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Actualités - ANALYSE

Beyrouth suit avec intérêt la nouvelle politique régionale de Teheran


M. Fouad Siniora, ministre délégué aux Finances, est attendu les jours prochains à Téhéran où, à la tête d’une importante délégation il doit finaliser un certain nombre d’accords économiques conclus dans leurs grandes lignes par le président du Conseil, M. Rafic Hariri, au cours de sa récente visite dans la capitale iranienne. La délégation doit également discuter avec les Iraniens de nombre de projets pouvant présenter un intérêt commun.
Pour en revenir à la visite en Iran de M. Hariri, une source informée en retire «la nette impression que, comme le confirme d’ailleurs l’élection à la présidence de la République de Khatami le modéré, la République islamique veut s’ouvrir sur les pays de la région et établir avec eux des relations normalisées, dépouillées de toute tension idéologique ou frontalière. Pour contrebalancer les effets de l’embargo américain, l’Iran cherche à sortir de son isolement sur le plan régional, à se dégager de la gangue d’hostilité que sa révolution intégriste et ses tentatives de l’exporter lui ont valu. Ainsi, le nouveau gouvernement iranien, aussitôt entré en fonction, a dépêché son ministre des Affaires étrangères pour une large tournée de prise de contact, pour ne pas dire de réconciliation avec différents pays voisins».

Prudence

«Les Arabes, note ce dirigeant, accueillent avec satisfaction, mais aussi avec prudence, cette politique iranienne de la main tendue et attendent de voir si elle va se confirmer. Car nul n’ignore que dans la réalité pratique, des courants contradictoires se partagent ou se disputent le pouvoir effectif en Iran, en dessous de la barre intouchable sur laquelle opère le Guide, Khamenei qui reste pour sa part un khomeyniste irréductible. Son influence étant primordiale, nul ne sait si par fidélité à la ligne dure de l’Ayatollah il ne va pas un jour brusquement donner un coup d’arrêt à la «libéralisation» si l’on peut dire de la République islamique. Et stopper du même coup l’ouverture sur le Golfe arabe. En attendant, la lutte de pouvoir se poursuit avec acharnement et les déboires, par exemple, du maire de Téhéran (membre à ce titre du Conseil des ministres) en sont une preuve éclatante. Ce modéré qui avait soutenu à fond Khatami dans sa campagne, est maintenant traduit en justice suite à de violentes attaques des «conservateurs» qui l’accusent de corruption. S’il chute, le camp des modérés, partisans d’un dialogue positif avec les Arabes, pourrait se retrouver dans de beaux draps et être obligé de renoncer au pouvoir. Et l’on verrait se dissiper rapidement l’image d’un Iran résolu à passer du stade révolutionnaire au stade d’un Etat bien intégré à la communauté internationale et à sa légalité. Cette orientation, qui n’en est qu’à ses débuts, risque donc d’être étouffée dans l’œuf par les radicaux, les Arabes le savent et c’est donc pourquoi ils accueillent avec prudence les ouvertures iraniennes».

Satisfaction

«Pour notre propre part, poursuit cet officiel, nous sommes évidemment très satisfaits d’entendre le président de la République islamique déclarer qu’il a la ferme intention de soutenir le Liban dans toutes ses communautés. Khatami a ajouté : «j’aime les musulmans mais j’aime encore plus la vérité. J’invite les musulmans à continuer à aimer les chrétiens, et à aimer la vérité encore plus». Cette vérité à laquelle le président iranien fait allusion c’est que le Liban est un pays composite, avec une carte découpée politiquement sur une base communautaire. Partant de là, Khatami a voulu souligner que l’Iran ne soutient pas un projet de République islamique au Liban. La visite de M. Hariri jette ainsi les bases de bonnes relations diplomatiques et économiques d’Etat à Etat, dans l’intérêt commun des deux pays».
Sur le plan concret, cette personnalité confirme que les accords conclus «visent à faciliter les échanges commerciaux, le trafic aérien et maritime, les projets d’exploitation communs ou mutuels, les investissements réciproques. M. Siniora va pour sa part négocier plus particulièrement les détails d’un protocole pétrolier aux termes duquel l’Iran s’engage à fournir au Liban les carburants dont il a besoin, surtout pour l’EDL, pratiquement à moitié prix. Il faudra voir en détail combien la tonne de brut livrée cif port de Beyrouth va nous être comptée et combien aussi la tonne de pétrole raffiné, étant donné que nos raffineries de Zahrani et de Tripoli sont en panne et auraient besoin de 350 millions de dollars pour redevenir fonctionnelles. A priori cependant nous pensons que même avec le coût du transport, les carburants iraniens, fuel pour l’EDL en tête, vont nous permettre de réduire presque de moitié notre facture pétrolière annuelle qui s’élève à quelque 850 millions de dollars».

L’embargo

«D’autre part et à dire vrai, avoue ensuite cet officiel, nous pourrions avoir un problème pour ce qui est de la réouverture de la ligne aérienne Beyrouth-Téhéran. C’est là, aussi étrange que cela puisse paraître à première vue, une question de nature politique car les Etats-Unis vont à n’en pas douter pousser les hauts cris en parlant de «pont aérien» à caractère militaire ou «terroriste». Aussi, après consultation de Damas au titre de la coordination diplomatique, et après avoir tenté de faire comprendre aux Occidentaux l’inocuité de tels échanges, ce sera au Conseil des ministres de décider s’il faut ou non défier l’embargo U.S. En tout cas les Iraniens ont pour leur part été très clairs: ils mettent comme condition à l’entrée de nos produits chez eux sous couvert de facilités douanières (car les taxes sont là-bas tout à fait prohibitives) le rétablissement de la jonction aérienne. La délégation libanaise qui accompagnera M. Siniora va en principe proposer que la MEA soit seule en charge de la ligne et puisse imposer ses conditions de sécurité même à bord des appareils de la compagnie aérienne iranienne qui seraient autorisés à gagner Beyrouth».
Il faudra cependant voir si le jeu en vaut la chandelle et si un rapprochement trop accentué avec l’Iran ne va pas indisposer, à part les Etats-Unis, des parties influentes qui elles-mêmes ont avec la République islamique des rapports privilégiés mais n’en considèrent pas moins ce pays-ci comme une chasse gardée.
E. K.
M. Fouad Siniora, ministre délégué aux Finances, est attendu les jours prochains à Téhéran où, à la tête d’une importante délégation il doit finaliser un certain nombre d’accords économiques conclus dans leurs grandes lignes par le président du Conseil, M. Rafic Hariri, au cours de sa récente visite dans la capitale iranienne. La délégation doit également discuter...