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Actualités - CHRONOLOGIE

Budget : Hariri-Berry toujours en désaccord

A l’image du pays en chantier, le chef du gouvernement et celui de l’Assemblée se sont attelés, depuis deux jours, à la recherche d’une formule de compromis qui concilierait les impératifs de la reconstruction et du développement, avec celui de la défense du niveau de vie des classes moyennes et défavorisées, menacées par le gouvernement d’une cascade de taxes indirectes et d’impôts.
Mais repenser la politique économique et sociale du pays est une oeuvre de longue haleine, qui ne saurait être réglée par deux réunions nocturnes, quelle que soit la bonne volonté des parties en présence. Il y faudrait associer également aussi bien l’opinion que les forces vives de la nation, ce qui aurait pu se faire si le Conseil économique et social avait vu le jour.
En gros, le président de l’Assemblée serait en faveur d’une réduction des dépenses, par la mise en oeuvre d’une politique d’austérité, et de l’instauration de taxes et impôts frappant les classes aisées, ainsi que d’une perception intégrale des factures publiques, comme celles de l’électricité.
Par «réalisme», le chef du gouvernement, lui, ne croit pas vraiment à une compression significative des dépenses, du moins à court terme, et surtout dans la situation actuelle du pays et de l’administration. De ce fait, pour permettre à la reconstruction de continuer sur sa lancée, il préconise l’instauration de taxes indirectes faciles à percevoir, notamment d’une surtaxe de 5.000 L.L. sur l’essence, et souhaite également contracter une nouvelle dette de plusieurs centaines de millions de dollars, pour financer des projets de développement, ainsi que le retour des déplacés et le paiement des arriérés dus aux hôpitaux privés.

En deçà des espoirs

Après la réunion de lundi, une seconde séance de travail Exécutif-Législatif centrée sur l’examen du projet de Budget 1998 s’est tenue hier, comme prévu, à Aïn el-Tineh , en présence du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, du président de l’Assemblée, M. Nabih Berry, et des ministres et députés présents la veille MM. Yassine Jaber (Economie), Fouad Siniora (Finances), Anouar el-Khalil, Khalil Hraoui (président de la commission parlementaire des Finances) et Mohammed Beydoun.
A l’issue de cette réunion, entrecoupée d’un dîner de travail, le chef du gouvernement, visiblement fatigué, a fait une déclaration délibérément vague, ce qui laisse penser que les accords de la soirée sont restés en deçà de ceux qu’il espérait obtenir.
«Nous sommes parvenus à des résultats de très grande importance», a déclaré quand même M. Hariri, sans entrer dans le détail. Et d’expliquer qu’il s’agissait de «réduire les dépenses et d’augmenter les recettes»  de manière à assurer un meilleur équilibre budgétaire.
Ce manque de transparence laisse penser que les désaccords subsistent au sujet des grandes orientations sociales du gouvernement, et notamment de la politique fiscale qui les reflète. C’est ce qu’a laissé entendre M. Mohammed Abdel Hamid Beydoun, qui a cependant promis du concret pour les prochains jours.
Outre les options sociales, des estimations divergentes des coûts de certaines dépenses publiques seraient également à l’origine du désaccord persistant entre MM. Hariri et Berry. A titre d’exemple, M. Berry estime de 90 à 120 milliards de L.L. au maximum le coût d’une augmentation de 20% des traitements et salaires dans le secteur public, et à 330 milliards de L.L. celui de la mise en oeuvre d’une nouvelle échelle des traitements dans le secteur public.
En revanche, M. Siniora estime respectivement à 470 milliards de L.L. et à 590 milliards de L.L. ces coûts.
M. Hariri a annoncé par ailleurs qu’une «approche commune» du problème de la réforme administrative, source d’un gaspillage considérable des ressources publiques , a été élaborée, et qu’il en fera part au chef de l’Etat, avant d’en discuter, en cas d’accord de ce dernier, en Conseil des ministres. La commission parlementaire des Finances, en sera également saisie, a-t-il ajouté.
Au sujet des recettes du Trésor, M. Hariri est également resté dans la vague. Il a refusé de dire si une augmentation du tarif de l’essence est toujours à l’ordre du jour. M. Berry, rappelle-t-on, s’oppose formellement à cette augmentation, ainsi qu’à une majoration des taxes sur la mécanique, qui figurent dans l’annexe 9 du projet de Budget consacré aux recettes. M. Hariri a cependant assuré que les nouvelles taxes envisagées ne pénaliseront pas les classes populaires.

Pas de réduction du
nombre de ministères

Sur le plan des compressions budgétaires, M. Hariri a précisé qu’il n’a pas été question de réduire le nombre des ministères, comme certains le proposaient, mais de réduire l’administration hypertrophiée.  «On ne va pas remercier des ministres actuellement en exercice. Il faut du temps pour mettre au point ces choses», a-t-il dit. Sans compter, ajoute-t-on, le dosage des influences politiques au sein du gouvernement. M. Hariri a quand même affirmé que «le principe d’une fusion des ministères est peut-être retenu».
Dans la journée, le ton de cette réunion nocturne avait été donné par MM. Khalil Hraoui et Rafic Hariri et par les milieux proches de M. Berry. C’est ainsi que M. Hraoui, qui avait rendu compte au chef de l’Etat des travaux de la veille, avait précisé que la seconde réunion serait principalement consacrée à la recherche de nouvelles recettes, comme la première avait été consacrée aux dépenses.
Dans ce domaine, apprenait-on, le Législatif privilégie la réduction des dépenses, plutôt que l’accroissement des recettes, et serait en faveur d’une politique d’austérité qui s’étalerait sur six ans et qui passerait, notamment, par le licenciement de tous les conseillers ministériels (entre 2 et 8 milliards de L.L./an), la fusion des ministères (Affaires étrangères/Emigrés/Education nationale/Enseignement technique et professionnel, etc.), la rationnalistation du travail des organismes et ministères qui effectuent le même type de travail, la révision des estimations des dépenses des ministères et leur réduction de près de 20% ainsi que l’étroite supervision, par les ministres, des dépenses de leurs ministères, le renforcement des organismes de contrôle, etc.
Mais le premier à se rendre compte de l’extrême difficulté de toute réforme administrative sérieuse, est le chef du gouvernement. Intervenant hier dans un forum sur la réforme administrative, M. Hariri a souligné que celle-ci est impossible, à moins d’être précédée d’une «réforme politique». Changement de moeurs et de mentalités qui ne semble pas facile à obtenir, dans l’état de faiblesse actuelle des institutions.
Le Conseil des ministres

Avant la rencontre de Aïn el-Tiné, le Conseil des ministres s’était réuni et M. Rafic Hariri l’avait informé des résultats de ses entretiens de mardi avec M. Berry. «Le président Nabih Berry a affirmé sa disposition à coopérer avec le gouvernement pour trouver les moyens qui permettront de faire voter le Budget tout en maintenant le taux fixé pour le déficit budgétaire», à savoir 37,45%. C’est ce qu’a déclaré M. Hariri durant la réunion ordinaire que le Conseil des ministres a tenue en début de soirée au sérail gouvernemental.
Selon les précisions du ministre de l’Information, M. Bassem Sabeh, M. Hariri a invité les ministres à «collaborer avec la commission parlementaire des Finances pour réduire autant que possible les budgets de leurs départements respectifs». Il a précisé que les discussions de Aïn el-Tiné ont essentiellement porté sur la compression des dépenses. M. Hariri a qualifié ces discussions de «franches, positives et objectives».
Le chef du gouvernement a par ailleurs vivement dénoncé l’attentat de Louxor perpétré par un groupe d’intégristes de la «Jamaa islamiya» contre des touristes étrangers, estimant que ce crime est «en contradiction avec les préceptes de l’islam et les valeurs de l’Orient». Il s’est arrêté sur la crise irakienne et a invité «les parties concernées» à favoriser «les solutions diplomatiques qui éviteront à la région davantage de tensions». Tout en estimant que l’Irak se doit de respecter les résolutions internationales, M. Hariri a mis l’accent sur les dangers qui guettent le Liban du fait de la poursuite de l’occupation israélienne et du refus israélien de mettre en application les résolutions internationales prévoyant son retrait inconditionnel de la partie sud du pays. M. Hariri s’est également félicité des résultats du sommet de la francophonie qui s’était tenu la semaine dernière à Hanoi, et notamment de la décision d’organiser la conférence sur la francophonie de l’an 2001 à Beyrouth.
Après l’intervention du chef du gouvernement, le Conseil des ministres a entamé l’examen des points inscrits à son ordre du jour et a approuvé la majorité d’entre eux. Il a notamment approuvé l’octroi de 152 milliards de livres au ministère des Ressources hydrauliques et électriques. Cette somme permettra à l’EDL d’acheter du carburant. Du moment qu’elle était prévue dans le Budget de 1997, des ministres ont demandé à savoir si son approbation ne risque pas d’aggraver le déficit budgétaire de cette année, évalué à 53%, selon des sources bien informées. Mais M. Hariri a expliqué qu’elle sera prélevée sur le B udget de 1998, a-t-on ajouté de mêmes sources.
Le gouvernement a également voté un projet de prêt entre le Liban et le Fonds arabe de développement économique et social. Ce prêt de 23 millions de dinars koweitiens doit contribuer au financement du projet de développement de l’Université libanaise.

A l’image du pays en chantier, le chef du gouvernement et celui de l’Assemblée se sont attelés, depuis deux jours, à la recherche d’une formule de compromis qui concilierait les impératifs de la reconstruction et du développement, avec celui de la défense du niveau de vie des classes moyennes et défavorisées, menacées par le gouvernement d’une cascade de taxes...