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Actualités - CHRONOLOGIE

L'American Task force for Lebanon a clôturé hier sa visite Le problème de Jezzine et la présence syrienne au coeur des entretiens de l'ATFL à Beyrouth

Il n’y a pas que l’économie et l’investissement au Liban qui intéressent les membres de la délégation de l’«American Task Force for Lebanon». Le sort du pays en tant qu’entité souveraine, libre et réellement démocratique s’est avéré être une de leurs préoccupations. Durant leur séjour d’une semaine à Beyrouth, ils n’ont donc pas hésité à soulever avec les dirigeants libanais, en plus des dossiers économiques, une série de questions brûlantes telles que le sort des habitants de Jezzine au cas où Israël se retirerait subitement de la région, la présence et l’influence syriennes au Liban, la démocratie dans le pays, le droit des émigrés au vote.... mais ils sont apparemment restés sur leur faim.
Les réponses obtenues étaient loin de satisfaire leur curiosité ou de dissiper leurs craintes quant à l’avenir du pays. Du moins, c’est ce qu’on a appris de sources officieuses du groupe. Ces Américains d’origine libanaise se sont néanmoins assurés que les questions qu’ils se posent sont fondées, à la faveur d’un entretien avec le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir.
L’entretien n’était pas prévu au programme de la visite de la délégation qui regagne ce matin New York. Plusieurs membres du groupe ont voulu rencontrer le patriarche puis il a été décidé qu’une délégation réduite à sept personnes se rendra à Bkerké. Parmi elles, MM. Atef Harb, Peter Tannous, fondateur de l’«American Task Force for Lebanon», Sami Hajj et Boutros Bouyounès. L’entretien s’est tenu loin de tout tapage médiatique. Devant ses visiteurs, le patriarche a développé les points qu’il soulève régulièrement dans ses homélies dominicales, comme la corruption, la politique de deux poids deux mesures appliquée selon lui par le gouvernement, l’indifférence de l’Etat à l’égard des problèmes de la population, l’aliénation de la liberté de décision libanaise et la paralysie de la vie démocratique.
Des explications fournies par des membres du groupe, il ressort que ce sont essentiellement l’influence syrienne et le problème de Jezzine qui préoccupent le plus de nombreux membres de l’ATFL. Concernant ce dernier point, on indique de mêmes sources, qu’un Comité de Jezzine s’est constitué aux Etats-Unis depuis que des rumeurs concernant un retrait israélien de la région ont commencé à circuler et que des craintes ont été exprimées au sujet du sort des habitants de la région. Tout comme l’ATFL s’était fait un point d’honneur de défendre la cause du Liban auprès de l’Administration américaine et de militer pour la levée des restrictions qui étaient imposées sur les voyages des Américains au Liban, ce comité s’est fixé pour objectif de plaider la cause de Jezzine auprès des autorités américaines. Il veut s’assurer que rien n’arrivera à ses habitants au cas où l’Etat hébreu désserrerait son emprise sur la région: lorsque ses membres expliquent aux responsables US le problème et la situation particulière de Jezzine, ils se réfèrent souvent aux massacres qui ont suivi en 1983 le retrait israélien du Chouf, a-t-on appris.
Selon les mêmes sources, la délégation de l’ATFL a tenté d’en avoir le coeur net et de savoir exactement ce qui se passera si les Israéliens décident un beau jour de plier bagages et de se replier avec l’ALS de Jezzine. En vain. Si le commandant en chef de l’armée, le général Emile Lahoud, a expliqué aux membres de l’ATFL que les forces régulières sont prêtes et peuvent à tout moment combler un vide que laisserait un éventuel retrait israélien, les responsables politiques se seraient montrés plutôt évasifs sur la question, selon les mêmes sources. Le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, aurait même répondu qu’il s’agit là d’une question d’ordre purement interne...
Une question interne mais qui préoccupe sérieusement les Libanais des Etats-Unis dont plusieurs sont originaires de Jezzine. Dès qu’Israël évoque la possibilité d’un retrait, des milliers de messages sont aussitôt envoyés au Congrès, au Sénat et au département d’Etat américains, leur demandant de protéger les habitants de la région. Durant son entretien avec les membres de l’ATFL, le député Mohamed Fneich a rappelé que le Hezbollah s’était engagé à ne pas pénétrer dans cette partie du Liban-Sud, en cas de retrait d’Israël. Mais ces assurances, l’ATFL voulait les entendre des responsables libanais.

Une «nouvelle formule»

En ce qui concerne la question de l’influence et de la présence syrienne au Liban, elle a été soulevée durant presque toutes les réunions avec les dirigeants libanais. Selon les mêmes sources officieuses, le chef du gouvernement aurait précisé que la présence syrienne est nécessaire non seulement pour le maintien de la sécurité dans le pays mais pour «rétablir la cohésion entre les Libanais». Il a poursuivi en estimant qu’une «nouvelle formule» doit toutefois être «trouvée pour que tout le monde puisse vivre au Liban tout en étant satisfait». Que peuvent signifier ces propos pour le moins flous? dans les milieux précités, on n’a pas été en mesure de répondre mais on a précisé que M. Hariri répondait à une question concernant les propos qui lui avaient été récemment attribués dans la presse locale sur la présence syrienne au Liban.
Plusieurs membres de l’ATFL directement concernés par la situation dans le pays ont aussi tenté de savoir pourquoi l’application de la résolution 520 appelant au retrait de toutes les forces étrangères du Liban, n’est pas réclamée par Beyrouth, au même titre que celle de la 425, partant du principe que le Liban devrait gérer lui-même ses propres affaires. La même réponse était obtenue partout: c’est Beyrouth qui a sollicité l’intervention de la Syrie.
Si on ne conteste pas dans les mêmes milieux le bien-fondé de la concomitance des deux volets libanais et syrien des négociations de paix, il n’en demeure pas mois qu’on souligne que personne ne devrait négocier à la place du Liban avec Israël. Les membres précités de l’ATFL se disent étonnés, voire déçus de ce que tous les responsables libanais rencontrés, même l’opposition parlementaire, tiennent le même langage dès qu’il s’agit de la politique étrangère du Liban, laquelle, à leurs yeux, doit être indépendante de celle de la Syrie.
Les membres de l’ATFL affirment ne pas s’attendre à ce que les négociations de paix reprennent dans un avenir prochain, mais se disent persuadés que le secrétaire d’Etat américain, Mme Madeleine Albright «a le charisme nécessaire pour opérer un changement au niveau des pourparlers de paix». Ils estiment également que les propos, tenus par Mme Albright lors de sa visite au Liban, peuvent être interprétés comme exprimant une nouvelle orientation politique au département d’Etat américain.
Ces mêmes sources jugent nécessaire pour leur part un changement de la situation dans le pays, précisant à ce sujet que les émigrés libanais hésitent à investir dans le pays, partant du principe que l’avenir y est incertain, en raison, entre autres, du gel des négociations de paix. La tournée que vient d’effectuer l’ATFL et les résultats des entretiens de ses membres avec les organismes économiques les aideront-ils à vaincre leurs réticences? l’avenir nous le dira.
Certains parmi ces émigrés font partie de ceux qui croient que les Libanais de la diaspora doivent également avoir le droit de choisir leurs représentants au Parlement, surtout s’ils seront amenés à investir et à travailler dans le pays. Ce point de vue a été répercuté par certains membres de l’ATFL, durant leurs entretiens avec les dirigeants. Mais ils se sont dit déçus par la tiédeur de la réaction des responsables libanais, qui leur sont apparus peu enclins à permettre aux émigrés libanais de prendre part aux élections législatives.
Déçus, ils l’étaient parce qu’ils ont perçu cette réaction comme un rejet et comme un obstacle à un développement de la vie démocratique au Liban. Toujours est-il qu’à Baabda ils ont eu l’impression contraire: «Allez présenter une demande de naturalisation», leur a dit, catégorique, le chef de l’Etat.

Tilda ABOU RIZK
Il n’y a pas que l’économie et l’investissement au Liban qui intéressent les membres de la délégation de l’«American Task Force for Lebanon». Le sort du pays en tant qu’entité souveraine, libre et réellement démocratique s’est avéré être une de leurs préoccupations. Durant leur séjour d’une semaine à Beyrouth, ils n’ont donc pas hésité à soulever avec...