Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Le système de la troïka plus que jamais sur la sellette

Désabusé plutôt que dépité, un ancien ministre relève que «plus personne ne sursaute, tant on s’y est habitué: le dossier des présidentielles, dont l’ouverture a été jugée prématurée par les décideurs, se trouve refermé sur un simple claquement de doigts. Maintenant qu’un scrutin anticipé devient sur injonction hors de question, il faut attendre le mot d’ordre concernant la désignation du prochain président de la république, la prorogation du mandat de M. Elias Hraoui paraissant exclue pour le moment…»
«On peut regretter, poursuit cet indépendantiste qui est en même temps réaliste, la soumission de nos autorités à la volonté d’autrui; mais on peut regretter encore plus fort, tant qu’il en est ainsi, que l’intervention extérieure n’ait pas eu lieu bien plus tôt: les querelles successives de nos dirigeants ont coûté à la Banque centrale des centaines de millions de dollars pour soutenir la livre déstabilisée par la tension politique au sein même du pouvoir. Et cela au moment où la population traverse un bien mauvais quart d’heure sur le plan socio-économique. On peut d’ailleurs s’étonner que les Libanais, résignés, retiennent chaque jour leur souffle en attendant de voir sur quel sujet futile les dirigeants vont se disputer, au lieu de réagir et de manifester contre une telle irresponsabilité, jamais vue auparavant, et Dieu sait si ce pays a connu des pouvoirs incapables ou défaillants…»
«Encore heureux, poursuit cet ancien ministre, qu’à Damas au moins on réalise combien il peut être nocif un an entier avant l’expiration du mandat de M. Hraoui de plonger le pays dans un climat tendu, émaillé de secousses quotidiennes, de campagne présidentielle. M. Murr a donc été prié de transmettre aux intéressés un véritable rappel aux réalités les plus élémentaires et l’on a donc gelé la question si conflictuelle des présidentielles. Mais il est évident que cela ne suffit pas, que ce n’est qu’une brèche que l’on a comblée dans une muraille trouée de toutes parts. Aujourd’hui ou demain, les nominations administratives en sont un exemple entre mille, les trois présidents se retrouveront à couteaux tirés pour des riens».

Détail

«Ainsi, souligne l’ancien ministre, c’est à cause du veto opposé par M. Hariri à la désignation d’un directeur général des douanes zahliote, proposée par M. Hraoui, que la république s’est trouvée ébranlée sur ses bases et que l’on a parlé de présidentielles anticipées! Qu’y aurait-il eu si on devait changer tout le staff des fonctionnaires de première catégorie et comment les trois présidents pourraient-ils se mettre d’accord sur le système de rotation intercommunautaire à ce niveau, si pour un seul cas ils se sont déclaré une guerre totale. Il est donc impératif de changer tout le système car plus on avance et plus il a tendance à se vicier, par accumulation de ressentiments mutuels et de contentieux entre les trois présidents».
«Mais, ajoute cet ancien dirigeant, il est évident que si un changement de système doit intervenir un jour — ce qui n’est malheureusement pas du tout acquis —, il faut d’abord passer par une étape préparatoire transitoire. Il s’agirait d’une première réforme qui est, elle aussi, bien difficile objectivement à réaliser car elle se situe au niveau d’un changement d’attitude des responsables. S’ils arrivent à avoir, comme on dit en arabe, le cœur pur les uns à l’égard des autres, si les intentions restent bonnes, de considérables progrès peuvent être réalisés sur le plan du fonctionnement de l’Etat. Ainsi pour les nominations, ils pourraient mettre en poste les fonctionnaires sur lesquels ils se seraient entendus et geler la décision en attendant un consensus au sujet des fonctionnaires sur lesquels il n’y aurait pas eu d’accord, en cessant de tout bloquer comme ils le font maintenant parce qu’ils s’accrochent sur un seul cas. Le pays ne peut plus se payer le luxe de ce comportement où chacun veut obtenir pleine satisfaction de ses demandes, faute de quoi il n’accorde rien aux autres et bloque tout».
«De plus, poursuit cette personnalité, au-delà de la nécessité de cesser de se chamailler, il est temps que les dirigeants réalisent que ni le Liban ni l’Etat ne sont leur propriété personnelle héritée en indivis. Il y a un intérêt et un ordre publics à respecter. Dans ce cadre, pour soutenir la décision politique ou y suppléer quand elle est bloquée, ce qui est précisément le cas, il faut se fier à l’avis, à l’arbitrage, des institutions techniques spécialement créées à cet effet, comme le Conseil de la Fonction publique qui propose des listes pour les nominations administratives. Mieux encore, il faut veiller à ne pas laisser sans effectifs moteurs des mécanismes essentiels pour le contrôle de l’Administration comme l’Inspection centrale ou le Conseil de discipline générale qui sont toujours sans présidents. C’est bien beau d’inclure dans l’amusant armistice signé il y a quelques jours entre MM. Berry et Hariri un point prévoyant de renforcer ces organismes de contrôle, mais encore faut-il commencer par leur redonner une direction. On ne voit pas comment on pourrait autrement entamer la mise sous surveillance comptable des Caisses, des municipalités et du Conseil du Sud, pour lutter contre la dilapidation des fonds publics, ainsi que l’exige l’accord bilatéral en question. A l’heure où l’on débat du budget, il y a sur ce plan une priorité évidente. Il vaut donc mieux que les trois présidents, puisqu’ils tiennent à s’arroger la décision au mépris du Conseil des ministres, s’efforcent de s’entendre pour pourvoir de toute urgence ces deux postes-clés vacants, quitte à laisser pour après, pour le prochain régime qui en tout cas va modifier l’organigramme, le reste des nominations et les rotations intercommunautaires…».

E.K.
Désabusé plutôt que dépité, un ancien ministre relève que «plus personne ne sursaute, tant on s’y est habitué: le dossier des présidentielles, dont l’ouverture a été jugée prématurée par les décideurs, se trouve refermé sur un simple claquement de doigts. Maintenant qu’un scrutin anticipé devient sur injonction hors de question, il faut attendre le mot d’ordre...