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Actualités - CHRONOLOGIE

Les experts internationaux de nouveau à pied d'oeuvre, mais les USA continuent d'acheminer des renforts dans le Golfe Irak-ONU : un match nul au goût amer pour Washington

Les experts de l’ONU accueillis hier à leur retour en Irak par des slogans antiaméricains, les Etats-Unis, méfiants à l’égard de Bagdad, qui continuent d’envoyer des renforts militaires dans le Golfe… La crise entre l’Irak et l’ONU, bien qu’en voie de règlement avec son apparence de match nul, a illustré de manière éclatante l’impuissance actuelle de la diplomatie américaine dans la région du Golfe, où Washington semble peiner à se trouver une stratégie crédible (VOIR AUSSI P. 10).

Soixante-quinze experts de la Commission spéciale de l’ONU chargée de désarmer l’Irak (UNSCOM), dont les Américains expulsés le 13 novembre par Bagdad, sont arrivés à l’aéroport militaire de Habbaniya (ouest de Bagdad), couvert de graffitis antiaméricains. «A bas l’Amérique», proclamaient des slogans peints en jaune, en arabe et en anglais, sur le tarmac et sur des pancartes déployées autour de la piste d’atterrissage.
Le chef de l’UNSCOM Richard Butler a annoncé à New York que la première tâche des experts de l’ONU serait, samedi, «d’évaluer les dégâts, de voir quelles données nous avons perdues, de voir ce qui doit être fait pour nous ramener là où nous étions il y a trois semaines». Il a précisé que le cours normal des travaux de l’UNSCOM reprendrait après cette évaluation.
Le chef de l’UNSCOM avait exprimé sa crainte de voir l’Irak profiter de la crise pour développer ses armes chimiques et bactériologiques.
Le retour des experts a été permis par l’annonce de Bagdad jeudi, aux termes d’un accord avec la Russie, qu’il acceptait le retour immédiat des inspecteurs de toutes nationalités. En échange, Moscou s’est engagé «à contribuer activement, et sur la base de l’application par l’Irak des résolutions du Conseil de Sécurité, à lever le plus rapidement possible les sanctions» imposées depuis l’invasion irakienne du Koweit en août 1990.
Le président américain Bill Clinton a qualifié vendredi le retour des experts de «réussite importante pour la communauté internationale». «Il montre une fois de plus qu’une diplomatie résolue, appuyée par l’utilisation potentielle de la force, est le seul moyen de traiter avec Saddam Hussein», a-t-il ajouté.
Selon les responsables irakiens, la Russie s’est engagée à essayer d’obtenir une recomposition plus équilibrée de l’UNSCOM, le gel des survols de l’Irak par l’avion espion américain U-2 que Bagdad a menacé d’abattre, et le gel des inspections des sites présidentiels.
Signe de leur méfiance, les Etats-Unis ont continué vendredi à acheminer des renforts dans la région, où ils disposeront d’ici la fin du week-end d’un dispositif militaire fort de quelque 27.000 hommes qui, selon le Pentagone, restera en place jusqu’à ce que les inspecteurs de l’ONU puissent accéder librement aux sites susceptibles d’abriter des armes de destruction massive.
Le porte-avions «USS George Washington» est arrivé avec son groupe naval dans le Golfe, où se trouve déjà le porte-avions «USS Nimitz». En outre, six chasseurs furtifs F-117 sont arrivés au Koweït. Six bombardiers B-52, capables de tirer des missiles de croisière, étaient attendus en provenance de l’île de Diego Garcia dans l’océan Indien. Washington a en outre envoyé 36 avions de combat supplémentaires, deux bombardiers B-1 et quatre avions de ravitaillement à Bahrein où une batterie de missiles antimissiles Patriot doit être déployée.

Scepticisme de la
presse américaine

Mais malgré les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles le numéro un irakien a subi «un revers», tout le monde n’était pas de cet avis aux Etats-Unis.
Le New York Times estimait ainsi dans un éditorial que le leader irakien avait obtenu «au moins un match nul», et le sentiment était même répandu qu’il s’agissait en fait d’une victoire de Saddam Hussein.
Ken Pollack, expert des questions du Golfe à l’Institut de Washington pour le Proche-Orient, qualifiait ainsi d’«erreur» et d’«aspect troublant» le fait que la Maison-Blanche, après être restée très ferme, ait fait savoir mardi qu’elle était prête à accepter une diminution de la proportion des Américains au sein de la Commission spéciale de l’ONU chargée du désarmement de l’Irak (UNSCOM).
«Le simple fait que nous soyons disposés à dire cela suggère qu’en provoquant cette crise, Saddam Hussein a forcé les Etats-Unis à faire quelque chose qu’ils ne voulaient pas faire», a-t-il déclaré.
«A court terme, nous avons évité le pire», estime pour sa part Yahya Sadowski, analyste à la Brookings Institution. Mais il pense que le répit sera bref. Saddam Hussein «peut créer une crise quand il veut», affirme-t-il, car c’est lui qui a l’initiative. La question de fond, explique M. Sadowski, c’est que «les Etats-Unis ont besoin d’un système de sécurité (dans la région du Golfe) qui ne les oblige pas à expédier un demi-million de soldats chaque fois que l’Arabie Séoudite est menacée».
Il n’a aucun doute que Washington doit, pour cela, revoir la question «de l’équilibre des forces entre l’Iran et l’Irak».
Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Clinton, en 1993, les Etats-Unis appliquent une politique dite de «double endiguement» visant à isoler par un embargo économique total à la fois l’Irak et l’Iran, qu’ils considèrent comme des parias. A la lumière de la récente crise irakienne, «cette politique a encore moins de sens», assure M. Sadowski.
Le problème pour les Etats-Unis est qu’ils doivent «reconnaître que leur capacité à imposer leurs vues à travers la région diminue», renchérit M. Pollack. «Il y a eu une période de cinq ans après la guerre du Golfe durant laquelle nous pouvions tout faire», rappelle-t-il.
Mais cette période est aujourd’hui révolue. Le processus de paix entre Israël et ses voisins arabes est aujourd’hui complètement bloqué, alors que les Etats-Unis ne parviennent pas à imposer leurs vues à leurs alliés européens sur la nécessité de mettre en quarantaine l’Iran et ont de plus en plus de mal à maintenir les sanctions de l’ONU à l’encontre de l’Irak.
«Il se peut qu’il ne soit plus nécessaire de continuer à endiguer l’Iran plus longtemps», a estimé M. Pollack. «Cela rendrait l’endiguement de l’Irak d’autant plus facile».
Leur pouvoir étant réduit, les Etats-Unis doivent donc en somme choisir leurs priorités. Mais les pressions de l’opposition républicaine qui contrôle le Congrès sont telles qu’à l’heure actuelle M. Clinton ne peut pas envisager la moindre décrispation avec Téhéran.
La politique américaine dans le Golfe risque donc de rester figée jusqu’à nouvel ordre… pour le plus grand bonheur de Saddam Hussein.
Les experts de l’ONU accueillis hier à leur retour en Irak par des slogans antiaméricains, les Etats-Unis, méfiants à l’égard de Bagdad, qui continuent d’envoyer des renforts militaires dans le Golfe… La crise entre l’Irak et l’ONU, bien qu’en voie de règlement avec son apparence de match nul, a illustré de manière éclatante l’impuissance actuelle de la...