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Actualités - REPORTAGE

Au théâtre Monot Claude Piéplu dit Prévert : une poésie de conteur (photo)

Le théâtre Monot, à la rue de l’Université Saint-Joseph, vient d’ouvrir ses portes au public. Flambant neuf avec ses murs en pierres bouchardées, ses sièges à couleur rouge, et une grande scène nue illuminée par les spots, il est bien ce «lieu privilégié à vocation multiple, ce lieu de tous les possibles» comme le souligne Aimée Boulos dans son mot d’accueil pour inaugurer, avec la poésie de Prévert, cet espace voué à la magie et à la puissance du verbe. Verbe plein d’humour et de tendresse, verbe à la verve franche, brutale, cocasse, satirique et humoristique. Prévert avec son accent populaire, sa générosité sans prétention philosophique est ici l’hôte d’un récital intitulé «Poésie sur parole» auquel Claude Piéplu prête, avec talent, voix et vie.
Pas de cette poésie déclamée, emphatique, monocorde. Au contraire, vivante, libre, enjouée, d’une délicieuse irrévérence. Tout d’abord il y a l’amour. Cet amour auquel, paradoxalement, derrière ses insultes, ses cris de colère et même de haine, Prévert semble avant tout s’être voué. Et sans doute est-ce précisément parce qu’il aime qu’il n’accepte rien de ce qui lui semble menacer ou détruire la liberté humaine, et qu’il se révolte contre tout ce qui lui fait obstacle: la bêtise, l’injustice, la cruauté, le racisme, la guerre... Tout cette poésie semble avoir pour souci, même lorsqu’elle ne parle que de misère, de douleur et de mort, d’appeler, de chercher pour l’homme un bonheur possible... L’amour de Prévert pour le peuple, les enfants, les innocents, les opprimés ne cesse de transparaître sous l’anticonformisme agressif, l’anarchisme volontaire qui le porte à dénoncer et à refuser toutes les contraintes sociales. Mais cette violence, ce délire des mots cachent toutefois une générosité réelle, un amour acide mais vrai, une défense fraternelle des pauvres contres les riches, des humbles contre les puissants... Révolutionnaire, l’œuvre de Prévert l’est dans l’esprit comme dans la forme. Du groupe surréaliste dont il a fait partie, il a gardé le goût et le secret de l’image-surprise. Il sait en effet, en quelques mots, nous évoquer un paysage, nous peindre sans intellectualisme de petits tableaux, nous raconter des anecdotes et des historiettes qui nous rendent sensibles la réalité la plus simple, la plus quotidienne, la plus partagée, tout en nous en proposant une vision nouvelle...
Ainsi sa poésie, comme celle des troubadours, est-elle surtout faite pour être parlée et chantée. Composée de vers livres, de versets, et même de prose, elle adopte un rythme discontinu, un désordre délibéré, capables de mieux frapper l’imagination... Prévert se sert du langage plus comme une parole orale que comme une langue écrite afin de se rapprocher le plus possible du langage ordinaire, du «monde parlé», tout en laissant à la poésie son pouvoir spécifique d’incantation.
Avec une chaise et une table pour tout décor, avec quelques notes de piano égrenées comme intermède musical entre deux poèmes, Claude Piéplu a réussi la gageure de restituer l’esprit facétieux d’un Prévert idéaliste qui rêve de la joie de vivre pour tous... Et c’est ce rêve peut-être qui donne à ces vers les plus frais et les plus émouvants, un curieux accent de mélancolie...
Edgar DAVIDIAN
Le théâtre Monot, à la rue de l’Université Saint-Joseph, vient d’ouvrir ses portes au public. Flambant neuf avec ses murs en pierres bouchardées, ses sièges à couleur rouge, et une grande scène nue illuminée par les spots, il est bien ce «lieu privilégié à vocation multiple, ce lieu de tous les possibles» comme le souligne Aimée Boulos dans son mot d’accueil pour...