République est frappée de cécité et ne voit pas que son comportement répond aux vœux de ceux qui veulent avant tout qu’elle reste faible sur le plan économique, divisée sur le plan politique, infirme, et somme toute «mineure» comme le soulignait naguère l’un des principaux dirigeants en personne, ce qui permet à autrui de la garder sous tutelle prolongée».

E. K.
«Nabuchodonosor, raconte cet ancien ministre, ayant vu en songe défiler sept vaches maigres suivies de sept vaches grasses, il a fallu que Daniel expliquât à ce génie un peu demeuré qu’il y aurait sept ans de prospérité après sept ans de pénurie. Après quoi, le roi a sagement fait jeter le prophète dans la fosse aux lions pour fausse propagande — car parler de misère...