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Actualités - OPINION

Carnet de route Du repas des fauves à celui de Marie

Les dieux soient loués: l’Italie a résolu sa crise politique, MM. Romano Prodi et Fausto Berlinotti ont surmonté leurs antagonismes, et Rome est de nouveau dans Rome («au moins pour une année», dit le texte de l’accord).
Ce ne sera pas le cas, gageons-en, malgré l’influence de Damas, pour les duettistes de l’opéra-bouffe libanais «Je t’aime, moi non plus», à savoir MM. Berry et Hariri. Ce n’est pas jouer à l’oiseau de malheur que de prédire une prochaine crise dans les rapports entre les deux hommes. Le phénomène est en effet cyclique, les deux présidents s’opposant à la fois ès fonction et ès individus et représentant, en outre, deux communautés qui veulent toutes les deux faire élire leur maronite à elle, dans moins d’un an, au sommet de l’Etat. Chef du gouvernement et chef du Législatif ont, chacun, moins de douze mois de manœuvres devant eux, et une si forte motivation ne peut aller sans affrontements nouveaux et sans d’incessants allers-retours vers les rives du Barada. Le spectacle de «Je t’aime, moi non plus» a de beaux jours devant lui.

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Et les maronites? Auront-ils droit à un candidat qui leur soit propre? Non. L’ont-ils jamais eu? Jamais. Ce fut longtemps l’influence américaine, prenant le relais de celle de la Grande Bretagne, qui «fit passer» et Chamoun, et Chehab, et Hélou, et Sarkis et même Béchir Gemayel, puis son grand frère, puis René Moawad, puis Elias Hraoui, l’avis de Damas se faisant plus important à mesure. Il y avait consultation, pas exclusivement pour la forme, mais notre République fut coiffée, par l’étranger, d’hommes qui n’étaient pas toujours ses «agents» au demeurant. Ce fut patent en 1952 quand Hamid Frangié avait le vent en poupe, que la Chambre faillit se déshonorer et que Chamoun, considéré comme plus docile, nous fut imposé contre la majorité de l’islam libanais, mais avec l’assentiment de Noury Saïd.
Tout cela, on le sait. Mais je reviens aux maronites. Et je pense à une récente déclaration de M. Khaddam. On lui demandait pourquoi il n’avait pas donné suite à la sollicitation d’une délégation chrétienne du Liban qui voulait lui rendre visite pour se plaindre de la «marginalisation» politique et administrative des chrétiens depuis Taëf. Il répondit par un camouflet qui était en même temps une leçon «républicaine»: «L’Etat syrien ne traite qu’avec des Etats». Les particuliers n’avaient qu’à se rhabiller. C’était de bonne politique. Une vraie attitude de «décideur». Dont on sait, parce que nous sommes au Proche-Orient, qu’il s’agit d’une ombre chinoise. Car M. Khaddam est sensible au communautarisme pour de multiples raisons.
Ne serait-ce qu’à cause de la géographie humaine de son propre pays.

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Le monde arabe, le Tiers Monde (non latin à part Cuba) tout entier, se présentent parfois comme des orphelins de l’URSS. Ah ces traités «d’amitié et de coopération» qui les liaient — si peu — à Moscou tout en leur permettant, selon les saisons, de se non aligner à volonté, avec un semblant de dissuasion envers la bannière étoilée! Il n’y a plus de mausolées sur la Place rouge. Il n’y a plus que l’immensité de l’islamisme, radical ou «affairiste», et, plus loin, à l’Ouest, l’énormité de la seule super puissance qui reste, avec son dollar qui marque jusqu’à notre vie quotidienne et dont la guerre du Golfe a magistralement démontré combien il fallait la craindre; jusque dans la sophistication technologiquement admirable de son matériel de mort, et de son «complexe militaro-industriel» en général.
Il ne faut pas néanmoins essayer de résister à l’invasion des Mac Donald’s, annoncée pour 1998. Mac Donald’s n’est qu’un autre nom de la «fatalité». On ne résiste pas à la fatalité (relire les tragédiens grecs). Ma petite-fille Marie, elle, en sera barbouillée et heureuse, et c’est ce qui compte. Elle sera bilingue hamburger-manakiche. C’est ce qu’on appelle le métissage culturel.

Amal Naccache
Les dieux soient loués: l’Italie a résolu sa crise politique, MM. Romano Prodi et Fausto Berlinotti ont surmonté leurs antagonismes, et Rome est de nouveau dans Rome («au moins pour une année», dit le texte de l’accord).Ce ne sera pas le cas, gageons-en, malgré l’influence de Damas, pour les duettistes de l’opéra-bouffe libanais «Je t’aime, moi non plus», à savoir...