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Actualités - CHRONOLOGIE

Ambiance bon enfant à la chambre Le parlement vote l'adhésion du Liban à la convention internationale sur la prise d'otages (photo)

Les premiers effets de la réconciliation Berry-Hariri se sont fait sentir durant la réunion parlementaire d’hier, la dernière de la session extraordinaire ouverte en été. La séance s’est déroulée dans un climat bon enfant jusqu’au moment où elle a été été levée de manière impromptue par le chef du Législatif, faute de quorum. Pour une fois, le gouvernement a été épargné, voire même ménagé par les parlementaires. Même les deux enfants terribles de la Chambre, Najah Wakim et Zaher Khatib, semblaient touchés par cette grâce inhabituelle qui planait hier sur l’Hémicycle. Les critiques à l’adresse de l’Exécutif des 14 députés — qui ont pris la parole dans la matinée — n’ont pas dépassé les remarques du style «peut mieux faire». Wakim demande que le gouvernement pose la question de confiance, mais personne ne prend cette demande au sérieux, d’autant que la séance prend fin sans qu’il ne revienne à la charge.\
C’est dire à quel point la nature des rapports Berry-Hariri conditionnent le déroulement des réunions parlementaires et à quel point le président de la Chambre peut en définitive influer sur les députés. La réunion d’hier l’a prouvé: dans certains cercles politiques, on répétait récemment que la convocation la semaine dernière, de cette réunion s’inscrivait dans le cadre du conflit entre les deux responsables et avait pour but de mettre le gouvernement, dont M. Berry contestait vigoureusement la gestion, sous le feu roulant des critiques des députés. Cette thèse semble plausible puisque les députés ont évité de s’attarder sur les sujets qui ont défrayé la chronique la semaine dernière tels que les taxes ou le gaspillage étatique. Plus encore, la séance s’est achevée alors que le Parlement n’avait voté qu’un seul texte de loi sur un total de dix inscrits à son ordre du jour et renvoyé deux autres en commissions. Le projet de loi approuvé autorise le gouvernement à adhérer à la convention internationale sur la prise d’otages, un texte qui tient particulièrement à cœur à l’Exécutif puisqu’il s’agit d’une des conditions qui avait été posée par Washington, dit-on, pour lever les restrictions imposées au voyage des Américains au Liban.
Comme il l’avait laissé entendre il y a quelques jours, M. Rafic Hariri n’a pas assisté à la séance de la matinée consacrée aux interventions des députés. Pour la plupart, ces derniers ont axé leurs brèves allocutions sur la crise socio-économique, dont ils ont attribué la responsabilité à la gestion gouvernementale et dans une moindre mesure à la dernière brouille entre les chefs du Parlement et du gouvernement.
Premier à prendre la parole, M. Wakim évoque le rapport de l’Inspection centrale sur le gaspillage dans les ministères, sans s’attarder dessus puis conteste le décret autorisant les étrangers à acquérir des terrains au centre-ville. Il souligne aussi l’importance de la dette publique. Pour M. Wakim, l’avenir du Liban sur le double plan financier et économique s’annonce sombre. «Si une petite secousse politique a obligé la Banque centrale à jeter sur le marché monétaire des millions de dollars pour maintenir la valeur de la livre, qu’en sera-t-il avec une autre plus importante»? s’est-il interrogé avant d’estimer que de «graves dangers» guettent le pays et de demander que le gouvernement pose la question de confiance.
«Il a été prouvé aujourd’hui que la politique suivie par le chef du gouvernement et son pari sur sa personne sont tout à fait inopportun, parce qu’ils sont fondés sur la mentalité d’un entrepreneur qui n’agit que dans son propre intérêt», renchérit Zaher Khatib.
Alors qu’il énumère toutes les catégories politiques et sociales opposées, selon lui, à la méthode de travail de M. Hariri, le président de la Chambre l’interrompt. «Grand Dieu, il n’a laissé personne. Epargnez-nous cette énumération et dites-nous qui l’approuve». Apparemment, M. Khatib ne comprend pas la plaisanterie puisqu’il réplique vivement: «Sa cour et tous ceux qui profitent de son argent». Le député de l’Iklim el-Kharroub met en garde contre une politique fiscale qui pourrait entraîner des troubles sociaux, non sans avoir auparavant fait remarquer que le chef du gouvernement a fait un un mauvais pari en misant sur une paix régionale imminente. Pour lui aussi, «il est temps de changer le gouvernement et d’établir un plan de sauvetage national».
Son collègue Boutros Harb parvient, lui, à piquer au vif M. Berry en assimilant les quatre réunions de Baabda aux retrouvailles de la «troïka», enterrée comme on le sait depuis plusieurs mois par le chef du Législatif. Très diplomate, M. Harb commence par souligner le côté positif des entretiens, parrainés par le chef de l’Etat et qui ont mis fin à une brouille de trois semaines, entre MM. Berry et Hariri. «Pour la première fois, nous réglons nos problèmes au palais de Baabda et nous ne dérangeons pas nos frères Syriens». «Que Dieu vous garde», rétorque M. Berry. Le député poursuit en se félicitant de la décision d’organiser les municipales, annoncée mardi soir par M. Berry dans le hall du palais de Baabda. «Je me demande toutefois ce qui a réellement plongé le pays récemment dans un climat de confrontation. Les médias parlent de conflit autour du projet de budget et des taxes mais les points annoncés mardi soir démontrent le contraire», a-t-il ajouté, estimant que l’accord Berry-Hariri sur les municipales, l’imposition d’un contrôle rigoureux sur les dépenses étatiques, l’application du principe de la rotation entre les communautés au niveau des administrations publiques... «n’engage en rien le Conseil des ministres ou le Parlement parce qu’il n’a aucune valeur constitutionnelle et légale». Et d’enchaîner: «Les projets annoncées à Baabda auraient dû être débattus dans le cadre des institutions et non pas entre les trois présidents. Vous aviez annoncé la mort de la «la troïka» mais nous avons besoin de savoir si elle l’est vraiment».

Réunions de coordination

Le président de la Chambre réagit vite en insistant sur la mort de la «troïka». Il déclare que son conflit avec M. Hariri avait commencé avec l’affaire de la surtaxe sur l’essence et s’était développée par la suite. «Nous n’avons rien décidé à Baabda, nous n’avons soulevé aucun sujet nécessitant une décision puisque toute décision doit être prise en Conseil des ministres, ou sous la forme d’une loi au Parlement. Je me suis retrouvé presque malgré moi en train de reprendre à mon compte les revendications de l’opposition», dit-il, indiquant que les six points annoncés à partir de Baabda «n’apportent rien de nouveau puisqu’il y a déjà un accord à leur sujet mais qu’ils n’avaient jamais été mis à exécution».
Il donne dans ce cadre l’exemple du bureau national des médicaments précisant que la loi réactivant cet organisme avait été votée en 1983. «Je pense, poursuit-il, que lorsque le chef du Parlement tient une réunion avec les pôles de l’autorité exécutive, c’est pour suivre de près l’application de certains points, répercuter le point de vue parlementaire et populaire à leurs sujets et non pas pour faire revivre la troïka», poursuit-il. Il est approuvé par M. Hussein Husseini, mais seulement sur ce point, parce que l’ancien président de la Chambre conteste l’initiative prise par M. Berry d’annoncer, en dehors du cadre du Parlement, un accord en six points avec M. Hariri. Il réclame qu’une réunion parlementaire soit consacrée à cette affaire. Le but de cette réunion, explique-t-il, est de mettre les points sur les «i». «A la lumière des débats, il sera décidé si le président de la Chambre pourra ou non annoncer une position au nom de l’Assemblée». Misbah el-Ahdab approuve le principe de la réunion, tout en réclamant que la décision du gouvernement au sujet de la fermeture des médias audiovisuels émettant illégalement soit appliquée dans toutes les régions libanaises et pas seulement à Tripoli.
Avant que M. Sélim Hoss ne prenne la parole, les députés Abdallah Cassir, Hussein Hajj Hassan, Salah Haraké, Ismaël Succarieh, Ibrahim Bayan, Hassan Alawiyé et Ammar Moussaoui mettent l’accent dans leurs allocutions respectives sur la crise socio-économique. M. Haraké demande aussi que le principe de la rotation entre les communautés soit appliqué au niveau des trois présidences. Pendant que le député Abdallah Cassir parle, le courant électrique est interrompu. L’air malicieux, le ministre des Ressources, M. Elie Hobeika, fait semblant d’étouffer un cri de la main, en jetant un regard à la ronde.

Hoss: le gaspillage

De sa voix posée, le président Hoss critique l’accord «écrit» Berry-Hariri, ce qui fait sursauter le chef du Parlement . «Qui a parlé d’accord écrit»? s’enquit-il. «La presse», répond M. Hoss. «Ce n’est pas vrai», ajoute M. Berry. L’ancien chef du gouvernement aborde ensuite le thème du gaspillage, s’arrêtant particulièrement sur la formation de nouveaux ministères «qui a entraîné souvent un enchevêtrement de prérogatives». Il s’est également attardé sur la «prolifération» d’ambassades à l’étranger, estimant que le Liban peut être représenté dans deux ou trois pays par une même mission diplomatique.
Il est un peu plus de midi, lorsque le Parlement entame l’examen des textes inscrits à son ordre du jour. C’est à ce moment précis que le chef du gouvernement fait son entrée dans l’Hémicycle. Le débat autour du projet de loi concernant la drogue et les hallucinogènes se prolonge avant que le texte ne soit en définitive renvoyé aux commissions parlementaires conjointes, pour complément d’étude. Le projet en question avait été examiné par quatre commissions parlementaires, mais il n’a été distribué que mardi aux députés. De plus, M. Berry estime que ce renvoi se justifie par le fait que de nombreux députés n’ont pas pris connaissance du texte, dans la mesure où il avait été étudié sous le mandat de l’ancienne Chambre.

Deux courants opposés

Le projet de loi autorisant le Liban à adhérer à la Convention internationale de New York sur la prise d’otages entraîne une longue discussion. On sait que l’adhésion du Liban à cette convention est une des conditions mises par Washington pour lever les restrictions américaines imposées sur le pays. L’administration américaine aurait posé une deuxième condition: celle de voir un seul service de sécurité s’occuper de questions de cet ordre à l’aéroport de Beyrouth. Comme par hasard, la délégation de l’American Task Force for Lebanon arrive au Parlement pour assister à une partie du débat. Elle ne restera toutefois pas longtemps.
Deux courants parlementaires s’opposent pendant le débat: le premier, représenté par MM. Zaher Khatib, Ammar Moussaoui, Ibrahim el-Sayyed et dans une moindre mesure Najah Wakim, estime que la convention peut constituer un piège pour le Liban. Le deuxième, représenté par MM. Boutros Harb, Chaker Abou Sleiman, Nayla Moawad et Mohamed Youssef Beydoun, estime que le Liban ne peut pas se mettre au ban de la société internationale en refusant d’adhérer à une convention qui représente une garantie pour le respect des droits de l’homme et aura par conséquent moins de chance d’obenir la libération des «otages» libanais dans les geôles israéliennes.
Les opposants au projet voient dans ce texte un piège américain visant essentiellement à neutraliser la Résistance, d’autant, disent-ils, que les Etats-Unis avaient fait figurer le Hezbollah dans la liste des groupes terroristes. Pour eux, le texte a une dimension politique et non juridique. M. Khatib s’élance dans un long exposé à ce sujet. Ammar Moussaoui affirme redouter que les Etats-Unis ne traitent le Liban comme ils ont traité l’Irak après qu’il eut signé la convention prohibant la prolifération des armes nucléaires. M. Chaker Abou Sleiman tente d’apaiser leurs craintes, précisant que le Liban est tout comme Israël membre de l’ONU et ne reconnaît pas pour autant l’Etat hébreu.
Les députés demandent à savoir quels pays ont jusqu’à présent signé cette convention et si des Etats arabes, essentiellement la Syrie, l’ont signée. C’est le chef du gouvernement qui répond soulignant que 95 pays y ont adhéré, dont la Jordanie, le sultanat d’Oman, l’Arabie Séoudite, l’Algérie, l’Egypte, Tunis et le Maroc, mais pas la Syrie. Ibrahim el-Sayyed propose alors que le vote de la convention soit reporté jusqu’à ce que la Syrie y adhère. Zaher Khatib affirme souhaiter que le Liban demande au préalable la formation d’une commission internationale qui définisse le concept de terorisme. Abdallah Cassir note que le Liban ne doit pas y adhérer avant que tous les otages libanais détenus en Israël ne soient libérés. Puis Najah Wakim propose que le Liban annonce qu’il accepte le principe de cette convention mais approuve le texte plus tard. M. Berry soumet les quatre propositions au vote mais elles ne passent pas. Le texte est ensuite voté article par article. MM. Moustapha Saad, Ibrahim Bayyan, Ibrahim Amine el-Sayyed, Ammar Moussaoui, Mohamed Fneich et Zaher Khatib votent contre. M. Abdallah Cassir exprime des réserves et MM. Hussein Husseini et Khaled Daher s’abstiennent de voter.
Le Parlement planche ensuite sur la proposition de loi élaborée par M. Chaker Abou Sleiman et exemptant toutes les communautés libanaises du paiement d’impôts. A travers ce texte, M. Abou Sleiman veut faire en sorte que les communautés libanaises soient toutes traitées sur un pied d’égalité. Il y a lieu de signaler que c’est la première fois dans l’Histoire du Liban qu’une telle question est soulevée. En effet, depuis l’époque des Ottomanns, les communautés mahométanes étaient exemptées du paiement d’impôts, contrairement aux chrétiens.
Après une intervention de M. Abou Sleimane qui souligne la nécessité de voter ce texte sur base de l’égalité des Libanais, principe garanti par la Constitution, M. Berry souligne sa détermination à aller dans ce sens mais affirme que toutes les communautés doivent payer leurs taxes et impôts à l’Etat du moment que certaines de leurs institutions, comme notamment les hôpitaux et les écoles, font des bénéfices énormes, dit-il. M. Hariri donne lecture des taxes et impôts dont les communautés mahométanes sont exemptées et propose que seuls les dons ne soient pas taxés. Puis le texte est renvoyé aux commissions parlementaires qui doivent l’examiner sur la base définie par le chef du Législatif.
Une proposition de loi amendant l’article cinq de la loi régularisant les atteintes à la loi sur le bâtiment est aussi renvoyé en commissions. Avant d’entamer l’examen du texte, M. Berry demande à l’un des gardes d’appeler les députés et les ministres installés au salon. Mais le garde revient pour annoncer qu’il n’y a plus personne à l’extérieur. Faute de quorum, la séance est donc levée, laissant ainsi la voie ouverte à toutes sortes de supputations. Selon certaines sources parlementaires, le défaut de quorum était voulu. Il s’agit, indique-t-on dans ces milieux, d’un des résultats directs des retrouvailles Berry-Hariri. Selon ces sources, M. Berry en accord avec le chef du gouvernement a voulu éviter que les députés ne s’attaquent à deux propositions de loi: la première concerne l’amendement des taxes douanières sur certaines voitures importées et la deuxième prévoit une organisation de l’exploitation de l’espace hertzien. D’autres indiquent que c’est parce qu’ils ont voulu prendre part aux obsèques de l’ancien ministre Victor Cassir, que de nombreux députés, notamment ceux de Beyrouth, sont partis. Quelle thèse faut-il retenir?

Tilda ABOU RIZK
Les premiers effets de la réconciliation Berry-Hariri se sont fait sentir durant la réunion parlementaire d’hier, la dernière de la session extraordinaire ouverte en été. La séance s’est déroulée dans un climat bon enfant jusqu’au moment où elle a été été levée de manière impromptue par le chef du Législatif, faute de quorum. Pour une fois, le gouvernement a été...