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Actualités - ANALYSE

Dépolitisez le problème financier, demandent les milieux d'affaires

Les économistes, les banquiers et les hommes d’affaires tirent à leur tour la sonnette d’alarme: une question d’intérêt vital comme la solidité de la monnaie nationale «doit rester, disent-ils, strictement à l’abri des tiraillements politiques. La livre appartient à tous les citoyens et n’a ni confession ni idéologie».
En effet, l’argent n’a pas d’odeur et les spécialistes ajoutent que «le traitement de la crise financière que traverse le pays doit se faire loin de toute surenchère démagogique, à l’écart donc des luttes d’influence entre leaderships distincts et de l’empoignade entre gens du pouvoir. Pour un tel sujet, il est absolument nécessaire de développer entre toutes les parties concernées une concertation objective qui ne tiendrait compte que de l’intérêt bien compris du pays. Le gouvernement et la Chambre sont conjointement responsables de toute décision, de toute orientation dans ce domaine. Les commissions parlementaires et a fortiori l’Assemblée dans son ensemble ne peuvent s’en laver les mains en prétendant que leurs prérogatives en la matière sont extrêmement limitées. C’est peut-être globalement vrai en théorie puisque la Constitution interdit aux députés de relever les chiffres du budget et qu’elle les contraint à le voter…, à cette double différence près que rien dans le texte ne les empêche de réduire le budget par amendement et qu’ils sont libres de le renvoyer au gouvernement, quitte à prendre le risque d’une dissolution de la Chambre. On sait en outre qu’en pratique, dès le travail en commissions et à coups de négociations avec le gouvernement, les députés infléchissent considérablement le projet de Budget et que par la suite leurs interventions en séance générale forcent souvent le Cabinet à modifier sa ligne de conduite sur tel ou tel projet… Le débat budgétaire est l’une des pierres d’angle de ce que l’on appelle le rôle de contrôle et d’orientation de la Chambre par rapport à la gestion gouvernementale. Il est ainsi évident que lorsque la Chambre approuve l’augmentation des traitements des fonctionnaires, elle force le gouvernement à revoir à la hausse sa copie de Budget, sinon pour le prochain exercice financier (le relèvement pouvant être assuré par une loi et des crédits à part) du moins pour le suivant. Il est également évident que l’équation de M. Siniora «à toute nouvelle dépense nouvelle recette obligatoire» n’engage pas la Chambre qui tout en votant l’augmentation salariale peut refuser de voter les taxations censées la couvrir. En revanche, les députés peuvent faire des pieds et des mains tant qu’ils veulent pour obtenir, par exemple, des crédits extraordinaires en faveur de Baalbeck-Hermel, si le gouvernement ne coopère pas il n’y aura rien de fait».

Solidarité

«Comme on voit, insistent ces sources, la coopération entre les pouvoirs mais aussi entre toutes les parties prenantes reste le maître-mot en matière de sauvegarde financière, de budget, d’économie et de développement social. Sans un considérable effort commun, on ne voit d’ailleurs pas comment la gageure consistant à limiter à 37% le déficit budgétaire pourra être tenue l’an prochain. Il est élémentaire de souligner que la toute première condition de succès, avant même la neutralisation du gaspillage endémique, est d’éviter l’inflation, de laisser à la Banque centrale toute sa force en devises et pour cela il est impératif qu’un consensus national mette le dossier économico-financier à l’abri de toute secousse et de toute polémique à caractère politique».
Et de préciser ensuite que «les deux écoles qui se font face sur le plan technique au sujet des voies à adopter pour le redressement économique du pays doivent laisser de côté pour le moment leurs controverses car avant de reparler des options pour l’avenir il faut d’abord arrêter le naufrage, stopper l’hémorragie. Les mesures à prendre d’urgence ne font partie ni de l’une ni de l’autre de ces écoles. Il ne s’agit pas en effet de savoir s’il faut dépenser plus sur les superstructures que sur le social ou inversement, mais tout simplement de savoir comment ne plus dépenser du tout, ou le moins possible! On aura bien le temps ensuite, si l’on arrive à sauver le navire, de discuter du cap à choisir».
Ces conseils d’experts paraissent avisés, mais il est difficile voire impossible de dépolitiser le dossier économique et financier. On le comprend tout de suite quand on entend le président de la République déclarer, lors du dîner du Conseil central maronite, que les difficultés socio-économiques du pays tout en étant bien réelles ne peuvent justifier aucune action de revendication qui irait jusqu’à remettre en question l’Etat, les institutions et jusqu’à «ébranler l’entité» nationale. Cette claire allusion au mouvement de Toufayli vient rappeler que la crise socio-économique se double d’une crise de confiance dans le pouvoir et dans le système qui, sans prendre les formes extrêmes d’une révolte quasi armée, est très générale dans le pays. La méfiance, les dirigeants eux-mêmes l’éprouvent visiblement les uns envers les autres dans la mesure où ils assument chacun pour sa part un certain rôle de chef de camp. Et l’on croirait ainsi, entre autres exemples, entendre un opposant quand le chef de l’Etat, toujours à ce même dîner bien maronite, s’exclame: «Est-ce que tout le monde paie son dû à l’Etat? Est-ce que tous les services publics veillent vraiment sur les intérêts de l’Etat et sur les droits des citoyens? Est-ce que les politiciens se souviennent quand ils arrivent au pouvoir de ce qu’ils réclamaient quand ils n’y étaient pas?» M. Hraoui ajoute sur un ton encore plus vif: «Le pays est fatigué des tiraillements et des querelles. Suffit de flatter les pulsions des gens. Nous savons tous que nos conditions économiques sont dures. Suffit de tourner autour du pot: il faut que tous ensemble nous prenions courageusement les mesures techniquement nécessaires, pour coûteuses qu’elles paraissent car on ne peut laisser aller les choses».
Le problème c’est qu’on entend aussi le président de la Chambre, le président du Conseil, les ministres et les députés développer de semblables récriminations, en écho aux plaintes de la population. Et l’on se demande: mais qui donc est à la barre, serait-ce l’étranger, même en matière économique et financière? Est-ce du dehors qu’il faut attendre l’épuration de l’Administration, des mœurs politiciennes corrompues et l’arrêt du gaspillage?
Les responsables disent qu’il faut cesser de parler et qu’il faut agir. Ils le répètent tous volontiers et tant de fois qu’on se demande ce qu’ils attendent pour mettre en application ce mot d’ordre si simple…

E. K.
Les économistes, les banquiers et les hommes d’affaires tirent à leur tour la sonnette d’alarme: une question d’intérêt vital comme la solidité de la monnaie nationale «doit rester, disent-ils, strictement à l’abri des tiraillements politiques. La livre appartient à tous les citoyens et n’a ni confession ni idéologie».En effet, l’argent n’a pas d’odeur et les...